La roulette russe

Élection Québec 2012



Le nouveau député péquiste d’Argenteuil, Roland Richer, « va être là juste un mois et demi », a prédit sa malheureuse adversaire libérale, Lise Proulx. Si désireux d’en découdre qu’il puisse être, le premier ministre Charest devrait cependant y penser à deux fois avant de déclencher des élections générales cet été.
Il est vrai que les résultats d’une élection partielle ne doivent pas être tenus pour définitifs. La prétendue volatilité de l’électorat a quand même ses limites. Il faut lui laisser le temps de changer d’idée sans se donner l’impression d’être une girouette.
Le scénario de lundi dans Argenteuil ressemble étrangement à celui du 21 février 1994 dans Bonaventure. Même si les libéraux étaient au pouvoir depuis près de neuf ans, personne n’avait imaginé qu’ils pouvaient perdre cette forteresse que Gérard D. Lévesque avait représentée à l’Assemblée nationale pendant 37 ans.
Après son décès, le PLQ avait misé sur sa fidèle adjointe, Nicole Appleby Arbour, comme il a misé sur celle de David Whissell dans Argenteuil. Contre toute attente, le péquiste Marcel Landry l’avait emporté avec une majorité de 2678 voix.
Les organisateurs libéraux étaient convaincus de récupérer Bonaventure à l’élection générale suivante. Six mois plus tard, la majorité de M. Landry était passée à 2306 voix. C’est seulement en 1998 que Nathalie Normandeau a ramené la circonscription dans le giron libéral grâce à une courte victoire par 160 voix.
Certes, on peut évoquer d’autres exemples. Ainsi, en septembre 2004, la péquiste Elsie Lefebvre avait causé toute une surprise en l’emportant dans Laurier-Dorion, où la communauté grecque avait largement boudé les urnes pour protester contre la mise à l’écart de Christos Sirros lors de la formation du gouvernement Charest.
Gerry Sklavounos a redonné la circonscription au PLQ, mais seulement trois ans plus tard. Et encore, sa majorité de 1096 voix a été très inférieure aux 2431 voix recueillies par Québec solidaire, essentiellement aux dépens du PQ.
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Selon l’évaluation des stratèges libéraux, Argenteuil arrive au 35e rang, rapportait La Presse hier. Autrement dit, si le PQ conserve le comté à la prochaine élection générale, le caucus libéral pourrait être réduit à une trentaine de députés.
Il est vrai que la « fenêtre » de la fin de l’été serait peut-être la dernière pour le premier ministre Charest. À compter de l’automne, les audiences de la commission Charbonneau risquent de devenir franchement embarrassantes pour le PLQ. La nécessité de changer son image pourrait exiger l’arrivée d’un nouveau chef venant idéalement de l’extérieur du parti, comme en 1998.
Il ne fait aucun doute que M. Charest désire ardemment ce quatrième mandat qu’aucun de ses prédécesseurs n’a réussi à obtenir depuis Maurice Duplessis. Malgré tout le respect et toute la loyauté qu’il peut inspirer à ses députés, c’est quand même beaucoup leur demander de jouer leur carrière à la roulette russe pour réaliser son ambition.
La fuite qui a permis au PQ de mettre la main sur un extrait d’une présentation Power Point qu’il a faite la semaine dernière devant un groupe d’apparatchiks libéraux réunis au Palais Montcalm laisse quelque peu sceptique. Quelqu’un chercherait-il à lui mettre des bâtons dans les roues ?
Remarquez, personne ne sera surpris d’apprendre que le PLQ tentera d’associer le PQ au référendum et à la rue lors de la prochaine campagne. De là à lui prêter le dessein de faire durer la crise étudiante, il y a un pas que le PQ a tout aussi intérêt à franchir.
Pauline Marois tire une conclusion un peu hâtive en laissant entendre que le port du carré rouge a été un atout pour son parti dans Argenteuil. Force est cependant de constater qu’il n’a pas constitué un grand handicap et que le bilan du gouvernement Charest a pesé plus lourd. Si les électeurs d’Argenteuil, généralement bien disposés envers les libéraux, ont fait cette analyse, pourquoi en irait-il autrement ailleurs au Québec ?
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« Bad excuse is better than none », disent les anglophones. Mieux vaut une mauvaise excuse que pas d’excuse du tout. Selon François Legault, la troisième place décevante de la Coalition avenir Québec serait due à un déficit de notoriété. M. Legault estime avoir lui-même ce problème.
Si un homme aussi connu que l’ancien député bloquiste Mario Laframboise, qui a passé 11 ans à la Chambre des communes après avoir été président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), n’a pas réussi à capter l’attention des électeurs, il y a lieu de s’inquiéter sérieusement pour tous ces apprentis politiciens qui en seront à leurs premières armes.
Curieusement, l’automne dernier, quand la CAQ caracolait en tête des sondages et que lui-même était perçu comme le plus apte à assumer les fonctions de premier ministre, M. Legault ne se plaignait pas de sa notoriété.


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