La Cour suprême du Canada vient d’invalider la loi 104, adoptée unanimement par l’Assemblée Nationale en 2002 qui visait à fermer une brèche en amendant la loi 101 concernant l’accès à l’école anglaise. Ce jugement est inacceptable et doit être contré car au delà de ses effets sur la situation fragile du français au Québec, il pose la question de la légitimité de la loi constitutionnelle de 1982 et des pouvoirs de notre Assemblée Nationale !
La Cour suprême reconnaît que les enfants résidant au Québec, anglophones, allophones et francophones pourront avoir accès à l’école anglaise, en autant qu’ils se paient un séjour dans des écoles privées de langue anglaise. La Cour se permet même de réprimander notre Assemblée Nationale, déclarant les moyens mis en place par la loi 104 "excessifs" et "draconiens", ce qui est un jugement politique sur la question. Nous soutenons, au contraire, que seule l’Assemblée Nationale, élue par le peuple québécois, doit pouvoir décider des moyens requis pour protéger le fait français au Québec.
Nous sommes donc en présence d’un choc entre deux légitimités. La Cour Suprême s’appuie sur l’article 23 de la Charte des droits et libertés, adoptée par le parlement fédéral dans la loi constitutionnelle de 1982. C’était là le "changement", que Pierre-Elliott Trudeau avait promis aux québécois la veille du référendum de 1980. Or, ce "changement" était tout le contraire de ce que souhaitait la majorité des Québécois. Le Devoir du 6 novembre 1981 titrait d’ailleurs "Rapatriement de la Constitution canadienne : le Québec exclu et isolé".
La loi constitutionnelle de 1982, ainsi que la Charte des droits, résultait d’une entente entre les neuf provinces anglophones et Ottawa, adoptée unilatéralement, d’une manière coloniale, sans consultation de la population et sans l’accord de notre Assemblée Nationale et de notre gouvernement. Jusqu’à ce jour, la loi de 1982 et la Charte canadienne n’ont toujours pas été reconnues par aucun des gouvernements du Québec qui se sont succédés. Dans les faits, il s’agit d’une loi, adoptée par une autre nation, appliquée par la Cour Suprême d’une autre nation, pour contrer la volonté populaire de la nation québécoise et de son Assemblée Nationale légitimement élue.
Car on ne peut douter de la volonté du peuple et du gouvernement du Québec. Le 31 octobre 1969, nous étions plus de 50 000 devant l’Assemblée Nationale pour réclamer le retrait de la loi 63 qui établissait le libre choix de la langue d’enseignement suite à la crise linguistique de St-Léonard. En 1974, le gouvernement Bourassa adoptait la loi 22 qui restreignait l’accès à l’école anglaise. En 1977, le Gouvernement Lévesque adoptait la loi 101, qui recevait et reçoit toujours un appui massif de la population.
Nul mieux que l’éditorial du Globe and Mail du vendredi 23 octobre n’exprime ce conflit entre deux légitimités nationales. Il vaut la peine de le citer dans la langue de Shakespeare: "The Supreme Court crafted an artful, admirable and unanimous compromise yesterday on English-language schooling for immigrant children. Like all such minority-schools cases, it hearkens back to the original compromises on which Canada was founded. To listen to the attacks on the decision, from sovereigntists and, worse, from Quebec’s Liberal government, one might conclude that Canada itself is an impossible notion."
Eh bien oui, le Canada tel que conçu de l’extérieur du Québec est impossible car il ne respecte pas notre droit et notre volonté de faire respecter notre langue et notre culture chez nous. Nous n’avons que faire des leçons de gens qui ont la mémoire courte, oubliant la suppression systématique de la langue française des écoles de l’ouest canadien et d’Ontario au début du siècle dernier. Une fois les francophones bien minorisés presque partout au Canada, on peut se permettre d’évoquer un soi-disant compromis sur lequel le Canada aurait été fondé, compromis qui n’a jamais existé.
La longue marche du Québec qui a mené à la loi 101 ne peut être contrée par le Gouvernement et la Cour suprême d’une nation qui a imposé sa loi constitutionnelle au Québec unilatéralement, sans son consentement. Le gouvernement du Québec doit faire respecter les décisions et les lois de l’Assemblée Nationale en étendant les dispositions de la loi 101 à l’ensemble des écoles et des collèges du Québec, publiques ou privées. Il doit refuser tout permis aux écoles qui ne se conformeraient pas à ces dispositions.
Cet épisode est un de trop! Il souligne l’urgence de doter le Québec de sa propre constitution nationale pour remplacer la constitution canadienne, constitution d’une autre nation. C’est bien sûr, une autre façon de définir la souveraineté qui seule peut nous assurer que jamais plus une loi extérieure ne soit imposée sans son consentement à la nation québécoise.
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Par Gilbert Paquette, Ercilia Palascio-Quentin, Florent Michelot, Louis Larochelle, Jocelyne Couture, Philippe Leclerc, Simon-Pierre Savard-Tremblay, Micheline Labelle
Membres du Conseil des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
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