Le discours de Dumont séduit

Le discours musclé du chef de l'ADQ, Mario Dumont, a-t-il la cote auprès des Québécois? Selon un sondage CROP - La Presse, il semble que oui.

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Immigration - capacité d'accueil


(Archives La Presse) - Le kirpan à l'école, un YMCA aux vitres teintées, des cours prénataux interdits aux hommes... Depuis des mois, les accommodements raisonnables sont au coeur de l'actualité. À tel point qu'ils ont pris une place inattendue dans les dernières élections provinciales. Le discours musclé du chef de l'ADQ, Mario Dumont, a-t-il la cote auprès des Québécois? Selon un sondage CROP - La Presse, il semble que oui.



Le débat autour des accommodements raisonnables préoccupe les Québécois: les trois quarts d'entre eux craignent que ces pratiques ne «dérapent et ne deviennent hors de contrôle», montre un sondage réalisé par CROP pour le compte de La Presse. Seulement 22% n'en sont pas inquiets.
De fait, le sujet des accommodements touche une corde très sensible puisque six Québécois sur 10 se disent beaucoup ou assez préoccupés par la question. «Ce sont des chiffres très forts», constate le vice-président de CROP, Claude Gauthier.
Et ce n'est pas la commission Bouchard-Taylor qui va régler ce problème, estiment les répondants. La moitié d'entre eux croient que la consultation orchestrée par le tandem d'intellectuels ne parviendra pas à «dissiper le malaise» face à la question des accommodements raisonnables. Seulement 28% des répondants sont persuadés, au contraire, que MM. Bouchard et Taylor réussiront à apaiser les tensions autour de cet enjeu. Les intéressés ont refusé de commenter les chiffres de notre sondage.
Le sondage démontre également que le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, continue de surfer avec succès sur l'inquiétude de la population face aux accommodements. Presque la moitié des répondants (46%) ont indiqué qu'ils croient que M. Dumont «agit de façon responsable en exprimant l'inquiétude des Québécois au sujet de l'immigration». Au contraire, 38% estiment «qu'il exploite l'inquiétude des Québécois au sujet de l'immigration à des fins purement partisanes».
Claude Gauthier note que les gens qui voient d'un oeil favorable les déclarations de M. Dumont ne sont pas nécessairement des partisans de l'ADQ. En effet, les répondants se divisent à peu près en trois parts égales quand on leur demande quel chef de parti exprime leur point de vue sur les questions d'immigration, un peu à l'image des résultats des dernières élections.
Cependant, une partie des répondants qui s'identifient à la chef du Parti québécois, Pauline Marois, ou au chef libéral, Jean Charest, sont d'accord pour dire que les craintes exprimées par M. Dumont sont légitimes.
«Ces chiffres donnent une idée du rayonnement de M. Dumont. Il ratisse très large. Même si ces gens-là ne votent pas nécessairement pour lui, ils trouvent qu'il a raison. Il est vraiment au diapason de la société là-dessus», dit M. Gauthier.
Une majorité de répondants (56%) est également d'accord avec le chef de l'Action démocratique pour dire que le Québec ne peut accueillir plus d'immigrants que les 45 000 qu'il reçoit chaque année; 48% des gens croient que ce nombre devait demeurer le même. Voilà, somme toute, d'excellentes nouvelles pour le chef adéquiste.
D'autres, cependant, jugent ces résultats plus inquiétants. «Voilà le dommage collatéral épouvantable du traitement sensationnaliste de l'immigration. Après un an de chasse à l'accommodement raisonnable, on a transposé ça à l'immigration. L'inquiétude n'est plus quant aux minorités religieuses, mais quant à l'immigration», note Marie McAndrew, titulaire de la chaire sur la diversité ethnique de l'Université de Montréal.
Une commission inutile?
Mme McAndrew ne croit pas, elle non plus, que la commission Bouchard-Taylor va parvenir à établir un consensus social sur l'immigration ou les accommodements. «On est dans un bordel conceptuel. Je ne sais pas comment on va défaire ce pattern. Ça ne se fera pas nécessairement en écoutant des mémoires», dit Mme McAndrew. Elle craint que la Commission ne se transforme en «défoulement collectif».
«On dirait que la population se réveille et s'aperçoit qu'il y a des immigrés au Québec», s'étonne Stéphane Reichold, de la Table de concertation sur les ressources en immigration. Seul effet positif: les projecteurs seront peut-être braqués sur l'insuffisance des ressources en matière d'intégration des immigrés, dit M. Reichold.
«On a 30 ans de retard sur le reste du Canada dans notre réflexion collective sur l'immigration», soupire François Crépeau, expert en droit de l'immigration à l'Université de Montréal, qui déplore l'accusation d'élitisme dont on a accablé les deux présidents de la commission Bouchard-Taylor. «En matière d'immigration, on se méfie des experts. Or, c'est un domaine très complexe», conclut-il.
Le sondage CROP-La Presse a été réalisé du 17 au 20 août 2007 auprès de 601 Québécois. Il est précis à quatre points près, 19 fois sur 20.


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