Le mensonge continue

La Lettre du cardinal Marc Ouellet

Encore une fois, il y a apparence de noblesse et de compassion. «Pardon pour tout ce mal», déclare Mgr Ouellet. Mais de quel mal est-il question? Il prend soin de ne pas le nommer: ce mal, c'est que le mensonge continue, et il ne s'en excuse pas. Le mal, c'est le manque de sincérité. Dans la lutte des orphelins de Duplessis, j'étais aux premières loges du combat, je les ai vus, ces monseigneurs nantis de leur fausse humilité, détourner le sens de notre lutte, je les ai vus et entendus nier et dénier les faits. Voici qu'après 14 ans de lutte, il faudrait que je les croie. Impossible. Je connais trop bien leurs mécanismes de défense. Le manque de sincérité de l'Église catholique appartient à une culture du mensonge, à une culture du contre-témoignage. Je suis incapable de croire à leur pardon. C'est viscéral. Notez d'ailleurs, en ce qui nous concerne, que ce pardon aux contours flous arrive après que notre dossier, sur le plan politique, fut réglé.
Le pardon commence par nommer ce qui fait l'objet du pardon. Dans le texte de Mgr Ouellet, jamais le drame des orphelins de Duplessis n'est nommé. Que des généralités. C'est du spectacle à grand déploiement médiatique dont l'Église connaît les rouages et les secrets. Oui, à première vue, le pardon de Mgr Ouellet apparaît comme une heureuse surprise. Mais comme il ne parle qu'en son nom, quel est le sens de son initiative? Pourquoi ce pardon? Pour mieux retourner dans les écoles et, quoi qu'il en dise, pour mieux retourner en arrière.
C'est à la suite de son intervention à la commission Bouchard-Taylor que Mgr Ouellette a pris l'initiative du pardon. Et s'il n'y avait pas eu cette commission, aurait-il «pardonné» avec autant d'empressement? La chose relève d'une opération de rattrapage. L'aveu est circonstanciel et ne repose pas sur les bonnes raisons. Nous sommes en présence d'une opération de séduction, je veux dire de relations publiques. Ne soyons pas naïfs. Le pardon de Mgr Ouellet ne reflète même pas la position de l'Église, et si je suis bien informé, Mgr Turcotte ne retourne pas ses appels. Manque de solidarité avec Mgr Ouellette? Fidèle à lui-même, dirais-je aussi: médiocre et incapable de transparence. Comme son Église.
Pourquoi cet aveu et cette réconciliation à ce moment-ci de notre histoire? Telle est la vraie question. La tentative de Mgr Ouellet vise à refaire l'image «corporative» de son Église, mais en l'absence de toute sincérité et de générosité. Je suis étonné que le mouvement laïque salue le geste de Mgr Ouellet sous prétexte que le cardinal reconnaît la laïcité de la société québécoise. Mais alors pourquoi, depuis son intervention à la commission Bouchard-Taylor, cette tentative désespérée du retour de la religion dans les écoles? Y a des coups de pied à la lucidité qui se perdent...
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