Retraites

Le coup de la crise

Sécurité de la vieillesse - rupture d'un pacte social



On connaît maintenant les détails de la réforme de la Sécurité de la vieillesse (SV) que le premier ministre Stephen Harper avait en tête lors de son passage à Davos, en janvier. Même si elle n'entrera en vigueur qu'en 2027, cette réforme bouleverse déjà la perception qu'on se fait de la fin de la vie active. Surtout pour les salariés les moins bien protégés du système. Car pour les autres, rien ne va changer.
À l'heure actuelle, au Québec, les travailleurs autonomes prennent leur retraite en moyenne à 64,8 ans, soit beaucoup plus tard que les salariés. Parmi ces derniers, ce sont ceux du secteur public qui partent le plus tôt, soit à 58,2 ans en moyenne comparativement à 60,8 ans pour les salariés du secteur privé.
Bien sûr, le fait que les employés du public participent à des régimes à prestations déterminées (PD) explique l'âge précoce du départ. Mais même les travailleurs du privé, dont seulement 16 % ont un tel régime qualifié péjorativement de «doré», quittent leur emploi en moyenne quatre années plus tôt que les travailleurs autonomes. C'est dire qu'il y a certainement d'autres facteurs que le genre de régime de retraite pour expliquer la décision d'arrêter avant 65 ans.
Parmi ces facteurs, la reconnaissance et la satisfaction professionnelles, la charge de travail et la possibilité de continuer d'améliorer son sort viennent aux premiers rangs, souvent loin devant le montant brut du chèque de pension. Si les gouvernements et les entreprises voulaient vraiment que les gens travaillent plus longtemps, comme ils le crient sur toutes les tribunes, ils s'attaqueraient en priorité à ces facteurs au lieu de pousser leurs employés vers la sortie, comme c'est redevenu la norme.
La réforme de la Sécurité de la vieillesse est non seulement improvisée, mais elle est injustifiée financièrement puisqu'elle surviendra après le départ des baby-boomers. En repoussant l'âge d'admissibilité aux prestations du seul volet universel de notre système des pensions, Ottawa n'incitera personne qui en a les moyens mais qui a perdu le goût ou la capacité de travailler à attendre 67 ans.
En revanche, c'est vrai, il forcera certainement ceux qui dépendent de la SV et du Supplément de revenu garanti pour subvenir à leurs besoins à travailler deux ans de plus... ou à rester au chômage. Quel progrès pour cette société!
De plus, parce qu'elle n'affecte pas les baby-boomers, cette réforme attise les passions en faveur... de nouvelles compressions dans les programmes sociaux et de nouveaux reculs dans les régimes de retraite publics et privés. Qui en seront les victimes? Encore une fois les jeunes générations qui devront se contenter de régimes à cotisations déterminées et de régimes dits «volontaires» auxquels les employeurs n'auront pas contribué sous prétexte de crise économique. Crise de laquelle les entreprises, les banques et leurs actionnaires sont pourtant sortis depuis longtemps, plus riches que jamais.
Comme à chaque récession, nous assistons à une attaque en règle contre les programmes sociaux et les salariés en général. Cette fois, à la faveur des taux d'intérêt très bas et de la «volatilité» des marchés, ce sont les régimes de retraite qui sont dans la mire des entreprises et des gouvernements. Or, malheureusement, une fois la situation redevenue normale, ceux qui auront cédé leurs droits ne les retrouveront plus. C'est ce qui s'appelle se faire faire le «coup de la crise».


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