La recette du succès selon Accurso

L’entrepreneur raconte son parcours intimement lié à Louis Laberge et à la FTQ

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Corruption généralisée

Sans l’appui indéfectible de Louis Laberge, président de la FTQ de 1964 à 1991 et fondateur du Fonds de solidarité, que serait devenu Tony Accurso ?

En 1982, lorsqu’il a pris les rênes de la compagnie fondée par son père, Construction Louisbourg, le jeune Accurso, pas même trentenaire, générait un chiffre d’affaires annuel de 15 millions, avec un peu plus d’une centaine d’employés à son actif.

À l’instigation de Marcel Melançon, avec lequel il fondera la compagnie de construction Marton (pour Marcel et Tony), le jeune patron est allé à la rencontre de Louis Laberge.

Sa méfiance à l’égard du chef syndical s’est dissipée à la suite d’un premier entretien. Il est tombé sous le charme de « Ti-Louis », qui deviendra un ami, un père spirituel et un généreux banquier. « Il était tellement humble, tellement accessible. J’ai trouvé la rencontre formidable », a déclaré M. Accurso au début de son témoignage fort attendu à la commission Charbonneau.

Louis Laberge caressait déjà l’idée de lancer un fonds de capital de risque au Québec. Il rêvait de voir émerger une entreprise de construction québécoise à la fois forte, profitable et respectueuse des droits des travailleurs. Et Tony Accurso ne demandait qu’à devenir, dans l’absolue discrétion, le porte-étendard de ce nouveau Québec inc., version syndicale, qui prendra son envol avec le lancement du Fonds de solidarité de la FTQ, en 1983.

Grâce au soutien du Fonds, le chiffre d’affaires de Tony Accurso est passé de 15 millions à 1 milliard en l’espace de deux décennies, et sa liste de paie de 100 à 3500 employés. De 1990 à 2009, le Fonds a investi un total de 114 millions dans les entreprises de Tony Accurso, notamment pour le sauvetage de la Canron, à Trois-Rivières, le rachat des Galeries Laval et celui de Simard et Beaudry.

Un mariage parfait

L’alliance improbable de l’un des plus farouches syndicalistes de sa génération avec l’un des entrepreneurs les plus cupides de l’ère contemporaine a donné des dividendes pour tous.

Les investissements du Fonds dans les différentes firmes de Tony Accurso ont généré un rendement annuel de 12,8 % sur 19 ans. « C’était un excellent partenaire pour moi, mais moi j’étais un excellent partenaire pour eux, a expliqué M. Accurso. C’est 95 millions de dollars que j’ai donnés en profit au Fonds. »

Pour sa part, Tony Accurso a obtenu un accès à des capitaux importants, le nerf de la guerre pour toute entreprise aspirant à grandir dans l’industrie de la construction.

« Dans la vie, on ne fait rien seul. Ça prend une équipe autour de nous pour réussir, a-t-il dit. Tu ne peux pas bâtir une entreprise si tu n’as pas accès au capital. On a toujours besoin d’une banque, toujours besoin d’un prêteur. »

L’entrepreneur s’attribue une grande part du mérite pour ses succès. Son truc ? Recruter et garder les meilleurs travailleurs de l’industrie, renouveler sa machinerie et produire lui-même les matériaux requis pour les ouvrages publics, tels que des tuyaux ou des enrobés bitumineux. Sur un chantier, Tony Accurso fournissait de 50 à 70 % des matériaux requis, et il les facturait au prix coûtant dans ses soumissions. « C’était automatique, j’étais capable de ramasser n’importe quel contrat », a-t-il dit fièrement.

Un témoignage en public

En matinée, M. Accurso a abattu sa dernière carte dans l’espoir de rester encore un peu dans l’ombre. Il a demandé de témoigner sous le couvert d’une ordonnance de non-publication provisoire, une requête rejetée par la juge France Charbonneau.

Selon la juge Charbonneau, il y a suffisamment de mesures pour garantir l’équité des trois procès pour fraude à venir de M. Accurso. La commission s’est d’ores et déjà engagée à ne pas le questionner sur les sujets de nature criminelle. Qui plus est, les procès de Tony Accurso ne commenceront pas avant l’an prochain, dans le scénario le plus optimiste.

La procureure en chef, Sonia LeBel, s’est assurée que le témoin allait coopérer. Avez-vous des réticences à témoigner ?, lui a-t-elle demandé d’entrée de jeu. « Pas du tout », a répliqué M. Accurso.

L’entrepreneur a décrit sommairement son parcours et ses fréquentations, entre autres avec Robert Abdallah, ancien administrateur de projet chez Hydro-Québec et ancien directeur général de la Ville de Montréal.

Son témoignage se poursuit mercredi.


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