Le Bloc ne lâchera pas le Québec

Élections fédérales - 2011 - le BQ et le Québec



Le chef du Bloc québécois devant son autobus de campagne.

Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir


Le cri du cœur bien senti de l'historien souverainiste [Éric Bédard en ces pages le 30 mars->36555] contre le Bloc québécois et ses velléités passées d'appuyer une coalition PLC-NPD en 2008 destinée à remplacer le gouvernement conservateur de Stephen Harper a l'avantage d'exposer certains «irritants» au sein de la formation politique sur des enjeux aussi fondamentaux que l'inter/multiculturalisme, le rôle véritable du Bloc à Ottawa ou encore la conception d'un «État omniscient et dépensier».
Ces «irritants» à mon sens sont normaux et souhaités au sein d'une formation politique en perpétuelle réflexion et dont le souci est d'ajuster sa pensée aux soubresauts de la vie politique.
Mais que M. Bédard ait décidé de «lâcher» le Bloc — ce qui est son droit le plus strict — parce que Gilles Duceppe aurait trahi la cause souverainiste en s'alliant avec des partis fédéralistes historiquement en porte-à-faux avec le Québec m'apparaît comme étant une réaction pour le moins épidermique et peu soucieuse des réalités de la vie politique au jour le jour.
En politique, dit souvent le chef du Bloc, il y a des courbes et il faut savoir les négocier; autrement, vous quittez la route et vous vous retrouvez dans le décor...
Pensée du Bloc trahie
Bref, il ne s'agissait pas pour le Bloc en 2008 de «serrer la main du diable» (en l'occurrence Stéphane Dion) et d'endosser le centralisme fédéraliste du PLC et du NPD. Croire cela, c'est trahir la pensée du Bloc. Il s'agissait plutôt de réagir énergiquement à l'énoncé économique du ministre des Finances Jim Flaherty qui avait piqué au vif la plupart des Québécois. «Ce dernier invoquait la crise économique, rappelle Gilles Duceppe dans ses Entretiens, pour abolir le droit de grève des fonctionnaires, affaiblir la Loi sur l'équité salariale et tenter d'étrangler financièrement les partis de l'opposition en retirant les subventions par suffrage exprimé. De plus, le ministre des Finances en rajoutait en évitant de chiffrer le déficit anticipé et en ne proposant pas de véritables mesures pour stimuler l'économie. C'était un désastre pour l'économie québécoise et un véritable casus belli pour les partis d'opposition.»
Le soutien ponctuel du Bloc — et non la participation — à une éventuelle coalition était de l'ordre de la stratégie politique et répondait à l'époque à la nécessité de défendre avant tout les intérêts du Québec. Cela s'appelle l'art de choisir. Cet appui n'avait rien d'éternel.
Le Bloc québécois n'a donc jamais renoncé à son combat fondamental, celui de faire du Québec un pays. M. Bédard ne peut faire fi du constat actuel mille fois répété par le Bloc et Gilles Duceppe sur l'absence totale d'appétit du Canada pour satisfaire la moindre demande traditionnelle et légitime du Québec, en particulier celle de nous accorder le statut de «société distincte».
Ère du refus
Que nous le voulions ou pas, le Québec est entré dans l'ère du refus. M. Duceppe a maintes fois affirmé que l'option du fédéralisme renouvelé, celle d'un changement bénéfique au sein de la fédération à la mode entre 1985 et 1995, «n'est plus crédible, ni au Québec, ni au Canada». Le chef du Bloc qualifie d'ailleurs cet état de fait de «changement fondamental dont les Québécois n'ont pas encore saisi toute la portée».
Ce thème du rejet ([oh, surprise! repris ces derniers jours par le sénateur Jean-Claude Rivest->36347]) commence à faire surface au Québec et il s'étalera avec autant d'acuité si d'aventure nous nous retrouvons au lendemain du 2 mai avec un gouvernement conservateur majoritaire. Dans ce contexte, vous pouvez certes «lâcher» le Bloc. Mais le Bloc, lui, ne lâchera pas le Québec.
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Gilles Toupin - Auteur de Gilles Duceppe, entretiens (Richard Vézina éditeur) et journaliste à la retraite de La Presse


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