Le Crucifix

"Ne pleurez pas sur moi!"

Tribune libre

Le débat sur la présence de symboles religieux dans les édifices publics, tout particulièrement de celui du «crucifix», m’inspire ces paroles de Jésus de Nazareth aux personnes qui pleuraient de le voir soumis à autant de souffrances sous le poids de sa croix: «Ne pleurez pas sur moi! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants!» (Luc 23, 28) Cette réponse, me semble-t-il, a de quoi faire réfléchir tous ceux et toutes celles dont la foi se réclame de ce Jésus et qui, dans certains cas, sont prêts aux combats les plus passionnés pour défendre les symboles religieux et tout particulièrement le crucifix. Certains en arrivent jusqu’à en pleurer.

Si Jésus lui-même n’a pas voulu que ses disciples et amis pleurent sur lui, mais plutôt sur eux-mêmes, c’est sans doute pour les inviter à prendre conscience des forces dans le monde qui rendent possible pareilles souffrances et injustices. Le monde vers lequel il dirige leurs regards est celui en qui le mensonge, les ambitions, les luttes de pouvoir, la cupidité font et feront tout au long des siècles des centaines de millions de prisonniers, de torturés, de morts. Tout cela se fera, le plus souvent, sous le regard indifférent des multitudes. C’est comme s’il disait qu’il n’est pas venu pour attirer sur lui les regards, mais plutôt pour que les regards se tournent vers ce monde dans lequel ils peuvent être tout à la fois les bourreaux et les victimes de ces bourreaux. « Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants! »

C’est justement de ce monde dont nous parlons sur Vigile et sur de nombreux autres sites internet. C’est avec ces préoccupations que, croyants et non croyants, se donnent la main pour que cette indifférence à l’endroit des vrais problèmes qui interpellent nos sociétés se transforme en un éveil de conscience et en actions de transformation. Si nos préoccupations, portant sur les symboles religieux en arrivent à nous faire oublier l’essentiel de la réalité qu’ils représentent, pas surprenant alors que le débat sur la laïcité et la religion occupe autant de place et soulève chez certains autant de passion.

Dans une réflexion, portant sur cette réplique de Jésus de Nazareth à ceux et celles qui pleuraient à le voir porter sa croix, j’écrivais ceci :

« Si nous sommes bouleversés par autant d’acharnement à frapper, à ridiculiser, à faire souffrir, n’oublions pas que nous portons tous quelque part en nous cette capacité de cruauté et de haine. Chaque peuple, chaque Église, chaque système politique, chaque classe sociale a son histoire d’horreurs. Le pouvoir religieux représenté par le grand prêtre Caïphe, le pouvoir politique représenté par le gouverneur Pilate, le pouvoir de la suffisance représenté par le roi Hérode ont toujours trouvé, hier et aujourd'hui, de bons motifs pour arrêter, torturer et assassiner. L’histoire récente de l’humanité est remplie de ces horreurs. Et tous y trouvent de bons motifs pour mobiliser les foules en leur faveur. »

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’être croyant « d’une religion » pour vivre intensément l’espoir d’un monde plus juste, plus vrai, plus solidaire et plus compatissant. Il suffit de croire que ce monde est possible et d’en être un artisan.

Oscar Fortin

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citoyen du Québec et du monde

Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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4 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    28 février 2010

    « Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! »
    Dans le contexte actuel, je ressentirais plutôt l'envie de pleurer sur les deux choses que voici:
    (a) malgré que l'on explique à certains que même si le crucifix n'est plus autant un symbole religieux qu'historique, et que nous avons bel et bien au Québec, la séparation entre l'Église et les affaires de l'État, il y en a pour continuer à demander que ce fameux objet faisant partie du décorum de notre Assemblée nationale disparaisse; soit de peur que cela dérange certains nouveaux arrivants, soit parce que la présence du dit objet, heurte leurs convictions personnelles (et tant pis pour ceux qui pensent différemment, qui ne possèdent pas le même niveau d'évolution qu'eux...);
    (b) certains québécois, face à au multiculturalisme que travaille à nous imposer Ottawa, ainsi qu'à l'attitude parfois très sectaire et intransigeante de certaines minorités (par ailleurs de plus en plus nombreuses), se sentent pressés d'effacer toute trace du passage de nos ancêtres et de notre culture traditionelle. Au profit de traces d'autres cultures, de plus en plus envahissantes, cependant. Car les autres, n'y renoncent pas à leurs symboles, eux.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2010

    Crucifix saguenéen :

    « "Question de valeurs et de morale!"-Jean Tremblay
    Procès contre la prière à Saguenay
    Le Réveil
    Actualités - Publié le 28 février 2010 à 09:00

    Le maire, Jean Tremblay, se battra jusqu au bout pour conserver la prière et les crucifix dans les salles de conseil. Il n entend pas baisser les bras et croit que les valeurs judéo-chrétiennes doivent se perpétuer. Il en fait le combat de sa vie.
    Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, avait convoqué les journalistes vendredi, pour faire le point dans le dossier de la prière au conseil municipal. Rappelons que les audiences, devant le tribunal des droits de la personne, ont repris cette semaine après six mois d’ajournement. Elles se sont terminées vendredi un peu avant l’heure de lunch.
    Jean Tremblay a tenu à dire qu’il s’agissait d’une question fondamentale pour lui. D’ailleurs, il n’a pas hésité à déclarer que c’était la bataille de sa vie. « C’est certainement le plus important dossier que j’ai eu à défendre depuis le début de ma carrière politique »!
    Le maire a dressé un constat général qui, à son avis, est plutôt triste. « Les Canadiens-français sont en train de perdre leur plus belles valeurs et ne s’en rendent pas compte. Rappelons-nous qu’à l’origine les premiers colons qui ont foulé le continent, sont arrivés avec leur crucifix [!!!] et leurs croyances », a-t-il pris soin de nous préciser.
    Ce qui désole le plus le maire Tremblay dans le processus de laïcisation, « C’est que ce sont des Canadiens-français qui font ça à d’autres. On se mange entre nous ».}} Jean Tremblay se questionne sur le système de valeurs qui prévaut dans la société québécoise. « Je me demande souvent où on s’en va collectivement. Les familles qui éclatent, la morale qui en prend un coup. Que veut-on au juste? On se cherche! »
    Le premier magistrat de la ville en a rajouté en dressant un parallèle avec les déclarations faites par Lucien Bouchard dans les derniers jours.
    « Avant de faire le combat pour la souveraineté, défendons nos principes, notre identité et notre langue que nous abandonnons, un peu plus à tous les jours ». ...
    Si le jugement n’est pas favorable est-ce-que le maire compte poursuivre la bataille? « J’irai jusqu’au bout! Je ne laisserai pas tomber soyez-en assurés. À mes yeux, c’est trop important pour qu’un jugement vienne mettre de côté nos valeurs. Les tribunaux ne peuvent pas nous dicter notre morale! »



  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2010

    Pour M.Morin, je voudrais lui confirmer que je suis croyant, que Jésus de Nazareth et son témoignage sont pour moi beaucoup plus qu'une inspiration, ils sont une source de vie. Ceci dit, je constate que la foi a été enveloppées de tellement de symboles tout au long des siècles que nous en avons perdu son originalité et sa signification. L'image qui me vient à l'esprit est celle de ces multiples couches de peinture appliquées à nos vieilles chaises et que nous décidons, un jour, de décaper. Ce n'est pas parce que nous enlevons toutes ces couches de peintures qui ont chacune une histoire, que nous faisons disparaître la chaise. Au contraire nous la redécouvrirons dans toute son originalité. et nous serons sans doute surpris d'y reconnaître le bois magnifique dont elle est faite.Une manière de dire que le décapage n'est pas la destruction de la chaise, mais sa redécouverte dans toute son originalité.Les anciens parlaient du retour au source.

  • Claude Gilbert Répondre

    28 février 2010

    Vous dites:
    "Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’être croyant « d’une religion » pour vivre intensément l’espoir d’un monde plus juste, plus vrai, plus solidaire et plus compatissant. Il suffit de croire que ce monde est possible et d’en être un artisan."
    Vous êtes donc un croyant, mais pas « d’une religion ». C'est très bien. On a besoin de citoyens qui ont des convictions.
    Il n'est pas nécessaire pour autant d'effacer les traces d'autres croyances qui vous paraissent moins valables que les vôtres. Comparaison n'est pas raison, mais je vous rappellerai que le monde a commencé de comprendre que les talibans d'Afghanistan étaient des fous furieux quand ils ont fait sauter à la dynamite les grandes statues du Bouddha dans ce pays, en 2001. Toutes proportions gardées, cela me fait beaucoup penser à l'urticaire que vous et M. Charbonneau vous faites à propos du crucifix.