Le cadeau de Couillard

Il nourrit drôlement bien les craintes des citoyens sur l'utilisation par les politiciens de leurs fonctions dans le sens de leurs intérêts personnels

D'aspirant Premier ministre à lobbyi$te

Le docteur Philippe Couillard ne contreviendrait à aucune directive gouvernementale en matière d'éthique en se joignant à une entreprise privée du secteur de la santé, selon les premières vérifications des spécialistes en la matière. Il nourrit drôlement bien par contre les craintes des citoyens sur l'utilisation par les politiciens de leurs fonctions dans le sens de leurs intérêts personnels et celles des adversaires acharnés du privé sur l'élargissement de la place de ce dernier dans le système de santé au Québec.
Le ministre démissionnaire a ainsi laissé un cadeau empoisonné le jour de son départ sur le pas de la porte de son foyer d'accueil politique libéral.
M. Couillard est devenu la cible depuis lundi d'un déluge d'accusations malveillantes sur son intégrité et l'opposition péquiste s'est déchaînée sur la menace que le privé fait planer sur le réseau public, en laissant supposer que M. Couillard connaissait l'opportunité qui se présentait de s'enrichir rapidement en se mettant au service du Fonds d'actions Persistence Capital Partners (PCP).
L'ex-ministre donne encore davantage de carburant à ses détracteurs du fait que ses dernières décisions comme membre du gouvernement Charest favorisent le secteur privé: il a fait adopter une liste d'une cinquantaine de traitements pouvant être dispensés dans des cliniques privées et il a réduit de moitié les frais exigés des gestionnaires de cliniques privées. Enfin, M. Couillard a dû admettre qu'il a eu des rencontres au cours de la dernière année avec ses futurs employeurs, ce qui est contraire aux directives sur les conflits d'intérêt, mais il a soutenu que les conversations sont demeurées à un niveau très large sur l'avenir du système de santé. Ce n'est qu'après sa démission, le 25 juin, que son embauche a été finalisée, a-t-il assuré.
Le malheur pour lui, et pour le gouvernement Charest, est que dans l'esprit des citoyens, lorsqu'une affaire sent fort la magouille, c'est parce qu'il y a de la magouille.
Défenseur du privé
Dans les faits, Philippe Couillard, a été un fervent défenseur du réseau public de santé. Au désespoir des partisans d'un système véritablement mixte public-privé, il a notamment refusé de profiter de l'ouverture faite par la Cour suprême dans la décision Chaouli et d'élargir la gamme des interventions permises au privé et qui auraient pu être défrayées par des assurances personnelles.
D'autre part, le nouvel employeur de M. Couillard, PCP, possède le Groupe santé Medicys, un réseau pan-canadien de cliniques privées qui offre des services de santé pour cadres d'entreprises, de gestion de la santé au travail, d'évaluation médicale, d'imagerie médicale et de médecine d'assurance. Ces créneaux sont occupés de plus en plus par le secteur privé depuis deux décennies. Médicys projetait déjà aussi d'élargir son offre de services bien avant le recrutement de M. Couillard.
M. Couillard connaît certes comme pas un l'appareil administratif de la santé, tous ses principaux acteurs, les politiques libérales en santé, mais rien ne permet de croire que son employeur profitera d'informations privilégiées quant à un élargissement de la place du privé (qu'il serait d'ailleurs interdit à l'ex-ministre de divulguer) et qui donneraient à PCP une longueur d'avance sur des concurrents. Le gouvernement Charest est trop frileux pour faire beaucoup plus de place au privé; l'ADQ le prône mais a les épaules au tapis et le PQ est idéologiquement bétonné anti-privé.
Les dirigeants de PCP ont enfin indiqué que M. Couillard concentrera ses activités au début dans les autres provinces.
Philippe Couillard est médecin; il n'allait tout de même pas réorienter sa carrière dans la construction de routes chez Lavalin ou de réseaux d'aqueduc chez Roche. La Loi sur le lobbyisme lui interdit d'autre part de faire du démarchage pendant 2 ans auprès du gouvernement auquel il a appartenu.
Il a droit à la présomption de bonne foi quant au respect des règles d'éthique pour les derniers gestes qu'il a posés comme ministre et les prochains qu'il posera comme gestionnaire dans le privé.


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