(...) il existe une solution potentielle à un problème dangereux et c'est toujours la même : faire en sorte que notre propre pays devienne une véritable démocratie. Mais ceci est en pleine contradiction avec les présomptions d'une élite qui pense que le monde lui appartient et que toutes ces questions ne concernent pas le public, que ce soit en matière de politique étrangère ou autre.
Vous savez tous, bien sûr, qu'il y a eu au mois de Novembre des élections (au Congrès) – enfin, ce que nous appelons ici aux Etats-Unis des "élections". Il n'y avait qu'un seul véritable enjeu pour ces élections et il concernait le devenir des nos forces armées stationnées en Irak et il y avait, selon les critères états-uniens, une large majorité en faveur d'un retrait des troupes selon un calendrier précis.
Peu de gens le savent mais, quelques mois plus tôt, il y eût un grand sondage en Irak organisé par les Etats-Unis. Les résultats sont intéressants. Si vous les cherchez, vous les trouverez, ils ne sont pas cachés. Le sondage a révélé que deux tiers des Bagdadiens voulaient que les troupes US se retirent immédiatement ; dans le reste du pays – à une large majorité – les gens voulaient un calendrier de retrait précis, et la majorité dans un délai d'un an ou même moins.
Les taux sont plus élevés dans la partie arabe de l'Irak, c'est-à-dire là où les troupes US sont effectivement déployées. Une très grande majorité estimait que la présence des troupes US augmentait le niveau de violence. Et un taux remarquable de 60 pour cent - une moyenne sur l'ensemble de l'Irak, ce qui signifie des taux encore plus élevés dans les zones où nos soldats sont stationnés - trouvait que l'armée US constituait une cible légitime. Il y a donc un large consensus entre Irakiens et Etats-uniens sur ce qu'il faudrait faire en Irak, à savoir : retirer immédiatement les troupes ou établir un calendrier de retrait précis.
Devant un tel consensus, la réaction post-électorale du gouvernement états-unien consista à bafouer l'opinion publique et augmenter le nombre de soldats de 30 000 ou 50 000. De manière prévisible, un prétexte fût invoqué. "Nous sommes confrontés à une ingérence étrangère en Irak, contre laquelle nous devons défendre les Irakiens. Les Iraniens sont en train de s'ingérer en Irak." Ensuite sont arrivées les soi-disant preuves sur des engins explosifs, des bombes posées le long des routes et portant des marques iraniennes. On parlait aussi de la présence de forces iraniennes en Irak. "Que pouvons-nous faire ? Il faut une escalade pour protéger l'Irak contre une intervention étrangère."
Puis s'est instauré le "débat". Nous vivons dans une société libre et ouverte, n'est-ce pas, alors nos débats sont "vifs". D'un côté il y avait les faucons qui disaient "les Iraniens s'ingèrent en Irak, il faut donc les bombarder." De l'autre côté il y avait les colombes qui disaient "nous ne sommes pas certains que ces informations soient correctes, nous avons peut-être mal lu les numéros de série sur les engins ou ce sont peut-être les Gardiens de la Révolution et pas le gouvernement..."
C'est ainsi que nous avons assisté au genre de débat habituel qui illustre de manière percutante les différents systèmes de propagande. Pour citer les plus évidents, en exagérant un peu : la propagande des états totalitaires, qu'il faut accepter ou sinon... Et ce "sinon" peut avoir différentes conséquences selon la nature du régime. Les gens sont libres de croire ce qu'ils veulent du moment qu'ils obéissent.
Les sociétés démocratiques ont recours à une autre méthode : la "ligne du Parti" n'est pas expressément formulée. Le faire serait une erreur. Ce qui se passe, c'est que la ligne est posée comme une évidence et ensuite un débat vif est organisé dans les limites du cadre posé par la ligne du Parti. Cela répond à deux objectifs. D'abord, ça donne l'impression d'une société libre et ouverte puisque nos débats sont "vifs". Ensuite, cela instaure une ligne de propagande qui devient une sorte d'évidence, comme l'air que vous respirez. Et ce fut le cas.
Nous avons là un exemple classique. Tout le débat autour de "l'ingérence" en Irak n'a de sens que si vous assimilez cette idée que "le monde nous appartient". Si le monde nous appartient, alors la seule ingérence étrangère envisageable, dans un pays que nous avons envahi et que nous occupons, est forcément celle de l'Iran.
Si vous suivez le débat qui a lieu ici sur cette ingérence iranienne, et ce débat n'est pas clos, personne ici ne fait remarquer que les termes de ce débat sont insensés. Comment peut-on accuser l'Iran de s'ingérer dans les affaires d'un pays que nous avons envahi et occupé ? Cela n'a de sens que dans le cadre de cette présomption selon laquelle "le monde nous appartient". Une fois cette idée bien assimilée, tout le reste de la discussion devient parfaitement sensée.
On peut lire aussi beaucoup de comparaisons entre le Vietnam et l'Irak. En réalité, on ne peut pas vraiment les comparer. La nature de la guerre, ses objectifs, pratiquement tout est différent, sauf sur un point : la manière dont la guerre est perçue aux Etats-Unis.
