Le Parti Libéral Québécois (PLQ) face à son incohérence idéologique et à son dogmatisme

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Il n'en est plus à une incohérence près

Peut-on être en même temps contre le tchador et pour le hidjab ?

Peut-on être en même temps contre le tchador et pour le hidjab? Le Parti Libéral du Québec semble en être capable. La position du Parti libéral concernant la neutralité de l’État et particulièrement le port des signes religieux dans la fonction publique ne peut pas, selon Philipe Couillard, aller plus loin que ce que le projet de loi 94 a proposé. Il l’a clairement signalé en déclarant que « sur le port des signes religieux, notre position, qui ne change pas, est celle contenue dans le projet de loi 94 ».
En fait, le chef du parti libéral, Philipe Couillard, adopte comme son prédécesseur la conception de la neutralité que la laïcité ouverte défend : la neutralité des institutions et non pas celle du personnel. En dépit des conseils du tandem Bouchard et Taylor contenus dans leur fameux et controversé rapport d’interdire le port des signes religieux pour les personnes qui sont en position de coercition, le chef du PLQ est catégoriquement plus ouvert que Bouchard et Taylor; il est contre l’interdiction du port des signes religieux dans tous les contextes même en situation d’autorité et de coercition. Il a dit à ce sujet : « il faut faire la distinction entre les institutions et les individus. Les citoyens sont libres de s’habiller comme ils le veulent ». Sur ce point, le moins que nous puissions dire est que le PLQ a une position claire et il s’y attache religieusement, et le chef du Parti libéral a exprimé cet attachement à la limite du dogmatisme en disant ceci : « sur les signes religieux notre position ne changera pas ».
Pour Couillard donc, l’État n’a pas le droit de se mêler du mode vestimentaire de ses citoyens et citoyennes même s’ils travaillent au sein de ses institutions; ils sont libres de porter les vêtements qu’ils veulent et de porter les signes religieux qu’ils souhaitent. En fait, par ces propos, Philippe Couillard désigne le voile islamique. Pour lui la femme musulmane a le droit de le porter pour deux raisons fondamentales : parce qu’elle est libre d’exprimer sa religion et parce qu’elle est libre de s’habiller comme elle veut. Selon le PLQ, ce que la Charte de la laïcité du PQ propose va à l’encontre de ces deux libertés, c’est pour cela qu’il s’est offusqué contre elle en déclarant qu’il faudra lui « passer sur le corps » avant d’adopter une charte qui institutionnalise une « discrimination à l’emploi ».
Est-ce que les libéraux sont contre le principe de limitation de ces deux libertés? Évidement non. Ils pensent qu’on peut les limiter pour des motifs raisonnables. D’ailleurs, le projet de loi 94 que Couillard a fixé comme limite à ne pas dépasser stipule que les services publics doivent être reçus et offerts à visage découvert. Ce qui exclut de facto les femmes musulmanes portant la burqa ou le niqab : deux tenues vestimentaires qui cachent le visage de la femme. Il est clair que cette loi n’est pas moins exclusive que ce que propose le PQ aujourd’hui; la différence est que le parti libéral ne veut pas exclure des personnes pour des motifs religieux, car pour lui la liberté religieuse est plus importante que la neutralité de l’État. C’est dans ce sens que le projet de loi 94 a justifié l’interdiction de cacher le visage par des motifs liés essentiellement à la sécurité et la communication. Ainsi, pour Couillard, il est raisonnable et juste d’interdire aux femmes musulmanes seulement de porter un signe religieux.
Ce qui est absurde dans l’attitude des libéraux et de tous ceux qui défendent la laïcité ouverte est de croire que cette exclusion n’en n’est pas une et elle ne cible pas une seule communauté, en l’occurrence la communauté musulmane.
Les contradictions flagrantes du PLQ
À chaque occasion qui se présente au PLQ pour parler de la charte, il affirme qu’il est contre l’interdiction du port des signes religieux et en même temps, tout en restant dans l’exclusion, il précise qu’il est pour l’interdiction du voile facial seulement, c’est-à-dire la burqa et le niqab, les deux signes religieux appartenant aux musulmans. Par contre, le port de tous les autres signes religieux ne doit pas être interdit et le voile est l’un de ces signes.
