Les récentes mesures (fermeture de Gentilly-2, hausse d’impôts rétroactive, etc.) annoncées par le Parti Québécois (PQ) ont reçu un lot imposant de critiques. La plupart de ces critiques ont la prétention d’être faites dans l’intérêt commun. Permettez-moi d’en douter. Le récent passage de Jean-Martin Aussant à Tout le monde en parle nous a démontré la force de ses arguments économiques contre la réfection de Gentilly-2 et la faiblesse des arguments de ses adversaires politiques.
Qu’on soit d’accord ou non avec les critiques et les arguments avancés par les partisans du maintien de Gentilly-2, un fait demeure : le PQ n’a pas pris le temps d’expliquer clairement sa décision, de consulter l’opposition et surtout, de rencontrer les travailleurs directement touchés par cette mesure. Personnellement, je suis pour la fermeture de Gentilly-2, mais je ne suis pas d’accord avec la façon d’y arriver.
Je comprends très bien les travailleurs de Gentilly-2 qui se posent des questions sur leur avenir. N’importe qui, dans la même situation, ferait exactement la même chose et demanderait des explications au gouvernement. Mettez-vous dans leurs souliers pendant deux minutes afin de comprendre leur point de vue et leurs inquiétudes. On propose de les rencontrer seulement après l’annonce, pas avant. Si l’ancien gouvernement libéral avait décidé de fermer unilatéralement une grande entreprise sans prendre le temps de rencontrer les travailleurs et d’expliquer sa décision, j’en connais plusieurs qui auraient crié au scandale. Pourtant, ces mêmes personnes restent muettes sur la façon de gérer le dossier. Il faut croire que dès que nous sommes militants du parti au pouvoir, on perd un peu de son sens critique envers celui-ci.
Compte tenu du contexte minoritaire du gouvernement péquiste, celui-ci doit jouer de prudence, veiller à sa survie et éviter de donner trop des munitions à ces adversaires. Ce qui n’est pas le cas en ce moment. La seule façon d’y arriver est par la recherche du consensus. Et par consensus, je ne parle pas que d’un simple consensus avec les partis de l’opposition. Dans le cas de figure qui nous préoccupe ici, Gentilly-2, rien n’aurait empêché le PQ de mettre en place une commission parlementaire sur l’avenir énergétique du Québec.
Une commission parlementaire sur ce sujet aurait comme avantage de mettre en lumière la question de Gentilly-2, mais aussi d’étudier les solutions de rechange. On a qu’à penser à l’énergie solaire et à l’éolien. En plaçant l’énergie nucléaire dans un contexte plus large, on favorise le dialogue et l’échange et surtout, on éduque la population sur des enjeux cruciaux pour le Québec. Souvenez-vous de René Lévesque avant la nationalisation de l’hydro-électricité. M. Lévesque avait pris le temps nécessaire afin d’expliquer pourquoi il serait avantageux de poser collectivement un tel geste. Sa méthode a eu l’avantage d’éduquer la population sur le sujet et de diminuer grandement la résistance des autres partis politiques à ce grand projet. On connaît maintenant la suite.
Même si cette commission donnait lieu à des divergences d’opinions sur la question, elle permettrait, à tout le moins, une discussion d’ensemble avec tous les acteurs de ce secteur et surtout, une éducation collective de la population en général (et des travailleurs concernés) sur les enjeux énergétiques. Dans ce contexte, il serait très difficile pour les partis d’opposition de clamer haut et fort que le gouvernement en place prend des décisions sans consulter la population. L’idée derrière tout cela n’est pas nécessairement de convaincre les partis d’opposition qui resteront probablement campés sur leur position respective, mais de convaincre la population du bien-fondé des énergies renouvelables et du même coup, de la fermeture nécessaire de Gentilly-2.
Autre exemple de recherche du consensus et d’éducation populaire? La question des hausses d’impôts rétroactives aurait probablement mieux passé si elle avait été abordée, encore une fois, dans un contexte plus large. On ne doit pas que revoir les paliers d’imposition des particuliers en fonction de leurs revenus, mais nous devons aussi réfléchir aux paliers d’imposition des grandes entreprises et à la question des paradis fiscaux. C’est l’ensemble des mesures fiscales que nous devons revoir et non seulement celles des particuliers. Ne vous en déplaise, s’attaquer à l’enjeu de la fiscalité en général demande davantage de courage politique que d’annoncer des hausses d’impôts rétroactives pour les particuliers.
Pourquoi le PQ ne favorise-t-il pas cette approche au lieu de gérer les après-coups qui lui seront vraisemblablement néfastes? Veut-il donner l’image d’un gouvernement d’action? Veut-il séduire la gauche et faire des gains en vue des prochaines élections? Encore est-il que si le PQ veut se maintenir au pouvoir, il doit adopter un ton conciliant, favoriser le dialogue et les démarches amenant à la réflexion collective. Ce n’est qu’en favorisant le dialogue, même avec ses opposants les plus farouches, que nous serons à même d’affirmer notre caractère distinct et notre unicité en tant que peuple. Voltaire disait : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous affirmez, mais je me battrai pour que vous ayez droit de le dire ».
Sébastien Croteau, ancien candidat pour Option nationale
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4 commentaires
François Ricard Répondre
21 octobre 2012Pour décider des grandes orientations d'un gouvernement, pour arrêter un choix de société, j'aime bien l'approche prônée par M. Cloutier: le jury citoyen.
Permettre à la population de décider des buts et des grands moyens pour les atteindre.
Les élus et le gouvernement auront alors la tâche de concrétiser ces voeux de la population.
Henri Marineau Répondre
21 octobre 2012À la fin de mon dernier commentaire, il faudrait lire "entre deux maux, il faut choisir le moindre"
Archives de Vigile Répondre
21 octobre 2012Pas une commission parlementaire dont les intérêts partisans finissent toujours par fausser le débat et en faire un cirque au détriment de la vérité.
En lieu et place, un jury citoyen tiré au sort, qui après un débat éclairé par des experts et la population, rendrait son rapport.
Une véritable démocratie où les citoyens peuvent participer aux décisions publiques qui les concernent.
Pierre Cloutier
Henri Marineau Répondre
21 octobre 2012Depuis l’arrivée du gouvernement péquiste au pouvoir, de nombreux analystes politiques font référence à la « discipline » dont devrait faire preuve Pauline Marois auprès de ses ministres, et à la raison pour laquelle la première ministre aurait avantage à agir de la sorte, à savoir la « majorité des voix » nécessaires pour faire cheminer les dossiers mis de l’avant au cours des premières semaines du mandat de son gouvernement.
En d’autres termes, le gouvernement, aux dires de ces journalistes, doit ranger dans le placard l’affirmation de ses intentions et en sortir la langue de bois, si chère à nos politiciens carriéristes.
À mon sens, même si quelques impairs se sont produits dans certains dossiers et que le gouvernement a dû reculer sur d’autres, je préfère de loin des politiciens qui affirment, parfois maladroitement, leurs convictions ouvertement à des politicailleux verbeux qui s’évertuent à peser des œufs de mouches et les refiler à la presse qui s’empresse d’en faire ses choux gras !
Comme disait Aristote, "entre deux mots, il faut choisir le moindre".