Le jugement de Luc Lavoie

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Lavoie a dit tout haut ce qu'il pensait tout bas. Ses excuses ne valent rien





Luc Lavoie a commis une bourde mardi. Ça fait jaser fort sur les réseaux sociaux mercredi matin.


Sur les ondes de LCN, le commentateur à l’émission La Joute s’est amusé à dire qu’il aurait aimé «chasser les séparatistes, mais ça d’l’air que c’est pas facile», dans le cadre d’une discussion sur la chasse aux écureuils. L’animateur Paul Larocque l’a aussitôt rappelé à l’ordre.





Peu de temps après, Luc Lavoie s’est excusé. Dans un message publié sur Facebook mardi soir, il affirme notamment la chose suivante : «(...) dès que je l’ai dit, j’ai su que cela était offensant et odieux.»


C’est sans doute ce qui explique que Luc Lavoie a conclu sa blague avec un gros rire gras de satisfaction.


Le problème avec Luc Lavoie


M. Lavoie, ancien conseiller du premier ministre Brian Mulroney, n’en est pas à sa première outrance langagière. Ne manquant jamais une occasion d’accuser les souverainistes de racisme et de xénophobie, il a déjà dû s’excuser de propos tenus à La Joute.


En effet, le 26 octobre dernier, c’est en revenant de la pause qu’il avait dû s’excuser à Bernard Drainville après l’avoir comparé à Marine Le Pen. Oui. La chef du parti politique qui nie la collaboration française dans l’Holocauste et qui accueille en son sein plein de ressortissants des mouvements skins et néofascistes.


Pour Luc Lavoie, aucune association n’est trop méchante pour faire mal paraître les «séparatistes».


Quand même drôle de se faire faire la leçon sur le racisme et la xénophobie par quelqu’un qui manie lui-même l’humour violent.


Au lendemain d’une tuerie d’ampleur historique à Las Vegas, faut-il le rappeler.


Pourquoi c’est grave


Le problème avec ce genre de blagues, c’est que ce n’est pas une blague pour tout le monde.


J’ai parlé à d’anciens collègues du PQ mardi. Des gens qui étaient au Métropolis en 2012. Pour eux, parler de tirer sur des séparatistes, ce n’est pas une blague.


J’étais là aussi : je confirme que ce n’est pas drôle.


Le problème, c’est qu’il y a d’autres gens selon qui ce n’est pas une blague.


J’ai vu une caricature troublante sur la tuerie de Las Vegas, mardi. Devant une silhouette dans l’ombre assise devant sa télé, un texte écrit plus haut rappelle qu’à chaque tragédie, il y a quelqu’un quelque part qui se dit qu’il aurait pu faire encore plus de mal si on lui en avait donné la chance.


Il y en a combien au Québec, des émules potentiels de Richard Henry Bain qui ont entendu Luc Lavoie à La Joute mardi, mais qui ne le suivent pas nécessairement sur Facebook? Des gens qui se disent qu’un bon séparatiste, c’est un séparatiste mort?


La chance qu’on a


Luc Lavoie tourne depuis 30 ans en tablant sur sa réputation d’avoir déjà conseillé un ancien premier ministre de pays du G7. Ce serait rassurant qu’il nous montre qu’il était alors doté du jugement approprié.


Après le triste épisode de la crise d’octobre, depuis presque 50 ans, le Québec a réussi à avoir un débat sur son avenir politique sans que les porteurs du projet d’indépendance fassent couler une seule goutte de sang. À l’échelle mondiale, allez voir ça : c’est exceptionnel de vivre un conflit politique de cette nature dans un climat pacifique et généralement respectueux. (Voir Catalogne.)


Ça, Luc Lavoie ne semble pas se rendre compte que c’est une chance qu’on a.


En fait, le seul groupe qui a été récemment victime de violence politique dans cet affrontement, ce sont les souverainistes eux-mêmes. Un homme qui n’avait rien à voir avec ça est mort ce soir-là et un autre est blessé pour la vie.


Ça, ça ne semble pas frapper Luc Lavoie. Dans le feu de l’action et l’orgueil des débats, ce qui sort de lui spontanément, c’est de traiter les séparatistes de racistes et rigoler de leur tirer dessus.


Encadrer Lavoie


Les excuses de Luc Lavoie ont semblé satisfaire tout le monde. Fort bien.


Je me demande quand même quelles mesures seront prises pour l’encadrer. À Québec, certains animateurs dont on questionne le jugement sont diffusés en différé.


Il faudra peut-être envisager la même chose avec Luc Lavoie, récidiviste du propos outrancier. Il n’a manifestement pas le jugement pour faire du direct.


**MISE À JOUR 11h04** Le chef du Parti Québécois et la députée de Taschereau se sont exprimés. Ils ne se satisfont pas des excuses de Luc Lavoie et exige que TVA prenne action. Le diffuseur de son côté considère que les propos de Luc Lavoie étaient inacceptables et rappelle qu'il s'en est excusé. L'histoire demeure donc à suivre pour aujourd'hui.


**MISE À JOUR 12h50** Le réseau TVA a suspendu Luc Lavoie après qu'une enquête de la SQ ait été ouverte à son sujet. Par ailleurs, Luc Lavoie a retiré de Facebook son message d'excuses. Plusieurs lecteurs m'écrivent également en privé pour me signaler que les souverainistes ont été une autre fois la cible de violences politiques. Il s'agit de l'attaque du caporal Denis Lortie sur l'Assemblée nationale, en 1984. Je n'en avais pas fait mention, dans mon billet initial, car je n'avais pas de références historiques pour appuyer le fait que Lortie visait les séparatistes. Voici donc ce que gentils lecteurs m'ont fait parvenir : https://www.fpjq.org/to-diffuse-or-not-to-diffuse-bain-perspective-historique-cas-lortie/


 



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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.