Nous terminons aujourd'hui la publication d'une série de textes à l'occasion de la 6e École internationale d'été sur les Amériques, présentée jusqu'à demain par le Centre d'études interaméricaines de l'Institut québécois des hautes études internationales de l'Université Laval.
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Depuis une vingtaine d'années, le Brésil a placé l'Amérique du Sud à son ordre du jour de politique étrangère et cherche de nouveaux moyens qui lui permettront de construire son statut de puissance régionale à partir d'un ensemble d'interventions et de projets qu'il propose à ses voisins sud-américains.
[...] La diplomatie brésilienne multiplie les initiatives pour consolider un rôle qu'elle se croit autorisée à revendiquer compte tenu des attributs dont profite le Brésil à l'échelle régionale. L'importance de l'Amérique du Sud pour le Brésil ne peut être sous-estimée. Le pays partage une frontière commune avec 10 des 12 pays de la région, ce qui entraîne une nécessaire coopération régionale pour assurer la gestion du bassin de la Plata, ou encore de l'Amazonie, deux zones sensibles où plusieurs pays se partagent la souveraineté.
Sur le plan économique, la libéralisation des marchés et la croissance du commerce et des investissements intrarégionaux ont fait du Brésil le second pôle en importance dans l'hémisphère derrière les États-Unis, ce qui oblige les États de la région à s'entendre sur un ensemble de normes et de règles pour développer les échanges sud-américains et pour faciliter l'intégration des marchés. [...]
Puissance régionale
Le gouvernement Lula a fait de l'Amérique du Sud la grande priorité de sa politique étrangère dès son arrivée au pouvoir, en janvier 2003. Il s'agissait d'une décision importante, car depuis le début du XXe siècle, le Brésil cherche à être reconnu comme un pays prépondérant dans le système international sans se préoccuper des assises régionales de son projet.
Mais Brasília accepte maintenant qu'un tel statut exige préalablement le développement et la consolidation d'un statut de puissance régionale. Les résultats de cette politique sont encore attendus, car les pays sud-américains ne semblent pas disposés à reconnaître au Brésil un quelconque rôle dans l'espace régional, s'opposant ainsi à la plupart des initiatives brésiliennes visant à consolider le statut que recherche activement sa diplomatie depuis quelques années déjà. [...]
Des embûches
Les difficultés que connaît le Brésil à cause de son voisin vénézuélien sont connues. Alors que Brasília désirait lancer la Communauté sud-américaine des nations (CSAN), une structure minimale visant à encadrer la libéralisation du commerce et de l'investissement, le Venezuela de Chavez accordait la priorité à son projet d'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), un modèle d'intégration dont les fondements socio-économiques sont à l'opposé de ceux que la diplomatie brésilienne a placés au coeur de la CSAN. [...]
En Amérique du Sud les tensions sont croissantes et dans ce contexte, c'est le Brésil qui court les plus grands risques, ses projets étant encore aujourd'hui associés à une forme d'expansionnisme sous hégémonique, produit d'un coûteux copinage que la diplomatie brésilienne a longtemps entretenu avec Washington.
Le Brésil doit véritablement assumer les coûts qu'implique son statut de puissance régionale, ce que le gouvernement Lula est le premier à reconnaître, étant disposé à utiliser sa diplomatie pour faciliter la résolution de problèmes régionaux, comme le démontre la présence des troupes brésiliennes au sein de la mission des Nations unies en Haïti.
Toutefois, il semble que le Brésil soit incapable d'exercer un leadership régional sur la seule base de ses capacités, le pays ne possédant pas les ressources matérielles nécessaires à la projection de ses intérêts à l'échelle régionale. [...]
Les échecs de Lula
Malgré les efforts constants du Brésil, qui cherche à prendre ses distances des États-Unis, les pays sud-américains sont parfaitement conscients du fait que le Brésil se rapproche de l'Amérique du Sud avant tout pour construire son rôle de leader régional. Les voisins sud-américains refusent de reconnaître au Brésil un tel statut de prépondérance et observent avec beaucoup de méfiance les avancées des projets brésiliens.
C'est ce qui explique pourquoi la diplomatie brésilienne a connu autant d'échecs dans l'espace régional depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Lula. Par exemple, aucun pays sud-américain n'a appuyé le Brésil pour l'obtention d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU [...]. Brasília a aussi connu un échec du même type à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) lorsque son candidat à la direction de l'organisation fut ignoré par l'ensemble des représentants sud-américains [...]. Enfin, le candidat brésilien à la direction de la Banque interaméricaine de développement (BID) n'a pas connu plus de succès, ce qui a réduit à néant les gains du Brésil à la direction des institutions multilatérales et régionales lors du premier mandat du gouvernement Lula.
Difficultés et opposition
Depuis 2003, la gestion du dossier sud-américain fut très difficile, et ce, malgré l'optimisme débordant dont Brasília a fait preuve au cours des dernières années. Aux rapports très compliqués que le pays entretient avec le voisin argentin s'est ajoutée une féroce compétition avec le Venezuela, ce qui laisse croire que le Brésil est incapable d'exercer un leadership régional sur la seule base de ses «capacités d'influence».
D'ailleurs, la politique sud-américaine du gouvernement Lula s'est heurté à une forte opposition au pays, une partie importante de la population lui reprochant de consacrer trop d'attention à la scène régionale alors qu'il devrait être plus attentif aux problèmes nationaux. Il semble de plus en plus certain que le deuxième mandat de ce gouvernement ne permettra aucune avancée significative sur ce plan.
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Sylvain F. Turcotte, Chercheur au Centre d'études sur l'intégration et la mondialisation de l'Université du Québec à Montréal et conférencier à l'École internationale d'été sur les Amériques

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