Dans les deux cas, on parle parfois de "bourbier". C'est quoi un bourbier ? Aujourd'hui, on reconnaît que le Vietnam fut un bourbier. A présent on discute pour savoir si l'Irak ne serait pas un nouveau bourbier. En d'autres termes, la seule question posée est celle-ci : "combien ça nous coûte ?"
Pour le Vietnam, un débat eut lieu. Pas au début de la guerre, en fait, car il y a eu si peu de débats au début que personne ne se souvient en quelle année la guerre a commencé. Elle commença en 1962, pour ceux que ça intéresse. C'est donc en 1962 que les Etats-Unis ont attaqué le Vietnam. Mais il n'y a pas eu de débats, pas de discussions, rien.
C'est seulement au milieu des années 60 que le débat fit son irruption dans les médias. On y voyait s'exprimer l'éventail habituel d'opinions entre faucons et colombes. Les faucons disaient que pour gagner, il fallait envoyer plus de soldats. Quant aux colombes, prenons Arthur Schlesinger, célèbre historien et conseiller de Kennedy. Schlesinger a écrit dans un livre en 1966 que nous devions tous prier pour que les faucons aient raison et que l'augmentation du nombre de troupes, qui approchait à l'époque le demi million, allait nous apporter la victoire. Si nous avions gagné, nous serions tous en train de louer la sagesse des dirigeants états-uniens qui nous auraient apporté la victoire sur un pays qu'ils auront réduit en ruines.
Aujourd'hui, vous pouvez reprendre ces phrases mot à mot et les placer dans la bouche des colombes. Ils prient tous pour que l'escalade soit un succès. Si c'est le cas, ce qui serait contraire à nos attentes, nous louerons la sagesse de l'administration Bush pour cette victoire sur un pays, soyons honnêtes, totalement ruiné et qui représente pour sa population un des pires désastres de l'histoire militaire.
Parmi l'éventail des opinions qui s'expriment dans les grands médias, en se positionant le plus à gauche possible, vous trouvez quelqu'un comme Anthony Lewis qui, à la fin de la guerre du Vietnam en 1975, écrivit rétrospectivement que la guerre avait été déclenchée avec de bonnes intentions ; ce qui est exact, par définition, parce qu'après tout, c'était "notre" guerre. Cette guerre, donc, fut déclenchée avec de bonnes intentions mais, en 1969, dit il, il était déjà clair que la guerre était finalement une erreur. Une victoire coûterait trop cher – pour nous – alors c'était une erreur et il fallait se retirer. C'était la critique la plus radicale qu'on pouvait entendre dans les médias.
Peu de choses ont changé depuis. Au Vietnam, nous pouvions nous retirer parce que les Etats-Unis avaient finalement atteint une grande partie de leurs objectifs là-bas. Par contre, nous ne pouvons pas nous retirer de l'Irak parce que nous n'avons pas encore atteint nos objectifs.
Et pour ceux d'entre vous qui sont assez agés pour s'en souvenir – ou qui ont lu quelque chose à ce sujet – vous remarquerez que le mouvement pacifiste était plus ou moins sur la même ligne. A l'instar du débat organisé dans les grands médias, l'opposition à la guerre, y compris le mouvement pacifiste, portait essentiellement sur les bombardements au nord du Vietnam.
Lorsque les Etats-Unis ont commencé à bombarder régulièrement le Nord Vietnam, à partir de février 1965, ils ont aussi intensifié par trois les bombardements dans le Sud – qui faisait déjà l'objet d'une agression depuis trois ans. Quelques centaines de milliers de Vietnamiens furent tués et des milliers, sinon des dizaines de milliers, enfermés dans des camps de concentration. Les Etats-Unis ont livré une guerre chimique pour détruire les récoltes et la végétation qui servait de couverture et protection. En 1965, le Sud Vietnam était déjà totalement ravagé.
Bombarder le Sud ne coûtait rien aux Etats-Unis parce que le Sud n'avait pas de défense. Bombarder le Nord par contre était risqué. En bombardant le Nord, nous bombardions les ports où nous pouvions toucher un navire russe, ce qui pouvait devenir dangereux. En bombardant les chemins de fer chinois – il se trouve que les voies ferrées chinoises entre le sud-est et le sud-ouest du pays passent par le territoire du Nord Vietnam – nous prenions là aussi des risques.
Les Chinois furent accusés, à raison, d'envoyer des troupes au Vietnam. Ces troupes servaient principalement pour la reconstruction des voies détruites par les bombardements. Nous appelions ça une "ingérence" dans nos affaires et notre droit de bombarder le Nord Vietnam. Ainsi la plupart des débats tournaient autour de ces bombardements dans le Nord. Même le slogan du mouvement pacifiste "halte aux bombardements" faisait référence à ces bombardements là.
