Études de l'Office de la langue française

Le français perd toujours du terrain à Montréal

les prévisions quant au poids démographique des francophones portent uniquement sur la langue dans l'espace privé et non pas celle que les répondants utilisent au travail ou dans les commerces.

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Mélissa Guillemette - Une nouvelle étude commandée par l'Office québécois de la langue française confirme que moins de la moitié des Montréalais parleront le français à la maison au cours des prochaines décennies, un phénomène qui s'étendra tranquillement à la banlieue de la métropole.
Selon les prévisions faites à partir des données du recensement de 2006, le poids démographique des locuteurs francophones à la maison passera de 54 % à 47,5 % dans la métropole d'ici 2031, tandis que celui des anglophones chutera de 25 % à 23 %. Ce sont les allophones qui connaîtront une hausse en raison de l'immigration: de 21 % à 30 %, selon le démographe et président du Comité de suivi de la situation linguistique, Marc Termote. Le Québec recevra au cours des trois prochaines années 50 000 nouveaux arrivants par an, une baisse par rapport à 2010, mais néanmoins un sommet parmi les plus élevés depuis le début des années 1990.
Ces prévisions constituent le scénario «le plus probable», sur trois hypothèses présentées dans l'étude «Perspectives démolinguistiques du Québec et de la région de Montréal». Le scénario le plus optimiste laisse 50,8 % aux francophones.
Ces prévisions, publiées hier après-midi en même temps que quatre autres volumineux rapports sur la situation linguistique du Québec, rappellent celles d'une autre étude de M. Termote réalisée en 2006. Cachée jusqu'en 2008, elle indiquait que ceux qui parlent le français à la maison seront minoritaires vers 2021 à Montréal. «Les tendances sont très lourdes, on ne peut pas s'attendre à de grands changements majeurs, a expliqué hier Marc Termote. Le phénomène continuera à se manifester encore dans l'avenir et dans la couronne aussi. Le déclin du français n'est plus limité dans l'île.»
Dans la région métropolitaine de recensement, qui comprend l'île de Montréal, Laval et les couronnes nord et sud, le poids des francophones sera de 63 % dans 20 ans, contre 69 % en 2006, selon les prévisions.
Pour la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, ces études publiées par l'Office québécois de la langue française «confirment les grandes tendances qui font en sorte que la population québécoise, sous l'effet de la baisse de la fécondité des francophones, du vieillissement conséquent de la population et de l'augmentation du nombre d'immigrants n'ayant pas le français comme langue maternelle, tend à se diversifier sur le plan linguistique», a-t-elle indiqué par voie de communiqué, ajoutant qu'il «faudra toujours faire preuve de vigilance».
Le porte-parole de l'opposition officielle en matière de langues, Yves-François Blanchet, est satisfait de constater «que la ministre reconnaisse le sens des chiffres pour la première fois»: «avant, elle les niait». Ses propos portant sur la diversité l'inquiètent toutefois. «C'est assez ironique qu'elle parle des bienfaits de la diversité linguistique, parce que sur l'île de Montréal, on ne parle pas de bienfaits, on parle d'une confirmation par des études détaillées du recul du français.» Selon le député de Drummond, la ministre doit avoir une bonne discussion avec sa collègue ministre de l'Immigration, Yolande James, pour s'assurer qu'il y aura un frein à ce recul. Mais «espérer renverser cette tendance à la décroissance en agissant sur le comportement démographique et linguistique est illusoire», précise l'étude.
La semaine dernière, les fondateurs de la Coalition pour l'avenir du Québec, François Legault et Charles Sirois, proposaient une réduction du nombre d'immigrants dans le but de mieux les intégrer.
Yves-François Blanchet dénonce au passage que les cinq études aient été publiées à la fin de la journée, comme pour éviter qu'elles reçoivent trop d'attention. D'après lui, il s'agit d'une décision politique. «C'est cousu de fil blanc que ce soit diffusé le vendredi après-midi et que la réaction de la ministre soit publiée à 17h», a dit M. Blanchet.
La ministre Christine St-Pierre a souligné dans son communiqué que pour la première fois, la proportion des immigrants ayant remplacé leur langue maternelle par le français à la maison dépasse la proportion de ceux qui ont choisi l'anglais, un des «aspects encourageants» qu'elle relève. En effet, selon le recensement de 2006 cité dans une autre étude publiée hier, 51 % des immigrants qui ont effectué un tel «transfert linguistique», avant ou après l'immigration, ont choisi le français. C'est 49 % d'entre eux qui ont opté pour la langue de Shakespeare.
Cette donnée avait par ailleurs déjà été publiée il y a quatre ans, lors de la publication des données démographiques du recensement.
Marc Termote a précisé hier que ces statistiques sur la langue de substitution citées par la ministre doivent être mises en perspective dans un contexte où les immigrants sont choisis en partie en fonction de leur connaissance du français. La substitution peut donc avoir eu lieu avant le processus d'immigration, au Maghreb par exemple. «C'est un [signe de] succès de la politique d'immigration, mais ça ne veut en aucune façon dire que c'est un succès de la politique de francisation des immigrants.»
La présidente de l'Office québécois de la langue française, Louise Marchand, n'a pas voulu commenter le résultat de l'étude. Elle a simplement tenu à rappeler que les prévisions quant au poids démographique des francophones portent uniquement sur la langue dans l'espace privé et non pas celle que les répondants utilisent au travail ou dans les commerces. D'autres études viendront à ce sujet. «Le mandat de l'Office est de s'employer à faire respecter la Charte [de la langue française] au travail et dans les commerces. Il fallait faire un portrait démolinguistique pour établir les bases pour les autres études. [...] S'il y a des décisions à prendre, elles appartiennent au niveau du politique et non pas à l'Office.»


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