Notre pays nous échappe

Le Grand Soir

Vers la République québécoise



On n'entend plus ici que des piétinements de chevaux las.
De troupeaux fatigués.
Toujours à l’aube de notre devenir
Nous portons tous le même visage de défaite
La même fureur tapie au fond de l’âme
La même envie de vivre.
Le même face à face avec la peur.
La même gêne, la même timidité.

Mais notre ville, notre quartier, notre pays nous échappent.
Doucement, insidieusement, cela s’accomplit.
Ça parle anglais ici maintenant. Dans nos rues à culture française.
Ici en plein cœur du Plateau Mont-Royal.
Ça parle anglais sans gêne. Ne sortez pas vos statistiques. Nous avons les oreilles fines.
Ça parle français aussi bien sûr. Français pour le plaisir, pour l’exotisme, pour la condescendance.
Pour le respect et la reconnaissance de notre histoire?? Je voudrais bien. Rien de moins certain.
Il faudra repasser.
Attendre notre révolte, notre affirmation. Concrète, solide. Nos gestes de confiance.
Notre commune volonté. Notre pacte de libération.
Attendre encore. Se clouer à l’espérance?
Combien de décennies nous reste-t-il à vivre ainsi derrière le rideau de la scène?

Notre quartier. Notre ville. Notre pays nous échappe.
Pour « qu’arrive le Grand Soir », il nous faut... Plonger au plus profond de nos désirs.
Leur faire prendre racines. Oublier les guerres intestines.
Se tenir debout, alertes et vifs, à la grandeur du territoire.
Ne craindre ni le vent, ni les marées. Devenir des phares.
Écrire et nous dire. Livrer combat chaque jour.
Quand il arrivera le grand soir, pourrons-nous alors dormir!

France Bonneau, 17 avril 07

N.B : « Écrire pour qu’arrive le Grand Soir », titre d’un essai de Mme Andrée Ferretti, 05

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France Bonneau est professeure de français auprès des adultes-immigrant-e-s . (MICC)





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