En 1967, un éminent spécialiste du Vietnam, Bernard Fall, historien en affaires militaires et unique spécialiste du Vietnam respecté par le gouvernement états-unien – c'était un faucon mais un faucon qui se préoccupait du sort des Vietnamiens – écrivit que la question était de savoir si le Vietnam allait survivre en tant qu'entité culturelle et historique après des bombardements d'une intensité inconnue jusqu'alors pour un pays de cette taille. Il parlait du Sud. Son esprit ne voyait que les bombardements sur le Sud. Mais cela n'avait pas grande importance et comme ça ne coûtait rien, nous pouvions continuer. Le débat se limitait à ça et on ne peut le comprendre que si l'on assimile cette idée que "le monde nous appartient".
Si vous lisez par exemple, les "Pentagon Papers", vous constaterez que le bombardement du Nord fut l'objet d'une planification très détaillée, très méticuleuse, afin de déterminer jusqu'où nous pouvions aller - et ce qui se passerait si nous allions trop loin... Pour ce qui concerne le bombardement du Sud, aucune question ne fût posée. Aucune. Juste de temps en temps un communiqué du genre "OK, nous allons multiplier les bombardements par trois", ou quelque chose comme ça.
Si vous lisez les mémoires de guerre de Robert McNamara – considéré à l'époque comme une colombe – celui-ci raconte la planification méticuleuse du bombardement du Nord. Mais il ne fait aucune allusion à sa décision de multiplier par trois les bombardements dans le Sud.
Pour ce qui concerne le Vietnam, je dois préciser que tout ce que je viens de raconter ne concerne que les "voix autorisées", celles qui pouvaient s'exprimer dans les médias, y compris les dirigeants du mouvement pacifiste. Mais il y avait aussi l'opinion publique, et celle-ci était radicalement différente. En 1969, près de 70 pour cent de l'opinion publique ne pensait pas que la guerre était une erreur, non, elle pensait que la guerre était fondamentalement injuste et immorale. C'était les termes précis du sondage et le chiffre n'a pas beaucoup évolué selon les sondages les plus récents de ces dernières années. Ces chiffres sont remarquables parce que les personnes qui répondent ainsi à un tel sondage doivent se dire "je suis le seul qui pense comme ça". Parce qu'ils ne l'ont certainement pas lu quelque part, ni entendu. C'était pourtant une opinion majoritaire dans le public.
Et sur de nombreux sujets, on constate la même chose. Mais pour les voix autorisées dans les médias, c'est plus ou moins comme je viens de le décrire – un débat "vigoureux" entre faucons et colombes, d'accord entre eux sur cette idée que le monde nous appartient. Alors la seule chose qui compte c'est de savoir combien ça nous coûte ou éventuellement, pour les plus sensibles d'entre eux, si nous ne serions pas par hasard en train d'en tuer un peu trop...
Pour en revenir à l'élection, il y eut beaucoup de déception parmi les opposants à la guerre – la majorité de la population – lorsque le Congrès ne prit aucune mesure concernant le retrait des troupes. Il y eût une proposition de loi présentée par les Démocrates, mais elle fût bloquée par un veto. Si vous examinez cette proposition, vous constaterez qu'elle ne demandait pas un retrait. Une bonne analyse en a été faite par le général Kevin Ryan, qui fréquenta Kennedy School à Harvard. Il examina la proposition et conclut que celle-ci devait être rebaptisée en une proposition de "redéfinition de l'ordre de mission". Elle prévoyait de laisser le même nombre de soldats, mais avec un ordre de mission différent.
Il dit que cette proposition, avant tout, autorisait des mesures exceptionnelles au nom de la sécurité nationale. Si le président disait qu'il y avait un risque pour la sécurité nationale, il avait carte blanche – fin de la proposition. La deuxième chose, c'est qu'elle autorisait les activités anti-terroristes. Ce qui veut dire tout et n'importe quoi. Et enfin, elle autorisait l'entraînement des forces Irakiennes. Là aussi, on peut comprendre ce que l'on veut.
Ensuite, elle disait que les troupes devaient rester pour assurer la protection des forces et sites états-uniens. C'était quoi les "forces états-uniennes" à protéger ? C'était les forces embarquées au sein d'unités militaires irakiennes, là où 60% de leurs compagnons d'armes estiment que les troupes US constituent autant des cibles légitimes. Il se trouve que ce chiffre est en progression constante, alors il est probablement encore plus élevé aujourd'hui.
Il était prévu aussi de nombreuses mesures de protection. Quels sont les sites qui nécessitent une protection ? La proposition Démocrate ne le précisait pas, mais parmi les sites à protéger se trouve ce qu'on appelle "l'ambassade". L'ambassade des Etats-Unis ne ressemble à rien de connu. Il s'agit d'une ville à l'intérieur de la zone verte, la zone protégée de l'Irak, gérée par les Etats-Unis. On y trouve de tout, depuis un Mac Do jusqu'aux missiles, tout ce que vous voulez. Ils n'ont pas construit cet énorme site avec l'intention d'en partir.
Il existe d'autres sites. Des "bases militaires semi permanentes", qui sont en train d'être construites un peu partout dans le pays. "Semi permanentes" signifie "permanentes", c'est-à-dire aussi longtemps que nous voulons.
