Le français dans les médias - Amélioration ou déclin?

Tout dépend du point de vue.

Loi 101 - 30e anniversaire - Adoption de la loi 101

La qualité de la langue française dans les médias s'améliore-t-elle ou se détériore-t-elle? Posez la question autour de vous ou dans la rue et vous obtiendrez des réponses contrastées, voire contradictoires. Nous sommes souvent dans le domaine des perceptions. Quant aux études scientifiques sur le sujet, leurs conclusions sont rarement définitives.
Guy Bertrand, principal conseiller linguistique à Radio-Canada depuis 17 ans, scrute six heures par jour la langue utilisée en ondes. «Je constate une amélioration, affirme-t-il d'emblée. De façon générale, les gens dans la population s'expriment beaucoup mieux et ont une meilleure connaissance de la langue. Il suffit d'écouter des micro-trottoirs tournés dans les années 50 et 60 pour se rendre compte à quel point les gens s'exprimaient difficilement. À cette époque, le décalage était énorme entre la langue de la population et celle de Radio-Canada. Ce décalage n'existe plus.»
Radio-Canada a adopté un niveau de langue plus familier dans les années 1970, rappelle-t-il. «Le ton radio-canadien devenait trop élitiste. Si on avait conservé le ton des années 50, plus personne ne nous écouterait aujourd'hui!» Mais, ajoute-t-il, peut-être y a-t-il maintenant un excès de familiarité, «ce qui n'a toutefois rien à voir avec la qualité de la langue, fait-il remarquer. On peut être vulgaire et déplacé, et parler un français impeccable...».
Mais peut-on vraiment mesurer l'évolution de la qualité de la langue? En 1998, un sondage de l'Office de la langue française (OLF) démontrait que les Québécois se partageaient à égalité entre ceux qui croyaient que la langue s'améliorait à la télévision et ceux qui pensaient qu'elle se détériorait. À l'époque, près de 40 % soutenaient qu'elle s'était dégradée à la radio et 80 % affirmaient que la situation était restée la même dans les journaux ou s'était améliorée.
Il y a deux ans, l'OLF publiait une étude réalisée par Kristin Reinke sur la langue parlée à la télévision québécoise. Dans son introduction, l'auteure fait état de plusieurs études effectuées au cours des années 1990 qui témoigneraient d'une dégradation de la langue, particulièrement dans les médias électroniques. Mais elle cite aussi des chroniqueurs qui font part de leur perception, ce qui n'est pas nécessairement une analyse scientifique.
En mars 2003 avait été créée une «table de concertation sur la qualité de la langue dans les médias». Cette structure, qui relevait du ministère de la Culture et des Communications, avait été mise en place à la suite du rapport Larose, qui en faisait la recommandation.
La table de concertation comptait neuf membres, issus de différents médias. En décembre 2003, elle remettait son rapport. Celui-ci indique que les études, lorsqu'elles existent, portent surtout sur les médias écrits et concluent généralement à une «amélioration» ou à une «certaine amélioration» de la qualité de la langue écrite. De plus, les études indiquent que les médias écrits québécois et français sont «comparables».
Le diagnostic est toutefois «plus difficile à poser dans le cas des médias électroniques». La langue parlée à la radio et à la télévision fait l'objet de critiques sévères, écrivent les membres de la table de concertation, mais la situation est la même en France.
Pour expliquer le problème, le groupe énumérait certains facteurs, comme la disparition de postes de formateurs et de réviseurs dans les médias, mais deux d'entre eux retiennent particulièrement l'attention: l'importance de plus en plus grande des nouvelles en direct, ce qui multiplie les risques de dérapage linguistique, et le recours à des vedettes et des humoristes pour animer les émissions, plutôt que des journalistes, ce qui laisserait l'impression, dans le public, d'une dégradation de la langue télévisuelle.
Ces deux facteurs sont repris dans l'état de la situation préparé par Kristin Reinke, qui en ajoute un autre: le fait que les journalistes n'aient pas toujours la formation linguistique adéquate et qu'ils doivent souvent s'improviser traducteurs de dépêches rédigées en anglais.
Dans leur rapport, les membres de la table de concertation faisaient plusieurs recommandations, qui se résumaient surtout à un travail de sensibilisation auprès des médias eux-mêmes ainsi qu'auprès des collèges et universités pour qu'ils offrent une solide formation linguistique aux futurs journalistes et communicateurs.
La table de concertation a parrainé plusieurs initiatives: création d'un service d'assistance gratuit de l'OLF à l'intention des médias (le service «Immédi@t»), création d'un outil de perfectionnement à l'Université de Sherbrooke, liste d'outils linguistiques regroupés dans Internet, etc.
Le groupe a terminé son travail en 2006 en organisant un concours de rédaction journalistique destiné aux jeunes ainsi que trois débats publics sur la qualité de la langue dans les médias.
Pourquoi avoir mis fin aux travaux? «Je crois que notre travail de sensibilisation a été fait», répond Robert Goyette, patron du Sélection du Reader's Digest au Québec, qui présidait la table. Non pas parce qu'il n'y a plus de travail à faire (le groupe s'inquiétait particulièrement de la relève, tant à cause des nouveaux journalistes qui sortent des écoles que de la mise à la retraite des réviseurs). Mais parce que ce sont les médias eux-mêmes qui doivent maintenant prendre le relais et promouvoir une langue de qualité.


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