La recherche identitaire

Identité, oui... à condition qu'elle soit atomisée, individualiste, collectivement insignifiante


Les identités sont à la mode. Non seulement au Québec mais à travers le monde les gens se préoccupent de leurs racines, leurs ancêtres et leurs traditions. Cela est naturel quand les repères normaux, la famille, le travail, les rôles sexuels sont devenus incertains et même aléatoires.
Il n'est pas surprenant que les politiciens se joignent à cette quête d'identité. Ils représentent les États-nations qui veulent tous établir en quoi ils sont uniques.
Cet exercice peut s'avérer utile. Il ne peut y avoir de solidarité ou de notion de citoyenneté sans une culture commune. N'empêche qu'il serait téméraire d'embarquer sur la recherche d'identité sans connaître les dangers. L'identité est en grande partie individuelle et modifiable. Une personne peut s'identifier différemment dans des différentes époques de sa vie. Elle peut également nourrir plusieurs identités et plusieurs loyautés à la fois. Finalement, dans un pays libre il est permis d'être dissident même sur les valeurs essentielles. Par exemple, les homosexuels dans le temps de Duplessis ne seraient pas moins Québécois à cause de leur rejet des normes établies.
Beaucoup de participants dans le débat sur l'identité québécoise croient que cette identité possède un contenu obligatoire. Parfois on a l'impression qu'il existe même une table des matières dont les trois grands chapitres sont la langue, la laïcité et l'égalité des sexes. L'analyse de chacun de ces éléments révèle des ambiguïtés importantes.
Un consensus
Certes, le français est essentiel pour le Québec et il existe un grand consensus pour le protéger. Cependant, l'identité canadienne dépend également du fait français pour nous distinguer des États-Unis. De plus, la présence de l'anglais et de la culture nord-américaine est un élément identitaire pour beaucoup de Québécois et non seulement pour les membres de la minorité anglophone. En effet, nous sommes très différents des Wallons et des Français, en grande partie à cause de la composante anglaise.
La laïcité québécoise est encore plus vague. Convertis à la laïcité plus tard que la majorité des pays, nous manifestons une certaine ferveur qui s'est estompée ailleurs. Malgré cela, beaucoup de Québécois rejettent à juste titre l'intégrisme laïque. Ils tiennent à leur sapin de Noël ou au crucifix à l'Assemblée nationale. Beaucoup souhaitent instruire leurs enfants dans la religion catholique. La laïcité d'État se résume à l'absence de religion officielle et au droit d'un citoyen de rejeter toutes les religions sans conséquences néfastes. Tout le reste est complètement flou.
L'égalité des sexes est presque universellement acceptée. Quelle est la définition? Fautil croire que les hommes et les femmes sont identiques, et que les différences sont le résultat du conditionnement social ou peuton affirmer l'existence des différences innées? Est-il nécessaire d'avoir un nombre égal d'hommes et de femmes dans toutes les institutions ou suffit-il d'éliminer les barrières? Y a-t-il une place pour les Québécois plus conservateurs qui tiennent à la famille traditionnelle? Il est évident que des notions variées et parfois incompatibles se cachent derrière l'égalité des sexes. De plus, l'égalité des sexes ne peut être un élément d'identité particulièrement québécois puisque toutes les nations de l'Occident la professent aujourd'hui.
L'identité n'est donc pas réductible à un code. Il est salutaire pour le Québec que des valeurs très différentes coexistent. De plus, deux voisins peuvent citer les notions identiques, l'un pour s'identifier comme Québécois et l'autre comme Canadien. La dissidence doit être considérée comme un atout plutôt qu'une hérésie. Surtout, la quête d'identité de chacun, salutaire en soi, ne doit jamais justifier l'imposition d'une idéologie identitaire.
- Source


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé