L'impossible multiculturalisme québécois

Le multiculturalisme et ses dérives

Face à la publication cette fin de semaine du dossier portant sur le multiculturalisme canadien, il est évident que le débat sur cette épineuse question est loin d’être terminé. Le but de l’immigration en terre d’accueil, c’est de faire société avec les nouveaux arrivants et ce n’est pas en les isolant que nous y parviendrons, mais plutôt en les intégrant aux valeurs communes. C’est un fait : la majorité des immigrants quittent pays et famille pour de meilleures conditions de vie. Paradoxalement, on remarque, par le biais du dossier en question, que le modèle canadien invite les nouveaux arrivants à s’intégrer d’une manière tout à fait différente, c’est-à-dire de reproduire intégralement les habitudes antérieures, qu’elles soient religieuses, politiques ou sociales. De ce fait, face à cette contradiction fondamentale entre les principaux objectifs de l’immigration et la façon de faire canadienne, il est à se questionner quant aux conséquences que peut apporter le modèle canadien à la société d’accueil. Le modèle ainsi prôné au Canada découle essentiellement de l’idéologie multiculturaliste instaurée il y a maintes années et son application dans des villes comme Toronto démontre bien la vocation de laboratoire utopiste du multiculturalisme.
Alors que le principe même de l’idéologie du multiculturalisme version Trudeau est de prôner la tolérance et l’universalisme du genre humain, notamment en proposant l’absence d’une culture dominante, on remarque que la méthode canadienne échoit considérablement au principal objectif, c’est-à-dire créer de toutes pièces une mosaïque canadienne qui ne se heurte pas aux différences culturelles. Échec considérable puisque l’on assiste à une ghettoïsation grandissante des populations, cherchant éminemment à se retrouver en communion avec des semblables, des individus ayant les mêmes antécédents. Ainsi, alors que le multiculturalisme trudeauiste tendait à l’universalisme, on perçoit plutôt un retour au tribalisme, c’est-à-dire que le Canada, en pensant s’émanciper des appartenances historiques, se voit plutôt caractérisé par un retour des régressions ethniques. L’exemple de la ville de Vaughan, cité par Lisa-Marie Gervais, révèle bien cette ghettoïsation des minorités visibles. En effet, elle mentionne notamment que « ce phénomène de peuplement des banlieues par de petites « poches » de minorités visibles n’est pas unique […] ».
Certes, le projet de bâtir une société multiculturelle parait emballant, mais pour qui? Qui peut être contre le projet de bâtir une terre d’accueil où tout le monde peut vivre comme il le souhaite? Forcément, il ne s’agit pas de la bonne stratégie; Il est indispensable d’avoir, au sein d’une société d’accueil, des valeurs communes et des objectifs communs. Au Québec, par exemple, nous retrouvons la laïcité, l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que la primauté du Français. Vouloir partager ces valeurs communes avec les nouveaux arrivants, ces néo-Québécois, ce n’est pas un geste que l’on peut qualifier de raciste ou même de xénophobe, loin de là, c’est plutôt une question de respect et d’affirmation de soi. Il s’agit, purement et simplement, d’une question d’intégration. C’est tout le contraire de l’aplaventrisme qui ne donne qu’un seul résultat, soit la ghettoïsation des immigrants, favorisant bien sûr les enclaves ethniques et l’exclusion sociale. Rien ne sert de favoriser une attitude qui divise, prônons plutôt l’imbrication. Il s’agirait, finalement, de faire société commune. Dans un tel cas, pour être une figure de proue dans l’accueil des immigrants, il faut démontrer une identité forte et fière : une identité basée sur l’histoire nationale et une langue commune servant à lier légitimement l’arrivant à sa société d’accueil.
Au cours de ce cheminement, il est possible de constater une fissure de plus en plus radicale entre le Québec et le Canada quant au modèle d’intégration des nouveaux arrivants. L’idéologie multiculturaliste s’opère comme un changement frappant du concept de démocratie, et ce partout en Occident depuis les années 1960, notamment en usurpant le pouvoir des majorités face aux populations minoritaires. Pourtant, le concept de démocratie ne prétend il pas au pouvoir du peuple, par le peuple. De plus, comment peut-on aspirer à une société distincte, alors que l’idéologie multiculturaliste vise l’universalisme? C’est de par son nationalisme, ancré dans une histoire de quatre siècles, que le Québec ne peut aucunement aspirer au multiculturalisme comme modèle d’intégration, d’une part, et comme idéologie, d’une autre. Enfin, si la société d’accueil se doit de jouer un rôle prépondérant dans l’intégration de ses nouveaux arrivants, ces derniers ont pour vocation de rejoindre culturellement cette société qui les accueille.
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Tania Longpré, professeure de francisation aux immigrants à l’éducation des adultes
Julien Bergeron, étudiant en science politique à l’Université de Montréal


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 juin 2010

    Voilà, je suis immigrante parfaitement intégrée. Nous sommes venus avec ma famille parce qu'on nous a promis rien de moins que le paradis, et le plus beau de tout ça était qu'on ne nous demandait rien en retour. C'est un bon marché, non?
    Je croyais que je devais m'intégrer à une seule société, celle du Québec. J'ai piqué une méchante débarque. Finalement, je dois sans cesse tenter de m'ajuster à des centaines de cultures différentes à temps supplémentaire.
    Je n'en peux plus! Je dois constamment me retourner la langue dans la bouche pour m'assurer de ne pas me faire traiter, au mieux, de xénophobe ou de raciste et au pire d'ignorante ou de primitive. Mes droits sont bafoués, simplement parce que je ne suis ni Cambodgienne, ni noire, ni catholique, ni lesbienne. Je n'ai pas de droits parce que je suis blanche et athée, et je suis en plus une cible facile pour toute personne faisant partie d'une minorité lorsqu'on cherche à blâmer quelqu'un lors d'un refus d'accommodement (souvent abusif).
    Je suffoque dans cette société où on nous invite à tolérer les intolérants. Le Canada a réussi à bien nous duper. Maintenant, multipliez mon expérience par le nombre d'immigrants qui arrivent chaque année à qui cette fausse publicité a été vendue. Pour ma part, je songe à quitter le pays - mes nerfs n'en peuvent plus.
    Se demande-t-on encore pourquoi les immigrants se cantonnent dans des ghettos? Pourtant, c'est fort simple: ce n'est ni un refus de s'intégrer à la société Québécoise ni un attachement trop étroit à sa culture d'origine. C'est simplement un choix sensé, celui de ne s'intégrer qu'à une seule culture plutôt que de tenter de rendre heureuses chacune des nationalités composant la population du pays. À défaut de trouver la culture québécoise (en voie d'extinction), les gens restent sagement dans leurs ghettos. Pouvez-vous le leur reprocher?
    Croyez-moi, les immigrants seraient en majeure partie heureux si on leur proposait de s'intégrer au Québec et ils le feraient avec plaisir. Mais ce n'est nullement ce qu'on leur offre. Cherchez l'erreur...

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juin 2010

    Le multiculturalisme est le prêchi-prêcha justifiant l’industrie de l’immigration au Canada. L’inter-culturalisme n’est pas autrement qu’un prêchi-prêcha québécois prétentieux, justifiant une industrie de l’immigration qui serait distincte, supposément, de celle du Canada.
    La différence observable aujourd’hui entre le Canada et le Québec, cette différence n’est pas attribuable à l’inter-culturalisme. C’est simplement une question de degré et d’intensité à l’arrivée de nouveaux arrivants, ainsi que la persistance de ceux-ci à demeurer au Québec qui est en cause.
    Il manque simplement du temps avant que ce qui est observé au Canada le soit aussi au Québec.
    Les mêmes causes (immigration) produisant les mêmes effets, nous nous abusons en pensant qu’un peuple peu nombreux comme le nôtre, réussira là où des peuples bien plus nombreux que Nous n’y sont pas parvenus, ni n’y parviennent encore. D’autant que notre peuple n’est pas véritablement maître de toutes ses politiques.
    Les seuils d’immigration doivent être abaissés impérieusement et radicalement. Autrement, Nous finançons nous-mêmes avec nos argents notre propre disparition collective.
    La formule n’est donc pas l’intégration ou l’assimilation. Ce serait plutôt l’intégration ET l’assimilation rapide.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 juin 2010

    Le multiculturalisme Canadien ne peut que crée des ghetto.
    L'interculturalisme Québécois est un modèle beaucoup plus inclusif. On ne demande pas au nouvel arrivant de renoncé à ce qu'il est. Mais on lui demande d'adhérer à nos valeur et notre langue commune pour qu'il puisse inclure sa culture à notre grand tout collectif.
    La société Québécoise en est une d'immigrants et de métis. La race pure n'existe pas chez nous.
    Soyons ouvert sur les autres et faisons respecté ce que nous somment collectivement au Québec.
    Des intégrateur et non des assimilateurs.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 juin 2010

    Il est clair que le Québec est, fondamentalement, l'antithèse du Canada au point de vue du modèle d'intégration.
    Comment résumer tout ça en quelques mots:
    "Pour que l'intégration fonctionne, les immigrants doivent devenir des Québécois."
    Sans cette cohésion sociétale, le Québec périra avec tout ce qu'il reste de l'Amérique Française.