Isabelle Hachey - Georgina, Ontario - La première tempête de l'hiver vient de s'abattre sur l'Ontario, et la ville de Georgina semble vouloir enfouir ses démons sous la neige. Au pied du Mossington Bridge, les flots gris du lac Simcoe se brisent rageusement sur le quai désert.
«C'est ici que ça s'est passé», dit John Slykhuis, éditeur du journal local, ses cheveux battus par le vent glacial. Ici que Georgina est devenue, en quelque sorte, le Hérouxville de l'Ontario - une bourgade qui fait la une des journaux, qui déclenche une commission d'enquête... et dont toute la province a un peu honte.
Les visiteurs viennent de loin pour profiter du lac Simcoe, de ses activités nautiques et, surtout, de sa pêche «de renommée mondiale», selon le site web de Georgina, une ville située à 90 kilomètres au nord de Toronto.
Mais il se pratique aussi une activité plus sinistre: le «nipper tipping», expression locale qui pourrait être traduite par «la bascule du sale Jap». La nuit, des jeunes de Georgina patrouillent les berges à la recherche de pêcheurs d'origine asiatique venus de Toronto. Quand ils en trouvent, ils les poussent dans le lac.
Ce petit jeu existe depuis des années. On n'en aurait jamais entendu parler si les choses n'avaient pas tourné au drame, le 16 septembre. Cette nuit-là, les pêcheurs ont résisté. Il y a eu une bagarre puis, une poursuite effrénée en voiture. Les jeunes, en camionnette, ont fait dévier la Honda Civic des pêcheurs, qui s'est écrasée contre un arbre. Un pêcheur a failli y laisser sa peau; il est toujours à l'hôpital.
Depuis, cinq autres agressions ont été signalées à la police locale. Et une demi-douzaine d'autres cas ont été signalés ailleurs en Ontario - près de Kingston, notamment, où un homme de 73 ans a été battu pendant que son beau-fils était poussé du haut d'un pont de trois mètres. Alarmée, la Commission ontarienne des droits de la personne (OHRC) a lancé il y a deux semaines sa propre enquête. Jusqu'ici, elle a reçu plus de 24 témoignages sur sa ligne téléphonique d'urgence.
Entre-temps, Georgina absorbe le choc. «Les gens ont été surpris par l'attention médiatique, dit M. Slykhuis. J'habite ici depuis 20 ans et je peux vous dire que la ville n'est pas un repaire de racistes!» Même son de cloche du côté du maire, Robert Grossi. «Ce sont des incidents isolés. N'avez-vous pas des jeunes au Québec qui font des bêtises?»
La commissaire en chef de l'OHRC, Barbara Hall, déplore le «déni» qui entoure trop souvent la question du racisme. «Les gens préfèrent trouver des explications plus faciles.»
Population du Québec
Population totale: 7,1 millions
Immigrés: 706 965
Minorités visibles: 497 975
Musulmans: 108 620
Sikhs: 8225
Juifs: 89 915
Source: Recensement de 2001, Statistique Canada. Le nombre d'immigrés a augmenté depuis cinq ans, mais les données de 2006 ne sont pas encore disponibles.
LES PLAINTES
En 2006, la Commission des droits de la personne du Québec a reçu 154 plaintes pour discrimination fondée sur l'ascendance, le lieu d'origine, la race ou la couleur (soit 24% des 634 plaintes pour discrimination reçues). En 2001 elle en avait reçu 186, soit 17,6% des 1058 plaintes pour discrimination reçues.
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1 commentaire
Georges-Étienne Cartier Répondre
25 novembre 2007Ce qui est ici décrit par Isabelle Hachey, c`est du racisme cru, actif et carrément criminel: rien à voir avec l`humour rude et le coup de poing réveilleur sur la tabble des hérouxvillois!
Ces derniers n`ont fait que poser un geste théatral d`affirmation culturelle légitime sans aucune connotation "raciale ", et le succès éclatant de leur manoeuvre qui recourrait non seulement au discours mais s`imposait non verbalement par son caractère "hénaurme", prouve qu`ils ont eu raison :ce qui enrage les saintes nitouches du prêchi-prêcha médiatique !
Belle occasion de lui servir le cliché cher à nos incultes censeurs: la journaliste, ici, "dérape"...