La souveraineté viendra de la démocratie et non l’inverse

Souveraineté et générations

Ce texte est publié en réaction à la lettre d’André Binette, publiée dans le Devoir du 30 décembre 2011: Réformes démocratiques - Des tentatives étouffées par le cadre canadien.
Monsieur Binette ne devrait pas inclure la question du mode de scrutin aux réformes que la constitution canadienne rend difficile ou impossible. Le plus désolant dans ses propos, c’est qu’ils signifient que l’espoir que la population dise un jour oui à la souveraineté, ferait en sorte qu’en attendant, il faudrait subir une démocratie déficiente, et ce, pour on ne sait combien de temps encore.
Changer le mode de scrutin pour une formule proportionnelle comme la mixte compensatoire peut se faire autant dans le cadre canadien que dans un Québec souverain. C’est ce qui nous permettra d’obtenir des gouvernements respectueux de la volonté populaire, donc de la position de la population face à la souveraineté du Québec. Prétendre que la cadre canadien empêche le Québec de choisir le mode de scrutin qu’il souhaite permet au PQ de justifier sa récente position en faveur du mode majoritaire à deux tours, ce qui n’est rien de plus que le statu quo déguisé.
Se doter d’un mode de scrutin permettant le respect de la volonté populaire, proportionnellement au vote, ne signifie pas introduire une nouvelle institution politique, mais de remplacer la mécanique déficiente de l’une d’elles, le mode de scrutin, par une autre mécanique permettant de désigner un gouvernement. Le droit de vote n’est pas réduit, la démocratie demeure représentative, le système parlementaire fonctionne de la même façon. Le principe du gouvernement responsable continuera de s’appliquer, puisqu’il y aura toujours une majorité et une opposition (quelles soient formées d’un ou de plusieurs partis); les membres de l’Assemblée nationale accorderont ou non leur confiance au gouvernement; la séparation des pouvoirs n’est pas modifiée, ni le principe fédéral; les rôles des lieutenant-gouverneurs (et par conséquent celui du gouverneur général) ne sont pas modifiés (s’ils viennent à changer, ce sera pour d’autres raisons, indépendantes du système électoral).

Il faut citer le jugement de la Cour Suprême (Procureur général de l'Ontario c. SEFPO, [1987] http://scc.lexum.org/fr/1987/1987rcs2-2/1987rcs2-2.html ), pour constater que le mode de scrutin n’est pas en cause ici.
« Une disposition peut généralement être considérée comme une modification de la constitution d'une province lorsqu'elle porte sur le fonctionnement d'un organe du gouvernement de la province, pourvu qu'elle ne soit pas par ailleurs intangible parce qu'indivisiblement liée à la mise en oeuvre du principe fédéral ou à une condition fondamentale de l'union et pourvu évidemment qu'elle ne soit pas explicitement ou implicitement exemptée du pouvoir de modification que le par. 92(1) accorde à la province comme, par exemple, les charges de lieutenant-gouverneur et de souverain. Le fait qu'une province puisse validement conférer un effet législatif à une condition préalable d'un gouvernement responsable ne signifie pas nécessairement qu'elle peut faire tout ce qu'il lui plaît du principe du gouvernement responsable lui-même. Ainsi, il n'est pas certain, à tout le moins, qu'une province puisse toucher au pouvoir du lieutenant-gouverneur de dissoudre l'assemblée législative, ou à son pouvoir de nommer et de destituer les ministres, sans toucher de manière inconstitutionnelle à sa charge elle-même. Le principe du gouvernement responsable pourrait, dans la mesure où il est fonction de ces pouvoirs royaux importants, être en grande partie intangible. LE POUVOIR DE MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE QUE LE PAR. 92(1) ACCORDE AUX PROVINCES NE COMPREND PAS NÉCESSAIREMENT LE POUVOIR DE PROVOQUER DES BOULEVERSEMENTS CONSTITUTIONNELS PROFONDS PAR L'INTRODUCTION D'INSTITUTIONS POLITIQUES ÉTRANGÈRES ET INCOMPATIBLES AVEC LE SYSTÈME CANADIEN. » (Nous mettons en majuscule).
Rien ici ne permet de conclure à une incompatibilité avec le système canadien, ni à la qualification d’institution « étrangère », et encore moins à la résultante évoquée par la Cour, soit que cela provoquerait des « bouleversements constitutionnels profonds ».
En plus du Québec, l’Île-du-Prince-Édouard, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et l’Ontario ont mené divers processus de consultation, parlementaires et référendaires, sans jamais être bloqués par le « cadre fédéral », pourquoi en serait-il autrement dans le cas du Québec? D’autant plus que la réforme du mode de scrutin a aussi été examinée à Ottawa par plusieurs comités et commissions royales, sans jamais invoquer le risque d’un problème constitutionnel. En 2004, la Commission du Droit du Canada a même proposé un modèle mixte compensatoire pour le Canada, fixant son choix en fonction d’objectifs démocratiques, et non en fonction de la recevabilité constitutionnelle d’un modèle face à un autre, et encore moins en lien avec la vision qu’il s’agirait d’une institution étrangère.
Les souverainistes devraient militer pour changer le mode de scrutin – et ce, le plus rapidement possible – parce qu’il s’agira d’un levier rendant le Québec plus démocratique.
Les formules proportionnelles de liste (régionales ou nationales) ne font plus partie des débats depuis longtemps. Le mode de scrutin mixte compensatoire est celui qui a le plus de chance d’être mis en place au Québec, pour ses qualités et pour son potentiel d’acceptabilité politique et sociale. Il permet d’atteindre un résultat proportionnel tout en maintenant une partie de la représentation sur la base des circonscriptions.
Le Mouvement pour une démocratie nouvelle mène actuellement une campagne autour de cette proposition www.democratie-nouvelle.qc.ca/actions Les appuis qu’il recueille sont nombreux et variés, réunissant des gens et des groupes de toutes les régions du Québec regroupant plus d’un million de personnes. Ajoutez le vôtre.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 janvier 2012

    Je suis d'accord avec mr Cloutier que l'on doit mettre en place des méchanismes pour contrer la non représentativites des partis politiques eux-meme qui s'incarne par; le financement de leur cheferie(argent), la ligne de parti(hiérarchie), le carrierisme, la partisanerie, les négociations secrètes sur des sujets publics, la nomination de dirigeants a la tête d'organisme (hierarchique), et les conflits d'interets. Si un candidat qui fait le choix moral contre la ligne de parti est sur d'être éliminer en tant qu'indépendant contre la machine de parti x, on a un problème.
    Le tirage au hasard de volontaires pour un mandat non renouvelable d'un an ou deux me parrait interessant (avec certains mechanismes atheniens).
    Ce dont je ne suis pas sur, c'est que si 100% de l'assemblée est tire au hasard, et qu'on ne vote pas pour une plateforme, quelle serait l'orientation de l'assemblée parce que le tirage au sort en soit ne donne pas une evaluation publique d'une plateforme et de politique. Remarquez que le parti politique en guise de representation n'est pas un tres bon vecteur non-plus, parce qu'il amalgame des elements sur lesquels la population ne peut pas se prononcer specifiquement, et qu'en plus rien ne force le parti au pouvoir de respecter ses engagements. On est en 2012, on pourrait avoir un forum electronique sur lequel des propositions sont mise de l'avant par des citoyens et appuyer par vote electronique, lorsque l'idee obtien un certain seuil (ex: 80% d'appui sur 100,000 vote, 70% sur 200,000, ou 60% sur 300,000) alors l'assemblée citoyenne se penche sur la question?
    Si une assemblée tirée au hasard a 100% ne fait pas consensus, et que l'on retomberait dans le model d'élection de representants, je crois qu'il serait tout de même mieux(que rien) d'avoir un bon % de l'assemblée nationale(ex: 30% ou 50%) composée de volontaires tirés au sort pour faire contrepois à la partisanerie, en tant qu'élément parmis un ensemble de méchanismes pour minimiser les problèmes reliés au "partis" (financement public, temps médiatique alloué égal, etc).
    En passant, si une oligarchie controle les principaux médias et décide d'influencer l'opinion publique, ont a encore un problème avec des candidats peut importe le méchanisme d'election ou de tirage, car la democratie est incompatible avec une concentration de proprieté des medias (surtout si celle-ci sont hierarachiques en plus).
    Et j'ajoute que les divers organisations sous le controle de l'etat(ministere, agences, corporations, etc), auraient interet a etre moins hiérarchique et plus démocratique, plus ouvert(a la particiaption des citoyens volontaires) et plus transparents, et qu'il doit imperativement y avoir des protections en béton pour les signaleurs d'abus(wistle blowers).

  • Archives de Vigile Répondre

    5 janvier 2012

    Pour ma part, je suis convaincu que les propositions du MDN constituent une amélioration au système actuel, mais pourquoi ne pas permettre aux citoyens d'assumer eux-mêmes leur souveraineté. En effet, les sytèmes représentatifs sont toujours biaisés en faveur de ceux qui financent les repésentants du peuple et cela mène à des crises comme celle que nous vivons actuellement.
    Une excellente analyse de la crise actuelle et de ses liens avec le déficit démocratique qui nous afflige est disponible via le lien suivant:
    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=TLjq25_ayWM

    La vraie souveraineté viendra quand les citoyens pourront vraiment l'exercer eux-mêmes!
    Luc Fortin

  • Archives de Vigile Répondre

    4 janvier 2012

    Madame Roberge,
    Et si c'était l'élection, les élus, les politiciens professionnels qu'ils soient de gauche, de centre ou de droite qu'on remettait en cause?
    Et si on vous disait que c'est la "démocratie" de représentation qui est à la source de toute corruption qui est la collusion entre les abus du marché et des politiciens professionnels.
    Et si on remplaçait l'Assemblée nationale des élus par une assemblée citoyenne tirée au sort parmi les citoyens volontaires et aptes, avec des mandats courts de 2 ans et moins et non renouvelables?
    Si les élus à des fonctions exécutives étaient au service de cette assemblée citoyenne et non pas les maîtres des citoyens comme actuellement?
    Allez au bout de votre raisonnement, Madame. Scrutin proportionnel ou pas, le résultat de toute forme d'élection n'est-il pas de porter au pouvoir des gens dont l'ambition est d'abord de faire carrière au lieu de défendre le bien commun? Sinon, pourquoi vouloir à tout prix se faire réélire?
    Moi je dis que c'est l'élection qui fait partie du problème et modifier le mode de scrutin ne sera qu'un cataplasme sur une jambe de bois.
    Pierre Cloutier