Fidèle à la ligne u parti et cohérent avec le contenu du projet de loi 94, le porte-parole du parti libéral en matière de laïcité, censé être un connaisseur de la ligne du parti en cette matière, le député Marc Tanguay, ne voit pas d’inconvénient à ce qu’il y ait dans leur équipe aux prochaines élections une candidate musulmane portant le tchador. Il a déclaré à ce sujet : «le Parti libéral accueillerait sans problème parmi ses élus une femme portant le tchador », c’est-à-dire le parti accepte les femmes qui portent le voile qui ne cache pas le visage. Pour lui, elles ont le droit de porter des signes religieux . Il est opportun de signaler à ce niveau que c’est ce droit-là que le parti libéral et tous les défenseurs de la laïcité ouverte défendent aujourd’hui scrupuleusement, et c’est sur cette base qu’ils rejettent la proposition du PQ. En principe, le député Marc Tanguay a exprimé la position inchangée du PLQ que beaucoup d’observateurs qualifient de dogmatique et que le chef Couillard martèle dans ses déclarations.
Par ailleurs, ces derniers jours, une voix discordante a surgi de l’intérieur du PLQ pour perturber cette cohérence de façade et ce positionnement dogmatique à l’égard du projet de loi 60 (la Charte de laïcité), une voix d’autant plus porteuse qu’elle vient de la seule députée musulmane à l'Assemblée nationale, c’est-à-dire d’une citoyenne appartenant à la communauté que les libéraux semblent défendre par leur opposition à l’interdiction du port des signes religieux et par leur invitation à rejoindre leur parti avec leurs signes religieux en l’occurrence le tchador. Cette femme a réagi aux propos du porte parole libéral en matière de laïcité concernant le port du tchador qu’elle qualifie de « goutte qui a fait déborder le vase », en disant qu’elle est « sidérée, blessée et choquée » par les propos de son collègue ; or le député Marc Tanguay n’a fait qu’expliciter la position du PLQ. En réalité, celui ou celle qui a fait entorse à la ligne du parti en matière de laïcité c’est bien la députée Fatima Houda-Pepin, d'autant plus que sa position dépasse le contenu du projet de loi 94, parce que celle-ci interdit le voile facial seulement. Et le tchador, au risque de nous répéter, n’est pas un voile facial puisque il découvre le visage. Par ailleurs, c’est un voile qui est une exigence religieuse au même titre que le hidjab, le simple voile, comme le revendiquent les femmes qui le portent.
Ce qui est surprenant dans la réaction du chef du PLQ à la sortie médiatique de Fatima Houda-Pepin, c’est qu’au lieu de prendre la défense du porte parole en matière de laïcité et d’endosser ses propos, car ces propos sont cohérents avec la ligne du parti, il a exprimé son accord avec la députée Fatima Houda-Pepin en reprenant ce qu’elle pense du tchador. Il a précisé sans aucune ambiguïté qu’aucune députée portant le tchador ne siégera à l’Assemblée nationale puisque, comme il le souligne, «le port de ce vêtement et ses raisons sociales sont incompatibles avec l’activité politique».
Pourquoi monsieur Couillard adopte-t-il la position de sa députée malgré sa contradiction avec la ligne du parti ? Eh bien, c’est simple, il ne peut pas faire autrement car cela serait très dommageable pour son parti que de montrer à l’opinion publique que le chef du PLQ est pour l’idéologie que ce voile véhicule; il ne veut pas que la position du PLQ soit associée à la situation des femmes en Arabie saoudite et en Iran, à la condition faite aux femmes que Fatima Houda-Pepin a exposée et dénoncée clairement dans son intervention. Voilà ce qu’elle en dit: « Mais avant qu’une « libérale » portant un tchador puisse siéger à l’Assemblée nationale, il faut qu’elle soit candidate, et pour être candidate, il faut qu’elle y soit autorisée, par écrit, par le chef du Parti libéral du Québec. Est-ce que c’est ça le modèle de l’égalité hommes femmes que le parti libéral du Québec veut maintenant présenter à la face du Québec ? Est-ce que les Québécoises ont fait tout ce chemin pour en arriver à prendre comme modèle de l’égalité hommes-femmes, celui de l’Arabie Saoudite ou de l’Iran des Ayatollahs ? Je me questionne ». Elle persiste dans le même sens et rajoute: « Quand on connaît la signification du tchador et de sa variante afghane, le tchadri, comment peut-on justifier l’acceptation d’un tel symbole dans ce haut lieu de notre démocratie qu’est l’Assemblée nationale ? »
Fatima Houda-Pepin contre le relativisme culturel du multiculturalisme

