Le gouvernement Legault n’écarte plus l’idée de rouvrir la loi 101

Cb4b8258ca233aa07681c1bde3193ef4

Il faudrait refaire une loi 101 en utilisant la clause dérogatoire


Le premier ministre François Legault n’écarte plus l’idée de rouvrir la loi 101, un chantier qu’il n’envisageait pas il y a quelques mois à peine. Il a confié mercredi le dossier de la langue française au ministre Simon Jolin-Barrette, dépouillant ainsi sa collègue Nathalie Roy qui a fait l’objet de critiques au cours des derniers mois.


« On ne l’exclut pas à ce moment-ci, a répondu M. Legault en conférence de presse mercredi. Ça fera partie des réflexions de Simon. Mais la grande priorité au Québec si on veut promouvoir et protéger le français, c’est la francisation des immigrants, et c’est là-dessus qu’on va se concentrer d’abord. »


Le ministre Simon Jolin-Barrette a hérité de cette nouvelle responsabilité en plus de conserver celles qu’il cumulait déjà. Celui qui dirige le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion — en plus d’être le leader parlementaire du gouvernement en chambre — devient ministre responsable de la Langue française de même que ministre responsable de la Laïcité et de la Réforme parlementaire. Acteur important du gouvernement Legault, le jeune ministre de 32 ans a mené à terme deux projets de loi majeurs avant la relâche estivale, soit celui sur la laïcité de l’État et celui sur la réforme de l’immigration.


« En campagne électorale, la CAQ avait promis d’être un gouvernement nationaliste, a affirmé le premier ministre François Legault. Pour moi, être nationaliste, c’est d’abord fondé sur trois piliers : la langue française, la culture et la laïcité de l’État. »



On est passé d’une fermeture totale à l’idée de rouvrir la loi 101 à une espèce d’ouverture




La loi sur la laïcité de l’État étant en vigueur depuis juin, M. Legault a dit vouloir s’attaquer aux deux autres piliers. En ce qui concerne la langue française, il a rappelé la recommandation du rapport présenté en 2016 par la députée Claire Samson de rassembler l’immigration et la francisation dans un seul ministère. Le rapport Samson suggérait également au gouvernement d’offrir un programme obligatoire de francisation.


Les mesures du gouvernement seront à la fois incitatives et obligatoires, selon le premier ministre. « On n’écarte rien à ce moment-ci et on compte s’inspirer du rapport Samson, a-t-il indiqué. Un élément important, c’est : est-ce que le gouvernement fédéral va nous laisser imposer un test de français dans les trois premières années ? À partir de là, il y aurait comme un incitatif important pour les nouveaux arrivants à suivre les cours. »


Le ministre Jolin-Barrette avait déjà augmenté en juillet l’allocation versée aux immigrants qui suivent des cours à temps plein, la faisant passer de 141 $ à 185 $ par semaine. Le gouvernement songe maintenant à offrir les cours dans les petites entreprises sur l’heure du midi pour faciliter l’apprentissage.


À l’écoute de Pauline Marois ?


Ce remaniement survient environ deux semaines après une rencontre entre M. Legault et l’ex-première ministre péquiste Pauline Marois où il a été question de l’avenir de la langue française. « L’importance de s’en préoccuper et de s’en occuper, a-t-elle confirmé au Devoir. C’est important qu’on en fasse une priorité. »


M. Legault a indiqué que son ancienne cheffe n’avait eu aucune influence sur sa décision de confier le dossier de la langue française à un nouveau ministre. Elle pourrait toutefois être appelée par M. Jolin-Barrette à jouer un rôle. « Je pense que c’est transpartisan, la défense et la promotion du français », a souligné le premier ministre.


Le gouvernement minoritaire de Pauline Marois avait tenté de solidifier la loi 101 en 2013, mais le projet de loi n’avait pu aboutir, faute de l’appui de la Coalition avenir Québec (CAQ) qui ne voulait pas alourdir le fardeau réglementaire des entreprises.


Trois ans plus tard, le rapport Samson formulait plusieurs autres recommandations audacieuses pour renforcer la langue française au Québec, notamment celle de revoir le mandat de l’Office québécois de la langue française (OQLF) et celle de nommer un commissaire à la langue française.


« Très certainement, on va s’inspirer de ce qu’il y avait dans le rapport Samson, mais toutes les options sont sur la table à ce stade-ci, et le premier ministre m’a donné les coudées franches pour étudier les différents scénarios », a-t-il répondu et répété à quelques reprises.


Le Mouvement Québec français s’est réjoui de ce changement de garde. « On relève qu’on est passé d’une fermeture totale à l’idée de rouvrir la loi 101 à une espèce d’ouverture », a fait remarquer son président, Maxime Laporte, en entrevue.


« Si la protection de la langue française était une vraie priorité pour le gouvernement, François Legault n’aurait pas confié cette responsabilité à un ministre qui en a déjà plein les bras et qui devra en plus piloter la réforme parlementaire cet automne », a noté le co-porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois.


Le chef parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, a qualifié ce remaniement ministériel d’opération de « marketing ». Depuis près d’un an, l’équipe de François Legault n’offre que le « service minimum » de ce qui est attendu d’un « gouvernement nationaliste », a-t-il déploré en marge du caucus présessionnel de son parti à Salaberry-de-Valleyfield.


« C’est flagrant que c’est une rétrogradation pour la ministre Roy, qui n’a pas su défendre son dossier, a déclaré la députée libérale Christine St-Pierre. Elle n’avait même pas réussi à aller chercher de nouveaux crédits alors que le gouvernement nage dans l’argent. »


Le dossier de la langue française relevait auparavant de la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy. Le premier ministre Legault a nié qu’il s’agissait d’une rétrogradation, indiquant qu’il était déjà prévu de jumeler l’immigration et la francisation. « Le gouvernement de la CAQ, c’est un gouvernement qui est nationaliste, et la culture et la langue française sont deux dossiers sur lesquels je souhaite qu’on pose des gestes forts. »


Les Québécois doivent donc s’attendre à « quelque chose d’ambitieux en culture », a-t-il fait valoir en évoquant la situation financière enviable du gouvernement.


Pourtant, M. Legault disait dans un entretien avec Le Devoir le 26 juin dernier que la ministre Nathalie Roy conserverait ses responsabilités dans la défense et la promotion de la langue française et qu’elle avait même « un rôle à jouer dans la partie francisation [des nouveaux arrivants] ». « Doit-on voir un transfert de dossier de Mme Roy à M. Jolin-Barrette ? » lui avait alors demandé Le Devoir. « Non. Non. Non », avait répondu le premier ministre.


À l’époque, M. Legault avait aussi fermé la porte à toute modification à la Charte de la langue française. « On veut appliquer la Loi 101. On ne veut pas toucher à la Loi 101, mais on veut s’assurer qu’elle soit appliquée », avait-il dit.


Avec Marco Bélair-Cirino









LE COURRIER DE LA COLLINE


Chaque jeudi, l'équipe du Devoir à Québec résume l'essentiel de la semaine parlementaire. Retrouvez aussi la note de Michel David, notre chroniqueur politique. Inscrivez-vous, c'est gratuit!













En vous inscrivant, vous acceptez de recevoir les communications du Devoir par courriel.





-->