États-Unis

Le phénomène Donald Trump aux États-Unis

La dérive vers une présidence autocratique

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Chronique de Rodrigue Tremblay

« C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser : 

il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites » ...

 Montesquieu (1689-1755), 1748.

 

« Là où vous avez une concentration du pouvoir dans quelques mains, trop souvent, des hommes 

avec la mentalité de gangsters en prennent le contrôle. »

— Lord Acton (1834-1902), 1866.

 

« Les leaders de masse totalitaires firent reposer leur propagande sur l'hypothèse psychologique 

vérifiée, selon laquelle, dans de telles conditions, on pouvait faire croire un jour aux gens des 

déclarations des plus fantastiques, et être confiant que si, le lendemain, on leur donnait une preuve 

irréfutable que le tout était un mensonge, ils se réfugieraient dans le cynisme; au lieu d’abandonner 

les dirigeants qui leur avaient ouvertement menti, ils prétexteraient qu'ils avaient toujours su que la 

déclaration était fausse et continueraient d’admirer les leaders pour leur intelligence tactique 

supérieure. »

Hannah Arendt (1906-1975), (dans « Les origines du totalitarisme », 1951).

 

« Si le gouvernement [américain] devenait une tyrannie, si un dictateur s’imposait un jour dans ce 

pays, l’avance technologique conférée aux services du renseignement du gouvernement pourrait lui 

permettre d'imposer une tyrannie totale, et il n'y aurait aucun moyen de se défendre parce que les 

efforts les plus prudents pour organiser la résistance contre le gouvernement, même faits en privé, 

par les citoyens eux-mêmes, seraient connus du gouvernement. » 

—Frank Church (1924-1984), avocat et sénateur américain, président d’un comité sénatorial,

(dans une interview avec l'émission télévisée 'Meet The Press', le 17 août, 1975)

 

« Lorsque le fascisme arrivera en Amérique, il sera enroulé dans le drapeau et il portera la croix. » 

Sinclair Lewis (1885-1951), auteur américain, (tiré de ‘It Can't Happen Here’, 1935, un roman 

sur l'élection d'un fasciste à la présidence américaine).

 

• Introduction

 

Le mercredi 5 février 2020 sera un jour une date mémorable dans l’histoire des États-

Unis. C’est, en effet, à cette date qu’une majorité sénatoriale de 52 sénateurs 

républicains, (à l'exception notable du sénateur Mitt Romney), vota contre la 

condamnation du président Donald Trump, dans le procès en mise en accusation de 

ce dernier et sa destitution pour ‘abus de pouvoir’ et pour ‘entrave à la bonne marche 

du Congrès’. C'est aussi la date à partir de laquelle Donald Trump interpréta son 

exonération comme un chèque en blanc pour transformer la présidence étasunienne 

en un pouvoir autocratique.

 

Au mépris évident de la Constitution américaine et du système américain des 

contrepoids, les facilitateurs républicains de Donald Trump ont ainsi placé le peuple 

américain devant un fait accompli. La seule question maintenant reste à savoir si cette dangereuse dérive vers un régime autoritaire sera acceptée ou inversée lors de 

l’élection présidentielle du 3 novembre prochain.

 

• Jusqu’où Donald Trump poussera-t-il les États-Unis vers une autocratie 

présidentielle ?

 

Selon le test bien connu du ‘canard’, « Si ça ressemble à un canard, si ça nage 

comme un canard et si ça cancane comme un canard, c’est qu'il s’agit sans doute 

d’un canard »!

 

Le président étasunien Donald Trump a un comportement excessif dans tout ce qu’il 

dit ou fait. À titre d’exemple, il aime prendre en public la soi-disant « pose autoritaire 

de Mussolini ». Il aime aussi faire des « purges » du type totalitaire dans son personnel 

et aussi parmi les fonctionnaires de l’État quand ces derniers n’obéissent pas 

aveuglement à ses ordres et qu’il considère comme ses « ennemis ».

 

Il s’entoure aussi de conseillers obséquieux, de valets à la solde et de marionnettes, de 

qui il exige une loyauté absolue envers sa propre personne, et non pas envers la 

constitution américaine ou envers le peuple américain. Par conséquent, on chuchote 

que les États-Unis, sous son régime, prennent de plus en plus l’allure d’une 


 

• Donald Trump, la loi et la privatisation du gouvernement américain

 

M. Donald Trump a souvent utilisé les tribunaux à son avantage personnel. Il a pris la 

vilaine habitude d’attaquer les cours de justice d’une façon arbitraire, et à peu près 

tous ceux qui lui déplaisent. Il a critiqué les procureurs et il a contesté les décisions 

des magistrats, avec l’intention de recevoir des faveurs pour venir en aide à ses 

« amis », accusés d’actes criminels, en demandant pour eux des sentences réduites. 