Dans son analyse, le général Ryan a oublié beaucoup de choses. Il a oublié de préciser que les Etats-Unis gardaient le contrôle de la logistique qui, dans une armée moderne, constitue un élément stratégique. Aujourd'hui, environ 80 pour cent de l'approvisionnement arrive par le sud, depuis le Koweït, en traversant un territoire de guérilla, sujet donc aux attaques, Cela signifie qu'il faut poster de nombreux soldats pour sécuriser la voie. Et, bien sûr, le contrôle de la logistique permet aussi de contrôler l'armée irakienne.
La proposition Démocrate ne mentionnait pas les Forces Aériennes. Les Forces Aériennes font ce qu'elles veulent. Elles bombardent régulièrement et peuvent bombarder encore plus. La proposition ne mentionnait pas les mercenaires, dont le nombre est loin d'être négligeable. Selon certaines sources comme le Wall Street Journal, leur nombre est estimé à 130.000, soit l'équivalent de nos soldats ; Ce n'est pas surprenant car la manière classique de mener une guerre coloniale, c'est de faire appel à des mercenaires et de ne pas engager ses propres troupes – comme la Légion Etrangère française, les Gurkhas britanniques ou les Hessois pendant la Révolution. C'est une des raisons pour lesquelles la conscription a été abolie, pour avoir une armée professionnelle qui ne soit pas composée de gens ramassés dans la rue.
Cette proposition de texte n'était donc bien qu'une redéfinition de l'ordre de mission. Elle fût bloquée par un veto parce qu'on considérait qu'elle allait trop loin. Beaucoup de gens ont été déçus.
Cependant, il serait exagéré de dire qu'aucun haut dirigeant à Washington n'a jamais demandé un retrait immédiat des troupes. Il y en a eu. Je connais une personne qui l'a demandé avec fermeté. Lorsqu'on lui a demandé quelle était la solution au problème irakien, cette personne a répondu que la solution était assez simple et que c'était "le retrait de toutes les forces et armes étrangères." La personne en question était Condoleeza Rice et elle ne parlait pas des forces US, elle parlait des forces et des armes iraniennes. Ce qui est assez logique. Puisque le monde nous appartient, les soldats US ne peuvent être une force étrangère. Ainsi, que nous envahissions l'Irak ou le Canada, nous sommes les forces autochtones. Ce sont les Iraniens les forces étrangères.
J'ai attendu pour voir si quelqu'un parmi la presse ferait remarquer qu'il y avait quelque chose de drôle là-dedans. Pas un mot. Je pense que tout le monde a trouvé que son commentaire était parfaitement sensé. Mais je n'ai pas trouvé une seule personne pour dire, hé, attendez une minute, il y a un grand nombre de forces étrangères sur place, 150.000 soldats états-uniens et beaucoup d'armes états-uniens.
Il est donc logique que lorsque des marins britanniques ont été capturés dans le Golfe par les forces iraniennes, un débat ait démarré, "étaient-ils dans les eaux territoriales irakiennes ou iraniennes ?". En fait, il n'y a pas de réponse à cette question parce qu'il n'y a pas, à proprement parler, de frontière, ce que certains ne manquèrent pas de souligner. Mais il semblait évident que si les marins avaient été capturés en eaux irakiennes, l'Iran se rendait coupable d'un crime en intervenant hors de son territoire. Par contre, la Grande Bretagne n'était pas coupable de se trouver dans les eaux irakiennes parce que la Grande Bretagne est un état allié des Etats-Unis et, puisque le monde nous appartient, elle avait le droit d'y être aussi.
Qu'en est-il d'une éventuelle guerre contre l'Iran ? Il y a des menaces très sérieuses de la part des Etats-Unis et d'Israël – un autre état servile à nos intérêts [??? ndlr] – pour attaquer l'Iran. Il se trouve qu'il existe une Charte des Nations Unies qui dit dans son article 2 que la menace ou le recours à la force dans les affaires internationales constitue un crime. "La menace ou le recours".
Est-ce que cela dérange quelqu'un ? Non, parce que nous sommes, par définition, un état hors-la-loi ou pour être plus précis, nos menaces et nos recours à la force ne sont jamais internationales, elles sont forcément nationales, puisque le monde nous appartient. Donc, tout va bien. Alors nous menaçons de bombarder l'Iran – peut-être le ferons nous, peut-être pas. Serait-ce un acte légitime ? Personne ne se pose la question ici. Certains disent que ce serait une erreur, mais personne ne dit que ce serait illégitime. Par exemple, les Démocrates au Congrès refusent de voter un amendement qui exigerait que le pouvoir exécutif informe le Congrès de son intention de bombarder l'Iran – juste une consultation, une information. Même cette proposition là a été rejetée.
