La radicalisation flamande sonne-t-elle le glas de la Belgique fédérale?

Par Vlaams Belang

Belgique - des leçons à tirer...


La Libre Belgique - Opinion - Dans le discours du VB, la baisse d'agressivité à l'égard des allochtones est compensée par sa croissance à l'égard des Wallons et francophones. Avec la scission en ligne de mire.
_ LUDO DIERICKX, Secrétaire politique de "B Plus" Asbl
Vu à la loupe, le Vlaams Blok - Vlaams Belang présente toutes les caractéristiques d'un parti nationaliste traditionnel. Il n'apporte rien de neuf. Le VB ne se définit pas par contraste avec les autres partis flamands, mais bien en s'opposant aux Nord-Africains, Turcs, réfugiés, demandeurs d'asile, Wallons et francophones.
Il est remarquable que dans les textes récents, l'expression est plus agressive lorsqu'il s'agit de Wallons et francophones que lorsqu'il est question "d'autres" étrangers. On a l'impression que la baisse d'agressivité à l'égard des allochtones est compensée par sa croissance à l'égard des Wallons et francophones. Le VB s'en prend encore toujours parmi les étrangers aux criminels (chiffres à l'appui), aux illégaux et aux demandeurs d'asile, mais dans ses publications n'apparaissent plus de généralisations négatives concernant "tous" les Marocains ou "tous" les Turcs. Bien sûr, tous les étrangers doivent apprendre le néerlandais, et se soumettre à un sévère examen d'intégration. "Ils doivent devenir des Flamands parmi les Flamands." Le VB ne veut manifestement plus être accusé de racisme. Il constate bien encore que le chômage est 5 à 6 fois plus élevé parmi les allochtones que parmi les Flamands. Ils sont qualifiés d'opportunistes, mais on ne dit plus d'eux qu'ils sont voleurs ou profiteurs, mais on le dit bien des Wallons.
Allochtones et francophones
Les non-Belges sont dans une certaine mesure épargnés, mais pas les Wallons et les francophones. On trouve dans tous les textes des déclarations dénigrantes et agressives concernant la Wallonie, les Wallons et les francophones. Il n'y a pas ici de nuance. Tous les Wallons et tous les francophones sont visés et jugés à la même aune. Rien que des généralisations négatives et agressives. Les préjugés négatifs sont entretenus. Les Wallons, les francophones sont tous (en général) des voleurs, des profiteurs, peu fiables, empêcheurs de tourner en rond, impérialistes orgueilleux, bref des gens infréquentables.
Pas de résistance
Il est clair que le propos est de donner une image négative de l'autre communauté linguistique et de susciter chez les Flamands un sentiment de rejet. Le but est de faciliter la scission, mais non d'améliorer la gestion. Le VB utilise la technique nationaliste, consistant à élever les compatriotes flamands en leur permettant de porter un regard contempteur sur les autres, et de les mépriser.Ce qui est grave n'est pas tant qu'un parti nationaliste s'exprime de manière dangereusement agressive à l'égard des Wallons; mais bien qu'il puisse le faire impunément au regard des partis démocratiques, universalistes et pro-européens flamands. Et également des médias flamands. Ils ne souhaitent apparemment pas traiter des déclarations du VB à l'égard des Wallons. Pourquoi? Ce serait cependant souhaitable, car ce n'est pas aux Wallons qu'il appartient d'entamer le débat avec le Blok. Ce sont les Flamands, les Flamands progressistes qui doivent le faire.
La question se pose de savoir quelle serait la réaction des autorités compétentes si le VB s'en prenait aux Turcs et aux Marocains dans les mêmes termes que vis-à-vis des Wallons et des francophones. Dites que les Turcs sont des profiteurs et vous êtes un raciste; dites-en autant des Wallons et vous êtes un bon Flamand. Il faut aussi reconnaître que les nationalistes flamands apparaissent aux Wallons et aux francophones comme agressifs et hostiles bien plus par leurs exigences que par leurs outrages et insultes. Pensons à la scission de la sécurité sociale, qui appauvrirait la Wallonie, et aux prétentions sur Bruxelles.
Nous ne devons pas oublier malgré tout qu'un langage agressif est pratiqué également en Belgique francophone. C'est aux francophones de réagir de manière critique à cet égard. Songeons à certaines déclarations de José Happart, André Cools, Guy Spitaels, Jean-Maurice Dehousse. De même, une mise en question de la frontière linguistique est à considérer comme agressivement nationaliste.