Cela fait montre d’un niveau élevé de manque de respect et de mépris pour 

l’État de droitet il est indéniable que cela mine la crédibilité du système juridique 

américain.

 

M. Trump a également déclaré que le ministre de la Justice devrait agir de facto 

comme s’il était son propre avocat personnel et non pas se limiter à être l’avocat en 

chef indépendant du gouvernement fédéral américain. Cela pourrait avoir pour effet 

de détruire l’intégrité et l’indépendance du ministère de la Justice, en plus de nuire à sréputation.

 

On peut craindre, en effet, que le ministère de la justice, sous la gouverne de William 

Barr, serve d’arme de poing à M. Trump pour se venger de ses supposés « ennemis ». 

Ce que Trump fait, c’est privatiser le ministère américain de la Justice pour son propre 

bénéfice. C’est d’ailleurs pourquoi, craignant le pire, un contingent de plus de 1 100 

anciens procureurs et officiels américains ont publiquement demandé à M. Barr de démissionner.

 

Donald Trump a également fait preuve d’un manque flagrant de jugement lorsqu’il a 

fait connaître son opinion personnelle, sur tweeter, concernant des affaires pénales 

pendantes devant les tribunaux. Donald Trump croit vraiment que parce qu’il occupe

le poste de président, cela le justifie de se considérer au-dessus des lois. Les 

Américains accepteront-ils une pareille enflure ? Ils ne l’ont pas accepté quand 

Richard Nixon a déclaré : "si c’est le président qui le fait, c’est légal"! Pourquoi le 

feraient-ils maintenant ?

 

Et comme si ce n’était pas assez, lactuel occupant de la Maison-Blanche attaque 

constamment la liberté de la presse, une liberté fondamentale protégée par la 

Constitution américaine. En effet, il a pris l’habitude de qualifier les médias et les 

journalistes d’ « ennemis du peuple », —une expression utilisée en Allemagne nazie. 

De plus, Donald Trump a un penchant pour se lier d’amitié avec des dictateurs et des 

autocrates étrangers, tout en s’employant à ridiculiser les dirigeants élus de pays 

démocratiques. Et, pour couronner le tout, Donald Trump a récemment utilisé en 

public le slogan nazi de « Dieu est avec nous », («Gott mit uns»),… etc.

 

—Et voilà. On a une vue assez fidèle du tableau au complet, si on n’est pas totalement 

aveuglé par la partisannerie ou complètement obnubilé par un 

culte de la personnalitéDepuis qu’il a prêté serment, avec ses tweets quotidiens 

inappropriés et ses déclarations incendiaires, Donald Trump est devenu un scandale 

quotidien dans la politique américaine, et ses outrances vont de mal en pis.

 

Personne ne peut contester que Donald Trump soit un politicien autoritaire et qu’il 

pousse peu à peu les Américains à s’habituer à voir en lui un président qui centralise 

le pouvoir autour de sa personne. De jour en jour, il devient toujours un peu plus de 

la graine de dictateur, —intolérant et ultra nationaliste, —qui ne se cache pas qu’il 

aspire à un pouvoir incontrôlé, et si possible, absolu. Son plan, nonobstant la 

constitution américaine et ses principes fondateurs, est de transformer les États-Unis 

en un État militariste et néo-fasciste sous sa gouverne, avec tous les apparats, et le 

moins de contraintes possible.

 

On peut considérer Donald Trump comme une sorte de virus politique néfaste, lequel 

été introduit accidentellement dans le corps politique américain. en 2016. Il est, de 

loin, le politicien le moins scrupuleux et le plus dangereux que les États-Unis n’aient 

jamais eu à la Maison-Blanche. Il n’a aucun scrupule à passer les institutions 

américaines au bulldozer, s’il estime que de telles institutions l'empêchent d’exercer 

les pleins pouvoirs. En cette période de post-mise en accusation, M. Trump est 

déchaîné et il pense qu’il peut faire tout ce qu’il veut, y compris s’impliquer 

personnellement dans le fonctionnement du système judiciaire des États-Unis.