Le monde entier est choqué par une telle éventualité. Ce serait un acte monstrueux. Un éminent historien Britannique, Correlli Barnett, a récemment écrit que si les Etats-Unis attaquaient, ou si Israël attaquait, ce serait la troisième guerre mondiale. L'attaque contre l'Irak a été suffisamment horrible. A part la dévastation provoquée dans le pays, le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies a revu ses chiffres et estime qu'environ 4,2 millions de personnes sont des réfugiés, plus de 2 millions ont fui le pays et 2 millions ont fui à l'intérieur du pays. S'ajoute à cela le nombre de tués, que nous pouvons extrapoler à partir des dernières études et évaluer à probablement environ 1 million.
Les services de renseignement US, et d'autres services et experts indépendants, avaient prévu qu'une attaque contre l'Irak augmenterait les risques de terrorisme et de prolifération nucléaire. Ils étaient largement en dessous de la vérité. Des spécialistes renommés en affaires de terrorisme, Peter Bergen et Paul Cruickshank, estimèrent, principalement à partir de chiffres officiels, que ce qu'ils appellent "l'effet Irakien" a multiplié le risque de terrorisme par sept, ce qui fait beaucoup. Ce qui vous donne une idée de la priorité accordée par nos dirigeants à la protection de la population. Elle est très basse.
Que serait donc "l'effet Iran" ? Incalculable. Ce pourrait être une troisième guerre mondiale. Probablement une augmentation brutale du terrorisme, et Dieu sait quoi. Même les états autour de l'Iran, et qui n'aiment pas l'Iran – le Pakistan, l'Arabie Saoudite, la Turquie – préféreraient un Iran doté de l'arme nucléaire à une intervention militaire US, et ils ont raison car une intervention militaire serait dévastatrice. Ce qui ne signifie pas que nous n'allons pas le faire. Il n'y a pratiquement aucune discussion ici sur la légitimité d'une telle action parce que, encore une fois, tout ce que nous faisons est forcément légitime, et la seule question posée est celle du coût d'une telle opération.
Y'a-t-il une solution à la crise US-Iran ? Il existe des solutions envisageables. Par exemple, un accord qui autoriserait l'Iran à se doter de l'énergie nucléaire, comme tous les signataires du traité de non-prolifération, mais pas d'armes nucléaires. De plus, cela favoriserait la création d'une zone dénucléarisée au Moyen Orient. Une telle zone inclurait l'Iran, Israël, qui a des centaines d'armes nucléaires, et toutes les forces états-uniennes ou britanniques déployées dans la région. Une troisième mesure serait que les Etats-Unis et d'autres états nucléaires respectent leurs obligations légales, par un consensus de la Cour Internationale de Justice, et fassent des gestes de bonne volonté et procèdent à l'élimination totale de leur arsenal nucléaire.
C'est faisable, mais à une condition : que les Etats-Unis et l'Iran deviennent de véritables démocraties, parce que ce que je viens de dire à propos de l'opinion publique est vrai pour l'écrasante majorité des populations, en Iran comme aux Etats-Unis. Sur tout ce que je viens de parler, les majorités sont écrasantes. Alors oui, il y aurait une solution si ces deux sociétés étaient de véritables démocraties, c'est-à-dire des sociétés où l'opinion publique aurait un impact sur la politique du pays. Le problème aux Etats-Unis est que les acteurs sociaux et politiques sont incapables d'appliquer une politique soutenue par l'écrasante majorité de la population. On pourrait le faire, bien sûr. Si les paysans boliviens peuvent le faire, pourquoi pas nous ?
Pouvons-nous rendre l'Iran plus démocratique ? Indirectement, oui. Nous pouvons accorder plus d'attention aux dissidents et aux réformateurs qui luttent courageusement pour plus de démocratie dans leur pays. Et nous connaissons parfaitement leurs opinions, ils ne s'en cachent pas. Ils supplient les Etats-Unis de retirer leurs menaces contre l'Iran. Plus nous menaçons l'Iran, plus nous renforçons le camp réactionnaire et fanatique. En les menaçant, nous les renforçons. C'est exactement ce qui est en train de se passer. Les menaces ont abouti, de manière assez prévisible, à des répressions,
A présent les Etats-Unis se disent scandalisés par la répression, et qu'il faut protester. Mais nous devrions reconnaître que cette répression est la conséquence directe et prévisible des menaces brandies par les Etats-Unis. Alors, si nous prenons des mesures et que ces mesures produisent des effets prévisibles, condamner les effets relève d'une hypocrisie totale.
Tenez, dans le cas de Cuba, deux tiers des états-uniens pensent que nous devrions lever l'embargo, toutes les menaces et rétablir les relations diplomatiques. Et ceci est vrai depuis que les sondages ont commencé, il y a environ 30 ans. Les chiffres varient, mais ils sont à peu près à ce niveau. Ils n'ont aucun effet sur la politique des Etats-Unis, ni envers l'Iran, ni envers Cuba, ni envers tout autre pays.
Il y a donc un problème et ce problème est que les Etats-Unis ne fonctionnement pas comme une démocratie. L'opinion publique ne compte pas et parmi les cercles dirigeants il s'agit là d'un principe admis : l'opinion publique ne compte pas. Le seul principe qui compte est que le monde nous appartient et tous les autres peuvent aller se faire voir ailleurs, qu'ils soient états-uniens ou pas.
