Dossier de la langue française

Le délitement du bassin linguistique - 1

Ou quand nous nous contredisons jusqu'à nous mettre en face de l'inévitable

Tribune libre

D’aucuns prétendent que les élites nous ont trahis quant au statut de la langue française et de la place qui lui sera éventuellement réservée à l’avenir. Nous avons plus d’une raison de nous inquiéter et nos craintes collectives sont légitimes. À ce sujet, nous sommes reconnaissants du lourd tribut et du travail de l’activiste infatigable Charles Castonguay. De nombreuses personnes et organismes militent pour une réappropriation pleine et entière du destin français du Québec.
Il nous faut nous rendre à l’heure des décisions politiques à prendre. En 1977, le terrain avait été déblayé pour entreprendre la fresque dans l’imaginaire collectif que fut la loi 101. Nous venions de connaître des crises et une certaine poudrière linguistique à Saint-Léonard notamment, où des Italo-Canadiens refusaient d’envisager l’avenir autrement qu’à l’école anglaise. Avec raison, une partie de l’opinion québécoise s’était saisie de l’onde de choc ressentie.
Nous utilisons à l’occasion l’expression « vache sacrée » pour identifier des éléments de notre patrimoine collectif et politique, le plus souvent un héritage de la Révolution tranquille. Pour y revenir souventes fois, nous soulignons la nécessité de réactualiser les apports des éléments de cette dernière période. Parfois maladroitement, nous osons défier l’importance de la loi 101. Chose certaine, une fois que cette loi fut adoptée, nous n’étions désormais plus les mêmes et ne concevions plus le cadre politique québécois de la même manière.
Aujourd’hui même, nous sommes à un tournant de l’histoire collective du Québec tel que nous le connaissons dans ses moindres contours. De date encore récente, nous négocions la place du français et l’apport de l’anglais au projet de société que se donne le Québec. Aux prises avec cette illusion d’un bilinguisme obligatoire français-anglais, les Québécois-es se méprennent sur les moyens d’action à prendre. Consacrer le statut de l’anglais, prolonger son influence, sa marque et poursuivre cette assimilation lente, telle est l’erreur à ne point faire.
Politiquement, nous avons à prendre des mesures. Tout autant le français s’impose d’emblée dans une perspective d’éducation supérieure, nous sommes toutefois enclins à jeter du lest en faveur de l’anglais. Ce n’est point le temps de reculer, de revenir à cette condition de précarité permanente. Nous devons pérenniser une éducation supérieure viable en français, en même temps que nous devons nous dédier à l’apprentissage du français du primaire à l’université et à l’école de la vie.
En aucun temps, il n’est question de l’anglais. Nous évoquons l’ordre des langues pérennes et jusqu’à nouvel ordre, ici même au Québec, c’est le français. Or, dans le cas qui me concerne personnellement, cette compréhension des choses ne va pas de soi. Comme personne sourde, j’ai vécu une éducation dans mon parcours scolaire qui m’a amené à envisager plusieurs prépositions contradictoires. Qu’il s’agisse de l’apprentissage du français, de la question de ma condition sourde et des moyens de communication empruntés, j’ai éprouvé la contradiction intrinsèque du modèle éducatif québécois.


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