Voix publique

Le faux débat sur le "nous" québécois

Le multiculturalisme et ses dérives

Pas moyen de prendre une semaine de vacances à Paris sans que la chicane prenne sur la Commission Taylor-Bouchard sur les accommodements raisonnables!
Gérard Bouchard s'est fait varloper pour ses propos sur le "pauvre" peuple qui regarde TQS ou TVA et ne comprend rien. Pauline Marois disait vouloir réhabiliter le "nous" québécois, tandis que Mario Dumont veut une constitution québécoise. Bref, tout ce beau monde ramène le problème à une question d'"identité québécoise". Quelle erreur!
Un petit voyage à Paris leur ferait voir les choses autrement. Dans le métro, sur la rue ou dans les commerces, je n'avais jamais vu autant de femmes voilées ou portant le niqab.
Le niqab, c'est le dernier stop avant la cage de la burqa. Le niqab couvre la tête et le visage d'un voile noir avec une petite fente pour les yeux et est porté avec une robe noire cachant tout le corps.
Des niqabs, j'en ai vus des somptueux sur des épouses de musulmans riches sur les Champs-Élysées et des plus modestes sur des femmes moins fortunées.
Je n'oublierai jamais cette femme en niqab et portant aussi un polar épais en-dessous, dans un RER, un jour où il faisait 30 degrés Celsius, avec son mari et ses deux fils confortables, eux, en chemises d'été. Cette femme était affalée dans son siège, ses yeux trahissant l'épuisement et la chaleur qu'elle endurait dans son accoutrement.
J'étais bouleversée de voir autant de femmes voilées ou en niqab. Ma dernière fois à Paris, dans les années 90, avec une population arabe déjà nombreuse,
je n'avais rien vu de tel. La montée du fondamentalisme religieux, musulman ou autre, n'est pas une lubie. Même en France, un pays républicain et laïque...
PAS QU'UNE QUESTION DE FEMMES
Mais si on parle ici du voile, timidement, en termes d'égalité hommes-femmes, leur présence croissante témoigne d'un problème qui transcende cette seule question et cette seule religion.
Ce problème est POLITIQUE et ne concerne pas l'"identité québécoise" en soi non plus. C'est un problème en Occident et ailleurs.
LE problème est l'entrée des fondamentalistes religieux dans l'espace public et la lutte de pouvoir très politique qu'ils mènent. Une lutte menée par des leaders religieux se servant des constitutions et des chartes de droits, de la reconnaissance juridique de la "liberté" de religion, pour imposer des valeurs contraires à celles établies par les sociétés modernes.
Bel outil que ces chartes entre les mains de ceux qui prétendent aussi au monopole de l'interprétation du Coran, de la Torah ou autre texte, qui se réclament d'un "droit divin" d'imposer un code vestimentaire et de contrôler des vies tout en exigeant que les sociétés occidentales "accommodent" le tout.
D'où le frisson lorsque j'ai entendu Gérard Bouchard dire que "plusieurs voient bien que les communautés culturelles entendent maintenir leur culture, l'affirmer, la déployer, notamment leur RELIGION, des choses qui sont normales, qui sont parfaitement légitimes."
DÉPLOYER SA RELIGION?
Pardon? Il serait légitime de déployer une RELIGION dans la sphère publique? Au secours! Lorsque la religion prend une dimension politique, ce qui va pour les fondamentalistes de tout acabit, chrétiens ou non-chrétiens, comment peut-on dire une telle chose?
Je le répète. Derrière un débat qu'on nous présente comme portant sur l'intégration et l'identité québécoise se cache une lutte de pouvoir pour imposer des valeurs antidémocratiques, qui participent aussi du contexte international actuel.
Les voiles ne sont que la pointe visible de règles décidées et imposées par des leaders religieux visant à occuper l'espace public dans des sociétés démocratiques.
Pourtant, PERSONNE ne doit être forcé de suivre des règles qui n'ont pas été décidées par des instances démocratiques. Et qu'on ne dise pas que le niqab ou la burqa est un choix et non un signe de la montée des fondamentalistes, les mêmes qui ont l'audace de culpabiliser ceux qui s'opposent à leur avancée.
Mais il y a un autre problème politique. Au Canada et aux États-Unis, les religions jouissent d'une grande protection. Les textes fondateurs reflètent une idéologie de protection de LA religion et DES religions.
Et en ce moment, ces pays sont gouvernés par deux hommes qui puisent leur modus operandi dans leur propre appartenance à leurs églises. Leur préjugé favorable aux religions est réel.
Sur qui pourra-t-on compter pour expliquer aux citoyens que derrière la prétention d'exercer des "libertés" religieuses se cachent parfois des valeurs antidémocratiques, qui transcendent les frontières et n'ont rien à cirer des "identités" nationales, quelles qu'elles soient?
Le "nous" à protéger n'est pas québécois. Il est universel.


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