Alors oui, il existe une solution potentielle à un problème dangereux et c'est toujours la même : faire en sorte que notre propre pays devienne une véritable démocratie. Mais ceci est en pleine contradiction avec les présomptions d'une élite qui pense que le monde lui appartient et que toutes ces questions ne concernent pas le public, que ce soit en matière de politique étrangère ou autre.
Un jour, j'étais en voiture et j'écoutais la radio NPR. NPR est considéré ici comme très à gauche. J'ai lu quelque chose, je ne sais pas si c'est vrai, une citation d'Obama, qui représente un espoir pour les colombes libérales, où il aurait affirmé que l'éventail des opinions aux Etats-Unis s'étendait d'un extrémisme à l'autre, de Rush Limbaugh à NPR. La vérité, disait-il, se situe entre les deux et que c'est là qu'il allait être, au centre, entre les extrêmes.
Il y avait donc un débat sur NPR – c'était un peu comme dans un club de Harvard – des gens sérieux, éduqués, qui s'exprimaient sans fautes de grammaire, qui savent de quoi ils parlent et plutôt polis. Le débat tournait autour du système de défense anti-missiles que les Etats-Unis tentent d'implanter en Tchécoslovaquie et en Pologne et sur la réaction des Russes. La question principale était, "qu'est-ce qui leur arrive, aux Russes ? Pourquoi réagissent-ils d'une manière aussi agressive et irrationnelle ? Veulent-ils déclencher une nouvelle Guerre Froide ? Il y a quelque chose qui cloche chez ces types. Y'a-t-il moyen de calmer leur paranoïa ?"
Puis le grand spécialiste est intervenu, je crois qu'il était du Pentagone ou quelque chose comme ça, et il a fait remarquer, à raison, qu'un système de défense anti-missiles était avant tout un système offensif. Tous les analystes stratégiques le savent. Si on y réfléchit un instant, la raison est évidente. Un système de défense anti-missiles ne pourra jamais totalement empêcher une première frappe mais pourrait, en principe, s'il marche, empêcher une riposte. Si vous attaquez un pays en premier et que vous le rayez pratiquement de la carte, si vous avez un système de défense anti-missiles et que vous les empêchez de riposter, vous seriez alors protégé, ou partiellement protégé. Si un pays possède un système de défense anti-missiles opérant, ça lui donne plus de latitude pour déclencher une première frappe. Tout ceci est évident et n'est pas un secret. Tous les analystes le savent. Je pourrais l'expliquer à mes petits enfants qui le comprendraient.
Alors sur NPR tout le monde s'accordait pour dire qu'un système de défense anti-missiles est une arme offensive. Puis arriva la deuxième partie du débat. Bon, disaient les partisans du système, les Russes ne devraient pas se faire du souci. D'abord parce que le système n'est pas encore tout à fait au point et n'est donc pas tout à fait une arme offensive. Puis ils ont dit que de toutes façons, la question n'était pas là puisque le système était dirigé contre l'Iran et pas contre la Russie. Fin du débat.
Donc, premièrement, le système anti-missiles est une arme offensive ; deuxièmement, il est dirigé contre l'Iran. Vous pouvez à présent tenter un exercice de logique. Que peut-on conclure à partir de ces deux affirmations ? La conclusion est que nous avons là une arme offensive dirigée contre l'Iran. Puisque le monde appartient aux Etats-Unis, quel mal y aurait-il à pointer une arme offensive contre l'Iran ? La conclusion n'a pas été prononcée. C'était inutile. Cela découle du fait que le monde nous appartient.
Il y a peut-être un an ou deux, l'Allemagne a vendu à Israël des sous-marins équipés pour porter des armes nucléaires. Pourquoi Israël aurait-il besoin de sous-marins équipés d'armes nucléaires ? Il n'y a qu'une raison imaginable et tous ceux dotés d'un cerveau en Allemagne l'ont compris – et la hiérarchie militaire le comprend très certainement – il s'agit d'une arme offensive contre l'Iran. Les sous-marins allemands envoient le message suivant aux Iraniens : si vous ripostez à une attaque, vous serez annihilés.
Les préceptes de l'impérialisme occidental sont très profondément enracinés. Le monde appartient à l'Occident et aujourd'hui les Etats-Unis dirigent l'Occident alors, bien sûr, ils collaborent. Le fait que l'Europe fournisse la première arme offensive contre l'Iran n'a probablement soulevé aucun commentaire. Pourquoi faire ?
Oubliez l'histoire, ça n'a pas d'importance, c'est le genre de truc "ringard" et ennuyeux que nous n'avons pas besoin de connaître. Mais la plupart des pays prêtent attention à l'histoire. Par exemple, aux Etats-Unis il n'y a aucune discussion sur l'histoire des relations US-Iran. Aux Etats-Unis, il n'existe qu'un seul événement dans l'histoire iranienne et c'est l'année 1979 lorsque les Iraniens ont renversé le tyran que les Etats-Unis soutenaient et prirent quelques otages pendant plus d'un an. Il fallait les punir pour ça.
