Jean Tremblay n’est pas l’imbécile complet que laisse croire sa plus récente sortie contre Greenpeace et les intellectuels.
Le maire de Saguenay est arrogant, détestable, mais s’il joue à l’idiot, évite toute nuance et escamote la vérité à propos de la perte de la certification environnementale de Resolu, cela témoigne surtout d’un esprit retors, auteur d’une stratégie politique trempée dans le plus efficace des populismes régionaux.
Oui, régionaux. Parce qu’il oppose l’intellectuel de la grande ville au travailleur du cru. Et oui, efficace, parce qu’il y a dans cet antagonisme tout le nécessaire afin de polariser un conflit qui demande au contraire de la nuance.
L’écologie ne tuera pas l’économie. Ni l’inverse, d’ailleurs. Greenpeace a parfois des méthodes détestables, mais c’est aussi la voix de notre (mauvaise) conscience environnementale.
La réalité n’est donc pas cet univers manichéen que décrit Jean Tremblay. Et il le sait. C’est ce qu’il y a de plus enrageant chez lui, comme chez les médias qui font ce même jeu de servir à leur auditoire ce qu’il souhaite entendre plutôt que de l’accompagner dans les méandres parfois confondant de l’actualité.
Une forme de pollution de l’information qui témoigne d’une certaine malhonnêteté.
Dans le cas de Tremblay, elle est multiple. Car s’il joue à l’ahuri pour diviser, et ainsi régner, son invocation d’un pouvoir élu qui saurait mieux qu’un lobby écologiste et quelques érudits ce qui est bon pour le peuple est une véritable insulte à l’institution qu’il défend et à notre intelligence.
Jean Tremblay n’est démocrate que lorsque cela l’arrange. Depuis sa plus récente élection, alors qu’il doit composer avec la nouveauté d’une opposition plus nombreuse et organisée, il n’a cessé de dévoyer les plus élémentaires règles de la démocratie municipale pour éviter d’avoir à se justifier auprès d’autres élus, modifiant la réglementation à son gré pour couper l’herbe sous le pied à ses opposants.
Jean Tremblay ment, à tout le moins par omission. On le sait. Il n’aime pas vraiment la démocratie. On le sait aussi. Et s’il est prêt à défendre son droit à la prière jusqu’en Cour suprême, on est en droit de croire que c’est parce que le plus important culte qu’il voue est pour lui-même.
Il paraît que le meilleur tour du diable, c’est d’avoir convaincu les hommes qu’il n’existe pas.
Disons alors que Jean Tremblay joue admirablement le jeu du Malin. Car derrière le ridicule de son discours se cache une manigance aux conséquences funestes, une guerre à l’intelligence dont l’arme principale est un gros bon sens de beau-frère, aussi navrant que dommageable, parce qu’il se joue des faits et teinte l’opinion publique en usant d’un statut qui permet d’usurper la confiance des gens.
Mon collègue Antoine Robitaille comparait cette semaine le phénomène avec celui du déni scientifique des antivaccins. Il en va de même des climatosceptiques, dont font partie deux animateurs de radio — qui ont aussi fait de Tremblay leur « héros du jour » cette semaine — et que j’ai entendu se bidonner l’autre matin, tandis qu’il faisait -1000 dehors : preuve irréfutable, selon eux, que le réchauffement climatique n’existe pas.
Peu leur importe que le scientifique qui est le principal auteur des théories climatosceptiques était, il l’a avoué, financé par les industries polluantes qui profitent de politiques laxistes en matière d’émission de CO2 : leur doute est celui de l’ignorant qui ne peut envisager que la réalité qui lui est familière et qui rejette toute forme d’étude savante à laquelle il n’aurait pas accès.
C’est ainsi que, sous prétexte d’offrir une opinion contraire à celle qui est communément admise, on colporte des mensonges, on trompe, on reconduit l’auditeur ou le lecteur dans les ornières familières de son ignorance volontaire, et tant pis pour la vérité.
Et la liberté d’expression ? Ah oui, je veux bien. Mais qu’on ne se cache pas derrière elle pour prétendre qu’il s’agit d’autre chose que d’une entreprise de putasserie. Et pas d’une diversité de points de vue.
Un mensonge n’est pas un avis.
Dire le contraire témoigne d’un mépris clair de la démocratie et de l’exploitation grossière des peurs de citoyens biberonnés à l’angoisse d’une économie instable.
Un cynisme détestable de la part de médias, mais totalement indigne venant d’un élu.
Car ce que mène Jean Tremblay est d’abord une entreprise de séduction, mais aussi, disons-le, une guerre ouverte à l’intelligence.
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