«Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.» L’adage est un classique. La méthode est vieille comme le monde. En politique, plusieurs chefs en ont fait leur modus operandi. Stephen Harper en faisait un art. Philippe Couillard en fait une habitude.
La méthode est simple: attaquer une idée en dénigrant son messager. Quand Pierre Karl Péladeau et François Legault critiquent l’entente signée entre le gouvernement et Bombardier, M. Couillard lance qu’ils «nuisent» à l’économie.
S’ils appellent à une réduction du seuil d’immigration pour cause d’intégration déficiente, il les accuse de souffler sur les «braises de l’intolérance». S’ils s’inquiètent du recul du français, le premier ministre, sans broncher, les associe à l’extrême droite américaine et européenne.
Si les chefs d’opposition dénoncent une ministre de la Condition féminine incapable de se dire féministe, il les blâme d’imposer un «climat d’inquisition». Si le PQ sort son option souverainiste du placard, M. Couillard crie à la «catastrophe» pour le Québec.
Inquisition?
Bref, cette méthode va bien au-delà des inévitables insultes passagères dont les chefs d’opposition sont eux-mêmes tout à fait capables. Elle se démarque aussi du «jeu» parlementaire habituel et de ses débats musclés.
La méthode dite du «qui veut noyer son chien l’accuse de la rage» est beaucoup plus retorse et insidieuse. Sa mission est de polariser l’opinion. Mais pas n’importe comment. Celui qui la manie dépeint son adversaire comme un «méchant» aux intentions perfides. Et lui-même, comme un porteur de vertu aux intentions toujours nobles.
Philippe Couillard se représente comme l’unique gardien de l’ouverture à l’«Autre» face à des chefs d’opposition qu’il accuse d’intolérance. Il se dit maintenant l’unique défenseur des questions environnementales à l’Assemblée nationale. Idem pour l’économie.
Un film en noir et blanc
C’est une vision volontairement manichéenne de la politique. Pour M. Couillard, le premier avantage est que cela lui épargne d’avoir à argumenter pour défendre ses propres positions. Le discrédit tient lieu de débat.
Le deuxième est que cela alimente les pires soupçons sur les intentions mêmes des adversaires.
Le troisième est que cela consolide sa base électorale face à des partis d’opposition plombés par la division croissante du vote francophone.
La recette est de réduire le combat politique à un film western.
Pour protéger le village, les «bons» cowboys – son gouvernement –, doivent en sortir les «mauvais» – les partis d’opposition.
Le désavantage, ce sont la démocratie et les citoyens qui en écopent.
Du moment que le «noir et blanc» domine, les débats d’idées deviennent intenables.
L’arrogance attendue de tout gouvernement majoritaire bascule peu à peu dans le mépris.
Pis encore, le tout n’est qu’une répétition en vue de la prochaine campagne électorale, en 2018.
Le «noir et blanc» n’y sera que plus exagéré et plus dramatique.
Or, pour les libéraux, même face à une opposition divisée, le pari n’est pas sans risque.
Ne dit-on pas que tout ce qui est excessif finit dans l’insignifiance?
Stephen Harper en sait maintenant quelque chose.
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