 

• Conclusion

 

Comme le test du canard ci-dessus le dit bien, « si un politicien pense, parle et agit 

comme un autocrate, c’est probablement parce qu’il est autocrate »!

 

Que peut-on s’attendre d’un tel politicien autre chose qu’il sape les assises des 

institutions démocratiques à son avantage ! On a beaucoup ridiculisée la sénatrice 

républicaine de l’État du Maine, Mme Susan Collins, laquelle déclara après le procès 

de destitution de Donald Trump au Sénat étasunien, que ce dernier « avait appris de 

cette affaire ... une assez grande leçon ... Je pense qu’il sera beaucoup plus prudent à 

l’avenir ». Sa méconnaissance du personnage est attristante. Elle aurait dû mieux 

savoir qu’après un échec personnel, Donald Trump double toujours la mise et 

qu’il deviendra encore plus autocrate avec le temps.

 

Par conséquent, il serait peut-être temps que l’on sonne la cloche pour que les 

Américains se ressaisissent avant qu’il ne soit trop tard. Lorsque la démocratie se 

meurt sous ses yeux, le moins qu’un citoyen concerné puisse faire est de se tenir 

debout et dénoncer les forces qui travaillent à détruire la démocratie dans le but de 

remplacer le régime démocratique par un régime autoritaire. N’oublions pas que le 

monde libre s’est battu lors de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), et cela 

avec des coûts très élevés, pour défendre les principes de démocratie et de liberté. 

Comment accepter aujourd’hui que ces principes puissent être sapés de l'intérieur 

comme cela semble être le cas présentement aux États-Unis ?

 

À condition de ne point être troublé par la corruption, l’abus de pouvoir et l’amoralité 

en politique ; à condition d’accepter que le Congrès américain puisse être contourné 

et les tribunaux compromis ; et à condition d’accepter qu’un politicien autocratique 

installe un gouvernement d’un seul homme, et qu’il trahisse la constitution et son 

principe fondamental de la division des pouvoirs. Dans de telles circonstances, une 

personne peut être tentée de voter pour un type de candidat présidentiel autocratique.

 

Oui. Je sais bien. La bourse est en hausse et le chômage est bas. En tant qu’économiste, permettez-moi de vous dire quelque chose. Tout d’abord, il ne faut pas se laisser 

obséder par le marché boursier. La présente bulle boursière est en grande partie un résultat artificiel, provoqué par d’énormes baisses d'impôts pour les sociétés 

américaines. Ces dernières ont utilisé cet argent du gouvernement, non pas pour 

investir dans de nouvelles installations, mais pour racheter leurs propres actions. Et 

c’est le gouvernement étasunien qui s’est endetté au rythme annuel d’un trillion de 

$US. Ajouté à cela des taux d’intérêt artificiellement bas, parfois négatifs, poussés 

vers le bas par des banques centrales en panique devant les niveaux d’endettement, 

et vous avez le résultat que l’on observe.

 

En deuxième lieu, les faibles taux de chômage que l’on observe présentement dans 

plusieurs pays sont en grande partie un résultat démographique causé par les départs à 

la retraite massifs des baby-boomers, ce qui crée une pénurie de main-d’œuvre dans de nombreuses professions et de nombreux métiers. — Ne vous laissez donc pas berner 

par de tels mirages et par ces trucs de passe-passe.

 

Bien sur. Je sais aussi à quel point l’organisation centrale du parti démocrate est 

décriée pour sa maladresse et son amateurisme. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les procédures complexes du parti pour sélectionner le porte-étendard démocrate à la 

présidentielle de 2020. Celles-ci reposent, en effet, sur une représentation 

proportionnelle pour l’attribution des délégués, dans tous les états étasuniens qui 

tiennent une primaire ou un caucus. Ces règles semblent avoir été conçues pour 

diviser l’électorat démocrate au maximum, avec le résultat prévisible que le candidat 

démocrate finalement choisi pour l’élection présidentielle devra surmonter une grande 

division dans son bassin potentiel d’électeurs.

 

Quoiqu’il en soit, si un citoyen valorise la démocratie et la liberté, tant pour 

le présent comme pour l’avenir, il ou elle devrait réfléchir à deux fois avant de donner 

une seconde chance à M. Trump. Sinon, ce serait un peu comme jouer à la roulette 

russe.

 

En effet, comme l’a écrit Hannah Arendt, « si quelqu’un ne peut être mobilisé 

lorsque la liberté se trouve menacée, c’est que rien ne peut le mobiliser. »

 

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(S.V.P. Prière de faire suivre :