Mais pour les Iraniens, leur histoire est celle de plus de 50 ans de tortures non-stop infligées par les Etats-Unis. En 1953, les Etats-Unis renversèrent un régime élu pour installer à la place un tyran brutal, le Chah, et ils l'ont soutenu sans faille pendant qu'il battait pratiquement tous les records en matière de violations des droits de l'homme dans le monde – tortures, assassinats, tout ce que vous pouvez imaginer. En fait, le président Carter, lorsqu'il visita l'Iran en décembre 1978, chanta les louanges au Chah et à l'amour que lui manifestait son peuple et ainsi de suite. Ceci a d'ailleurs probablement eu pour effet de précipiter son renversement. Bien sûr les Iraniens ont une drôle de façon de se souvenir de leur passé et de qui en est le responsable. Lorsque le Chah fût renversé, l'administration Carter a immédiatement fomenté un coup d'état militaire en envoyant des armes via Israël pour tenter de soutenir des militaires et renverser le gouvernement. Nous nous sommes aussitôt mis à soutenir l'Irak, c'est-à-dire Saddam Hussein, et l'invasion de l'Iran.
Saddam Hussein fut exécuté pour des crimes commis en 1982. Par rapport au personnage, les crimes qu'on lui reprochait étaient plutôt bénins – une complicité dans l'assassinat de 150 personnes. Il manquait quelque chose dans le tableau. 1982 est une année très importante pour les relations US-Iran. C'était l'année où Ronald Reagan retira l'Irak de la liste des pays soutenant le terrorisme pour pouvoir fournir à l'Irak les armes pour envahir l'Iran. C'était en 1982. Une année plus tard, Donald Rumsfeld fut envoyé pour conclure le marché. Les Iraniens se souviennent très bien de la guerre qui s'ensuivit et au cours de laquelle des centaines de milliers d'entre eux furent massacrés grâce à l'aide US à l'Irak. Peut-être se souviennent-ils aussi qu'un an après la fin de la guerre, en 1989, le gouvernement des Etats-Unis a invité des ingénieurs irakiens à venir aux Etats-Unis pour recevoir une formation poussée au développement d'armes nucléaires.
Que dire des Russes ? Eux aussi ont une histoire. Une partie de leur histoire est qu'au cours du siècle dernier, le Russie a été envahie et pratiquement détruite à trois reprises via les pays de l'Est. Vous pouvez vous arrêter un instant et vous demander quelle était la dernière fois que les Etats-Unis ont été envahis via le Canada ou le Mexique ? Ca n'arrive jamais. Nous écrasons les autres et nous sommes toujours en sécurité. Mais les Russes n'ont pas ce luxe. En 1990 un événement remarquable a eu lieu. Franchement, j'étais abasourdi. Gorbatchev a autorisé la réunification de l'Allemagne, c'est-à-dire son intégration à l'Ouest et l'émergence une nouvelle force militaire au sein d'une alliance militaire hostile. Nous parlons de l'Allemagne, qui a pratiquement détruit la Russie à deux reprises. Ce fût un événement tout à fait remarquable.
Mais il y eut un malentendu. Le président de l'époque, George Bush (père), avait assuré que l'OTAN ne s'étendrait pas à l'Est. Les Russes demandaient aussi, mais n'ont pas obtenu, un accord pour une zone dénucléarisée dans l'Arctique et les Baltiques, ce qui leur aurait donné un peu de protection contre une attaque nucléaire. C'était l'accord de 1990. Puis Bill Clinton est arrivé au pouvoir, le soi-disant libéral. Une des ses premières décisions fut de rompre l'accord, unilatéralement, et d'entreprendre l'expansion de l'OTAN à l'Est.
Du point de vue des Russes, l'affaire était très grave, pour ceux qui ont la mémoire de l'histoire. La Russie a perdu 25 millions de personnes pendant la Deuxième Guerre Mondiale et plus de 3 millions pendant la première. Mais puisque le monde appartient aux Etats-Unis, si nous voulons menacer la Russie, ce n'est pas un problème. Tout cela au nom de la liberté et de la justice, après tout, et s'ils font des commentaires désobligeants, nous nous demandons ce qui peut bien leur arriver. Pourquoi est-ce que Poutine est en colère, comme si quelqu'un les menaçait ? Et qui pourrions nous menacer, si le monde nous appartient ?
Un nouveau sujet qui fait la une des journaux maintenant est "l'agressivité" de la Chine. On se préoccupe beaucoup du fait que le Chine est en train de renforcer son système d'armement. Est-ce que la Chine a prévu de conquérir le monde ? Beaucoup de débats à ce sujet. Alors, qu'est-ce qui se passe ? Pendant des années la Chine s'est activée pour tenter d'empêcher une militarisation de l'espace. Si vous examinez les débats à la Commission sur le Désarmement de l'Assemblée Générale de l'ONU, les votes sont de 160 contre 1 ou 2. Les Etats-Unis insistent pour militariser l'espace. Ils refusent que les traités interdisent la militarisation de l'espace.
