Le chien de garde qui ne mord pas

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Voilà comment une seule mauvaise décision peut décrédibiliser une institution





Le directeur général des élections a changé d’idée : il renonce à encadrer les dépenses « préélectorales » pour 2018. C’est fâchant.


Car en février 2016, le même DGE, Pierre Reid, soutenait qu’à l’approche des premières élections à date fixe au Québec, il fallait trouver un moyen de contrôler ces dépenses.


Actuellement, seules celles engagées pendant la campagne de 33 jours avant le scrutin le sont. Certaines restrictions existent pour un bien ou un service « utilisé à la fois pendant la période électorale et avant celle-ci », mais à part ça, rien.


Avant la campagne, un parti peut donc dépenser sans limites en publicité, en annonces diverses, en achats de biens, de services, etc.


Orgie d’annonces déjà !


En 2016, M. Reid voulait définir un contrôle des dépenses des partis « six mois », voire « un an » avant les élections. Il promettait de faire « l’analyse de différentes hypothèses pour arriver avec celle qui est la plus réalisable ».


Or, nous sommes justement un an avant le début de la campagne électorale des élections du 1er octobre 2018. Les partis rivalisent déjà d’annonces et de gestes électoraux. Des millions pour ci, des millions pour ça.


Le gouvernement libéral au premier chef, évidemment. On a vu à plusieurs reprises déjà Philippe Couillard se promener avec un casque de construction sur la tête ou des lunettes de protection, visitant des chantiers, des usines. Le PQ, la CAQ font aussi dans les promesses.


Parfois, je me demande ce qui leur restera à annoncer lors de la campagne, dans un an.


Attentisme


Qu’est-ce qui a bien pu pousser le DGE à changer d’idée ? On l’ignore, il a refusé d’accorder une interview à notre Bureau !


C’est son attachée de presse, Alexandra Reny, qui nous a simplement envoyé un courriel (en passant, Mme Reny est une ancienne des cabinets libéraux, dont celui de Julie Boulet. Certes, les anciens attachés partisans ont le droit d’avoir un emploi après la politique. Mais au DGE, c’est « malaisant », comme l’ont déjà signalé les Khadir et Legault).


Le DGE, jusqu’au scrutin de 2018, se contentera « d’observer attentivement le comportement des principaux acteurs politiques (partis politiques, candidats, tiers, etc.) dans un contexte préélectoral ».


Cet attentisme est injustifiable. Malheureusement, il est typique d’une certaine culture de cette organisation.


Pendant des années, les DGE successifs ont ignoré les milliers d’indices clairs de détournement de la loi électorale des années pré-commission Charbonneau.


Ils ont laissé le financement politique pourrir, notamment par la pratique des prête-noms. Le DGE avait pourtant déjà tous les pouvoirs d’un commissaire-enquêteur. Mais il se contentait de « faire de la sensibilisation ». C’est le travail journalistique qui a changé la donne. Pas le chien de garde.


Des pouvoirs renforcés


Depuis la fin de Charbonneau, plusieurs projets de loi sont venus renforcer les pouvoirs du DGE. Il était déjà doté d’une bonne dentition ; on lui a ajouté quelques canines.


Un des ajouts, adopté le 10 juin 2016, permet même au DGE de proposer des modifications législatives dans un rapport annuel. M. Reid a déposé son rapport en avril 2017... Pas un mot sur l’opportunité de limiter les dépenses préélectorales !


M. Reid a pourtant toute l’indépendance voulue : il relève de l’Assemblée nationale. Son mandat, de sept ans, est quasi irrévocable.


À voir la timidité récurrente de certains des chiens de garde de notre démocratie (commissaires à l’éthique, au lobbyisme), je me dis souvent : mais ils ont pourtant toute la dentition nécessaire !


C’est peut-être l’envie de mordre qui leur manque.


La citation de la semaine


« Il y a une réelle possibilité que l’élection de 2018 soit une élection historique [...], qu’il y ait un premier gouvernement de la CAQ »


– François Legault, chef de la Coalition avenir Québec, lors de son caucus présessionnel





 




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