Le complexe de l'opprimé

Élection fédérale 2008 - le BQ en campagne



Chaque élection, tant au fédéral qu'au provincial, se transforme au Québec en une surenchère sur la «défense des intérêts du Québec». L'utilisation à tout propos, sans fondement, de cette formule usée m'irrite de plus en plus.
Le Parti québécois et le Bloc québécois en ont fait leur marque de commerce dès leur naissance. Les fameux «intérêts du Québec» ont effectivement été bradés à diverses occasions par Ottawa dans l'histoire du Canada, et le PQ a poussé le sentiment nationaliste des Québécois francophones jusqu'à leur proposer de créer leur propre pays. Entre-temps, toutefois, comme les partis nationalistes qui l'ont précédé, notamment l'Union nationale, il promettait d'être un farouche défenseur du Québec. Les Québécois étant minoritaires au pays sur le plan de la langue et de la culture, qu'ils ont toujours senties menacées, l'exploitation du sentiment nationaliste contre des attaques réelles ou seulement virtuelles a été bonne vendeuse.
La «défense des intérêts du Québec» s'est inscrite au fil des ans dans la grille d'analyse inconsciente des électeurs, pour le choix d'un chef de gouvernement et du parti à porter au pouvoir. C'est ainsi que le Parti libéral du Québec s'est retrouvé en concurrence directe avec le PQ sur ce terrain. Robert Bourassa, de 1970 à 1976, et ses successeurs à la tête du PLQ ne savaient plus quoi inventer pour paraître d'aussi fiables défenseurs des intérêts du Québec, même si dans la réalité il n'y avait aucune agression et que M. Bourassa marchait main dans la main, de 1985 à 1994, avec son homologue fédéral, Brian Mulroney, tout comme Jean Charest avec Stephen Harper ces dernières années. Au besoin, le premier ministre du Québec et quelques ministres sectoriels hausseront le ton face à Ottawa, ne serait-ce que pour préserver cette importante image de chien de garde.
La main tendue
Les conservateurs Mulroney, Clark et Harper ont tenté de riposter à la dynamique de confrontation Ottawa-Québec avec des discours et des gestes d'ouverture aux exigences historiques du Québec sur la reconnaissance de son caractère distinct comme nation et en mettant de l'avant un fédéralisme de concertation, laissant le champ de la confrontation systématique aux libéraux fédéraux et aux souverainistes.
Le PLQ, pendant ce temps, doit toujours faire du fil de fer entre les deux attitudes. À preuve, même l'ultra-fédéraliste ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, s'est défendue mercredi de s'afficher à Québec aux côtés du parrain fédéral du Québec, Lawrence Cannon, à quelques heures du déclenchement d'élections fédérales, en justifiant sa présence par la «défense des intérêts du Québec». Foutaise! En quoi le Québec était-il agressé ou attaqué et avait-il besoin d'être défendu? Voilà un bel exemple d'une utilisation abusive, inacceptable et démagogique de cette formule nationaliste passe-partout. Des fonctionnaires des deux ordres de gouvernement ont négocié comme toujours les modalités des programmes et les politiciens ont retardé les annonces pour des raisons électoralistes. Cessons d'exploiter bêtement le complexe de l'opprimé.
La raison d'être du Bloc
Cette analyse débouche inévitablement à nouveau sur la pertinence du Bloc québécois à Ottawa. Le Bloc québécois a été fondé par Lucien Bouchard dans la conjoncture de l'échec de l'Accord constitutionnel de Meech. En 1994, à l'approche d'un autre référendum sur la souveraineté, il est devenu résolument souverainiste. Depuis la défaite du Oui en 1995, il s'est transformé en un parti de l'affirmation nationale des Québécois. Sous Pauline Marois, le PQ vient de faire de même.
Le maintien au pouvoir des libéraux fédéraux jusqu'en 2006 aidait les bloquistes à justifier la nécessité de leur présence aux Communes. Depuis deux ans, ils ne peuvent que marteler que les Québécois ne se reconnaissent pas dans les grandes orientations conservatrices. Mais il demeure un fait : les députés du Bloc ne peuvent rien changer de l'extérieur aux politiques conservatrices, pas plus qu'ils n'ont changé celles des libéraux. Ils ne peuvent que parler en rond sur la «défense des intérêts du Québec», et ce thème ne signifie généralement rien; les députés du Bloc ne peuvent prétendre parler au nom de l'ensemble des Québécois (cela a assez duré!) et les intérêts fondamentaux du Québec ne sont pas menacés.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé