Le français au travail: passe-droit pour 60 entreprises

Crise linguistique au Québec 2012



Francis Vailles LA PRESSE - Bombardier Aéronautique n'est pas la seule à disposer d'un statut spécial permettant à ses employés de travailler en anglais au siège social. Une soixantaine d'entreprises au Québec comptant des milliers d'employés ont obtenu le même type d'entente, a appris La Presse.
Ces entreprises travaillent dans des secteurs aussi variés que l'industrie du transport, le secteur pharmaceutique ou celui des logiciels. Elles ont obtenu une dispense de se conformer à l'ensemble des dispositions de la loi 101 entre 2006 et 2011. La moitié d'entre elles a renouvelé l'entente au cours des trois dernières années et l'autre moitié est actuellement en négociations avec l'Office québécois de la langue française (OQLF), qui régit ces ententes.
Ces dispositions particulières sont accordées par l'OQLF lorsque le contexte de travail ne permet pas aux entreprises de généraliser l'utilisation du français sur les lieux de travail et d'atteindre l'objectif de la loi 101. Elles visent les centres de recherche et le siège social d'entreprises transnationales. Les ententes sont renouvelables tous les cinq ans.
Au total, 71 entités regroupées dans environ 60 sociétés disposent actuellement d'une entente spéciale avec l'OQLF (une même entreprise compte parfois deux entités admissibles, soit un centre de recherche et un siège social, d'où l'écart entre les deux chiffres).
Certaines ententes demeurent secrètes
La Presse a demandé avec insistance la liste de toutes les entreprises qui bénéficient d'une telle entente et le nombre d'employés concernés dans chaque cas. L'OQLF nous a plutôt fourni une liste partielle portant sur les organisations qui ont renouvelé leur entente dernièrement, et le nombre total d'employés de ces sociétés.
L'OQLF refuse de nous dévoiler le nom des firmes qui sont en négociation pour renouveler leur statut spécial. «C'est une question d'équité envers les entreprises avec qui nous travaillons», nous a dit le porte-parole de l'OQLF, Martin Bergeron.
Selon M. Bergeron, «peut-être que les ententes ne sont plus nécessaires dans certains cas. Il est possible que certaines entreprises ne répondent plus aux critères d'admissibilité», a-t-il expliqué.
L'Office ne veut pas davantage nous indiquer le nombre d'employés visés pour chaque entreprise, puisque ce nombre figure dans les ententes, qui sont confidentielles.
En somme, 36 entités regroupées dans 30 entreprises ont renouvelé leur entente particulière dernièrement. Ces ententes visent 7556 employés. Les 35 autres entités nous seront dévoilées au fur et à mesure de la conclusion des négociations.
Les ententes sont entérinées par le conseil d'administration de l'OQLF, qui se réunit huit fois par année. En plus de sa présidente, Louise Marchand, le conseil est formé de Daniel Boyer, de la FTQ, de Monique C. Cormier et de Marc Termotte, de l'Université de Montréal, de Jacques Gosselin, sous-ministre, et des dirigeants d'organisation Gordon Bernstein (Bernstein Delambre), Gilles Dulude (Synergroupe) et Marie Gendron (Fondation Lucie et André Chagnon).
Les statuts spéciaux ont commencé à être accordés en 1981. En 2002, l'OQLF a eu pour mandat de renégocier ces ententes particulières, qui se chiffraient alors à 155. Leur nombre a reculé à 69 en 2006 et est maintenant de 71.
Avant les Fêtes, La Presse a dévoilé que Bombardier Aéronautique disposait d'un tel statut. L'entente signée en 2006 est toutefois en renouvellement et ne figure donc pas sur la liste fournie par l'OQLF (seule Bombardier Transport, la filiale qui fabrique du matériel ferroviaire, y est inscrite).
L'entente de 2006 de Bombardier Aéronautique vise 2454 employés. Elle permet notamment aux employés de son siège social de Dorval d'utiliser exclusivement l'anglais, ce dont certains employés se sont plaints à La Presse. Dans son entente renouvelée, Bombardier Aéronautique veut ajouter 1568 employés dans sa «zone libre» du français, pour en faire passer le total à plus de 4000.
L'élargissement de l'entente s'explique par le nouveau centre de développement de produits (CSeries, Learjet, etc.), qui fait appel à des ingénieurs de partout dans le monde. Ces 4000 employés de Bombardier Aéronautique s'ajouteraient donc aux 7756 de la liste que nous a fournie l'OQLF.



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