Clinton pensait que les Etats-Unis devaient contrôler l'espace à des fins militaires. L'administration Bush est encore plus radicale. Elle pense que l'espace appartient aux Etats-Unis, selon ses propres termes, et que nous devons posséder l'espace à des fins militaires. Voilà le niveau du débat ici. Les Chinois ont tenté de l'arrêter, et on comprend pourquoi. Si vous lisez le journal le plus respectable du monde, je suppose, le Journal of the American Academy of Arts and Sciences, vous y trouvez de fins analystes, John Steinbrunner et Nancy Gallagher, qui nous avertissaient, il y a quelques années, que l'agressivité de l'administration Bush nous menait vers ce qu'ils appelaient "l'apocalypse final". Il y aura des réactions bien sûr. Si vous menacez de détruire quelqu'un, ce dernier réagira. Ces analystes en appelaient aux nations éprises de paix pour contrer agressivité militaire de Bush. Ils espéraient voir la Chine prendre la tête de ces nations. Cela en dit long sur l'impossibilité de démocratiser les Etats-Unis. Une fois encore, la logique derrière tout ça est plutôt simple. Steinbrunner et Gallagher présument que les Etats-Unis ne peuvent être démocratique, ils ne l'envisagent même pas, et placent donc leurs espoirs dans les capacités d'intervention de la Chine.
Finalement, la Chine est effectivement intervenue. Elle fit comprendre aux Etats-Unis qu'elle avait bien remarqué qu'ils tentaient d'utiliser l'espace à des fins militaires. Alors la Chine a abattu un de ses propres satellites. Tout le monde comprend pourquoi – la militarisation et l'armement de l'espace repose sur des satellites. Alors que les missiles sont difficiles et pratiquement impossibles à intercepter, il est facile d'abattre un satellite parce qu'on connaît sa position. Alors la Chine a dit "ok, nous sommes au courant que vous êtes en train de militariser l'espace. Nous allons vous contrer, non pas en militarisant à notre tour, nous n'en sommes pas capables, mais en abattant vos satellites." Tous les analystes militaires l'ont compris et toute personne censée peut le comprendre aussi. Mais aux Etats-Unis le débat était : "est-ce que la Chine cherche à conquérir le monde en abattant des satellites ?"
Il y a environ un an, il y a eu toute une série d'articles et de gros titres sur "l'escalade militaire de la Chine". Le Pentagone affirmait que la Chine avait renforcé ses capacités offensives – jusqu'à 400 missiles à têtes nucléaires. Puis s'ensuivit un débat pour savoir si la Chine voulait conquérir le monde ou si les chiffres était faux, etc.
J'ouvre une parenthèse. Combien y'a-t-il de missiles nucléaires offensives aux Etats-Unis ? La réponse est 10.000. La Chine en a peut-être maintenant 400, si vous vous fiez aux faucons. Et ça prouverait que la Chine veut conquérir le monde.
Si vous avez lu la presse internationale récemment, il se trouve que le renforcement des capacités militaires de la Chine est non seulement dû à l'agressivité des Etats-Unis partout dans le monde, mais aussi à la capacité accrue des Etats-Unis de détruire les sites de lancement avec une précision jamais atteinte auparavant. Qui veut conquérir le monde ? Les Chinois évidemment, puisque le monde nous appartient.
Il serait facile de continuer ainsi indéfiniment. Choisissez un sujet au hasard. C'est un bon exercice. Ce principe simple : "le monde nous appartient" suffit pour expliquer de nombreuses discussions en matière de politique étrangère.
Je voudrais terminer avec quelques mots de George Orwell. Dans l'introduction à la Ferme des Animaux, il écrivit "l'Angleterre est une société libre, mais pas très différente du monstre totalitaire que j'ai décrit". Il dit qu'en Angleterre, les idées impopulaires peuvent être éliminées sans recourir à la force. Puis il donne quelques exemples. A la fin il donne une brève explication, en deux phrases, mais qui touchent à l'essentiel. Il dit : une des raisons est que la presse appartient à des riches qui ont toutes les raisons du monde pour vouloir empêcher que certaines idées se répandent. Et la deuxième raison – je crois que c'est la plus importante – est une éducation appropriée. Si vous avez fréquenté les meilleures écoles, si vous êtes diplômé d'Oxford ou de Cambridge, ils vous ont inculqué qu'il y a certaines choses qui ne se disent pas, et même qui ne se pensent pas. C'est la principale méthode pour empêcher que certaines idées se répandent.
Les idées de la grande majorité de la population, tous ceux qui ne fréquentent pas Harvard, Princeton, Oxford ou Cambridge, leur permet de réagir comme des êtres humains, comme ils le font souvent. Et il y a là une leçon à tirer pour tous les militants.
Le soir, mercredi 26 mars 2008
http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6238
Traduction Le Grand Soir, version corrigée le 26/3 à 10h30
Conférence Z Media Institute talk, Juin 2007
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé