La saine gestion libérale

S'il avait été dans le privé, Jean-Marc Fournier aurait sans aucun doute perdu son emploi après la négligence dont il a fait preuve dans le dossier de l'UQAM

UQAM - scandale financier

Il est vrai que les politiciens, du moins les meilleurs, sont mal rémunérés par rapport à ce qu'ils gagneraient dans le secteur privé, mais ils ont tout de même certains avantages.
S'il avait été dans le privé, Jean-Marc Fournier aurait sans aucun doute perdu son emploi après la négligence dont il a fait preuve dans le dossier de l'UQAM. Le rapport du vérificateur général est accablant pour l'ancien ministre de l'Éducation.
Dès la fin de 2005, il y avait des «signaux clairs» qui auraient dû l'amener à réagir. Le personnel du vérificateur n'a eu aucun mal à retrouver au ministère de l'Éducation des documents indiquant que les projets immobiliers de l'UQAM présentaient de sérieux risques. Ou bien le ministre ne les a pas lus, ou bien il n'a pas réagi. Dans un cas comme dans l'autre, la faute est grave. Bien sûr, si M. Fournier n'a rien vu venir, c'est aussi que personne au ministère n'a attiré son attention, mais le ministre est le responsable ultime.
Cette affaire illustre crûment ce que plusieurs reprochaient à M. Fournier à l'époque. Autant il avait démontré ses talents de pompier en désamorçant la crise provoquée par les compressions dans l'aide financière aux étudiants, autant il avait la réputation de négliger ses dossiers. Si besoin était, cette affaire prouve qu'il ne constitue pas une solution de remplacement valable à Philippe Couillard le jour où ce dernier réussira enfin à quitter la Santé.
Il est vrai que le ministère de l'Éducation est un véritable labyrinthe, dans lequel il est très facile de s'égarer ou de se laisser mener en bateau par les fonctionnaires. Raison de plus pour faire preuve de vigilance. Elle-même issue de la fonction publique, Michelle Courchesne savait à quoi s'en tenir quand elle y a débarqué, mais c'est aussi une question de tempérament.
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M. Fournier va passer quelques moments désagréables d'ici l'ajournement des travaux de l'Assemblée nationale, mais il lui suffit de faire le dos rond. Au retour des vacances, ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Il sera toujours ministre du Revenu et leader parlementaire du gouvernement. D'ici là, il aura peut-être même été promu à la faveur d'un remaniement ministériel.
On comprend le malaise de Mme Courchesne, qui ne veut pas accabler son prédécesseur malgré l'évidence de ses torts, mais la décence aurait dû lui interdire d'insinuer que l'ancien recteur de l'UQAM, Roch Denis, encore plus fautif, était lui-même «un ami du Parti québécois». C'est tout à fait exact, mais ce dérapage ne peut pas être mis sur le dos de «l'ancien gouvernement», pas même par association.
Force est cependant de reconnaître que le comportement de M. Denis et de ses deux acolytes, Mauro Malservisi et Nicolas Buono, est à ce point répréhensible qu'ils forment un trio de boucs émissaires idéal.
«Le premier devoir du gouvernement est la saine gestion des fonds publics et de l'administration gouvernementale», peut-on lire dans la plate-forme électorale que le PLQ avait présentée au printemps 2007. C'était même le «principe de départ».
L'éducation supérieure ayant été élevée au rang de «priorité collective», les libéraux promettaient de «faire en sorte que nos institutions se mesurent avantageusement aux meilleures du monde».
Dans le cas de l'UQAM, ce n'est certainement pas demain la veille. Le nouveau recteur, Claude Corbo, a beau plaider que la communauté universitaire n'a pas à assumer les frais de ce gâchis, de nouvelles compressions budgétaires semblent inévitables. Sans parler des dommages causés à la réputation de l'université, qui était déjà mal aimée.
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À partir de maintenant, les libéraux seront bien mal venus d'évoquer le «scandale» de l'usine de Chandler ou les dépassements de coût du métro de Laval. La turpitude des uns ne saurait en aucune façon justifier celle des autres.
Au vu de ce qui est arrivé à l'UQAM, il est difficile de ne pas s'inquiéter de ce qui pourrait maintenant survenir au CHUM. Par rapport à ce gigantesque projet, celui de l'îlot Voyageur était relativement peu de chose. Pourtant, 500 millions y ont été engloutis.
Grâce à la formule de partenariat public-privé, il n'y aura pas de mauvaise surprise en cours de construction, assure la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget. Tant mieux si elle dit vrai, mais la première pelletée de terre est encore loin.
D'un mois à l'autre, la facture ne cesse de monter. La semaine dernière, on apprenait que le coût du centre de recherche, encore évalué à 280 millions le 31 mars dernier, est passé à 320 millions parce que de nouvelles «composantes» se sont ajoutées au projet. Quelles composantes? Mystère.
Comme si l'existence de deux structures parallèles -- celle du CHUM et celle de l'Agence des PPP -- ne compliquait suffisamment les choses, un nouveau joueur vient d'entrer dans la partie, sous la forme d'un comité consultatif qui aura le mandat de «favoriser et faciliter l'intégration du CHUM dans les différentes sphères de la société sur le plan de son développement et de l'organisation des soins de santé».
Bien sûr, on ne consulte jamais trop, mais ce comité ressemble surtout à une sorte de conseil d'administration parallèle. Sa présidente, Hélène Desmarais, saura peut-être amadouer le milieu des affaires, qui n'a jamais digéré que le CHUM ne s'installe pas à Outremont. Philip O'Brien, grand artisan du love-in fédéraliste de 1995, aujourd'hui directeur de Viger DMC International, pourra voir à ce que le CHUM ne porte pas ombrage à son projet de gare-hôtel. John Parisella sera l'oeil du premier ministre Charest, qui pourra ainsi s'assurer que les règles de la saine gestion libérale sont respectées.


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