En plus, Fatima Houda-Pepin n’arrête pas son intervention sur la question des femmes dans des pays lointains, elle ajoute une autre couche à sa critique du port du tchador et pousse loin son raisonnement; elle remet en cause l’idéologie du multiculturalisme qui est en train de justifier l’oppression des femmes et l’intégrisme radical. Par cette critique, elle désigne les islamistes radicaux, non pas ceux de l’Arabie Saoudite ou de l’Iran des Ayatollahs mais ceux du Québec, de compagnons de route des défenseurs du multiculturalisme et de la laïcité ouverte, c’est ce qu’elle désigne en disant à ce sujet : « Je suis libérale et fédéraliste et je refuse toute dérive vers le relativisme culturel sous couvert de religion, pour légitimer un symbole comme le tchador qui est l’expression même de l’oppression des femmes, en plus d’être la signature de l’intégrisme radical.»
Avec ces propos, la députée critique les dérives du multiculturalisme, le dogme des libéraux et remet en cause l’idéologie sur laquelle est fondé l’essentiel de la position du PLQ en matière de laïcité. Coincé entre le discours dogmatique de son parti qu’il a toujours défendu et le discours du Fatima Houda-Pepin qui dévoile l’idéologie sexiste et l’intégrisme qui se cache derrière le voile que la majorité des Québécoises et des Québécois rejette, Couillard s’est senti contraint de dire qu’il est contre le port du tchador (voile non facial). Ainsi, a-t-il préféré contredire la ligne du parti que de défendre le port du tchador.
Il se dégage de la position de Couillard trois conséquences qui expriment l’incohérence du discours des libéraux en matière de laïcité.
La première est tant qu’on ne parle pas de l’idéologie sexiste et discriminatoire que le voile véhicule, les libéraux sont à l’aise dans leur défense du port des signes religieux dans la fonction publique.
La deuxième, ils sont pris à refuser le port du tchador pour les élus et les militants sans se soucier de la Charte canadienne des droits et libertés, le droit à la liberté d’expression religieuse et le droit individuel de porter les vêtements que l’on veut qui ne sont pas des droits discutables. Mais, où est la différence entre un voile facial et un voile non facial, c’est-à-dire entre le tchador et le Hidjab, du moment que les deux sont des voiles non faciaux et tous les deux sont des signes revendiqués comme étant des exigences religieuses? Pourquoi le PLQ rejette l’un et défend l’autre? Ils n’ont pas de réponse pour cette question parce que le parti libéral ne se l’est jamais posée et il n’est pas prédisposé à la poser actuellement. Il faudrait un peu plus que la voix de Fatima Houda-Pepin pour que le Parti libéral révise sa conception de la laïcité et construise une position cohérente.
La troisième conséquence est que le PLQ a démontré d’une part qu’il est exigeant sur la question de la neutralité et, d'autre part, qu'il refuse que l’État le soit. Ce paradoxe démontre que le parti libéral est allé plus loin que ce que le gouvernement propose concernant l’interdiction du port des signes religieux, car ce dernier n’est pas allé jusqu'au point d’interdire aux élus et aux militants le port de signes religieux comme Philippe Couillard le suggère sans l’assumer clairement.
Enfin, cette confusion dans la position des libéraux témoigne d’une attitude paradoxale; ils ont montré leur dogmatisme avant de concevoir une vision claire sur la question du port des signes religieux. En fait, ils sont pour le retour de la religion au sein des institutions de l’État. Tout le reste est spéculation sans aucun intérêt. Mais le calcul électoraliste les contraint à cacher cette réalité et à faire semblant d’être pour la laïcité, l'électorat francophone étant un grand capital électoral. En fait, cette confusion explique pourquoi ils n’ont pas suivi les consignes de la commission Bouchard-Taylor que beaucoup d’observateurs jugent minimales bien que ce soit le gouvernement libéral lui-même qui l’a mise sur pied et financé avec l’argent des contribuables.
Après le projet de loi 94, le PLQ est dans l’obligation de fixer une autre limite pour sa conception de la neutralité de l'État. Quelle sera cette limite? L’avenir nous le dira mais ce qui est sûr c'est que le PLQ n’a plus les ressources idéologiques pour fixer une autre limite, toute tentative dans ce sens le discréditerait devant l’opinion publique et susciterait le mécontentement de ses militants et sympathisants fidèles à la ligne du parti.


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