La Belgique est-elle immunisée?
Presque personne ne dénonce à l'heure actuelle dans notre pays les dangers que représentent les déclarations nationalistes haineuses qui concourent à développer les ressentiments dans l'opinion. Il se forme des fronts dans les esprits. Ceux-ci se trouvent renforcés par les institutions: communautarisation et scission sur une base linguistique.
Une étincelle peut suffire pour commuer la violence verbale en violence physique. La population belge est-elle de nature supérieure, immunisée contre les excès et les défis du nationalisme? Est-elle immunisée contre les manifestations agressives qui peuvent entraîner des réactions en chaîne? Voyez seulement les Pays-Bas, avec leur population calme et bien élevée. L'assassinat de Theo Van Gogh a déclenché une escalade de violence. Et qu'en est-il dans d'autres pays?
Il faut mentionner la nature de la réaction de nombreux Flamands aux déclarations du VB, mais aussi du N-VA concernant, par exemple, la "rapine wallonne", une accusation couramment rencontrée.
Personne n'insiste sur le caractère dangereux d'une telle accusation. Non, mais que fait-on? On s'empare de chiffres relatifs aux transferts. Le caractère dangereux du langage nationaliste n'est pas dénoncé, mais est habilement détourné avec le concours de professeurs d'université qui évaluent les montants des transferts. On examine si les Wallons sont de modestes ou de grands voleurs, de petits ou de gros mendiants. On ne discute pas du caractère antisocial des accusations, mais de son exactitude, de manière à pouvoir établir la culpabilité d'un peuple sur base du montant des transferts.
Ne pas améliorer, mais scinder
On ne s'efforce pas même d'approfondir l'étude des causes. On oublie ostensiblement que la responsabilité fondamentale des transferts réside dans le système de sécurité sociale que tous les partis, tous les syndicats, les mutuelles, les organisations patronales, la FEB et les fédérations de médecins ont établi (entre autres dans le comité de gestion de l'Inami) et non dans le chef des patients, des hôpitaux, ou même des médecins (mais peut-être dans l'Ordre des médecins, qui exerce un pouvoir non négligeable dans tout le pays, également en Flandre). Si les choses ne marchent pas correctement, il n'est pas exclu de critiquer le système de sécurité sociale. Mais de cela, on s'abstient, car on ne souhaite pas améliorer le système, mais plutôt le scinder, et à cet effet il est nécessaire d'accuser les Wallons plutôt que le système.
La question n'est pas de savoir si les affirmations nationalistes concernant l'autre communauté sont vraies, fausses ou un peu vraies ou fausses seulement, mais bien si elles ne servent en fait qu'à développer du ressentiment, de manière à favoriser, dans une phase ultérieure, la rupture des liens de solidarité et d'amitié. Ce n'est pas parce qu'une affirmation dénigrante contient une part de vérité qu'elle peut être proclamée. Des vérités à caractère dénigrant contribuent plus encore que des mensonges au développement de ressentiments. Des démocrates doivent donc faire preuve de prudence. Personne ne s'aventurera à parler de vol grec dans l'Union européenne, même si un flux financier non négligeable s'écoule en direction de la Grèce.
La situation est grave. Si l'on dit des membres de l'autre communauté qu'ils sont des voleurs, des gaspilleurs et des parasites, il ne s'agit pas des déclarations de quelques isolés au café du coin, mais bien de celles des porte-parole du plus grand parti de Flandre, propos qui ne sont pas dénoncés par les autres partis. C'est tout simplement tragique.
En Europe, on sait mieux qu'on ne le soupçonne quelle évolution la Flandre connaît. Certains étrangers s'en émeuvent. Plus que nous.
QUESTIONS À MARC SWYNGEDOUW
_ Professeur de sociologie politique à la Katholieke Universiteit Leuven
Assiste-t-on à une radicalisation du mouvement flamand?
Je ne pense pas. C'est vrai que si l'on prend le cas du Vlaams Blok, aujourd'hui Vlaams Belang, ce parti n'a jamais disposé d'une telle assise populaire. Mais ses velléités indépendantistes sont d'abord le fait de ses cadres plus que de son électorat. On voit que la grande majorité des électeurs qui votent VB le font pour son discours anti-immigration, anti-politique... avant ses revendications séparatistes. Seuls 3 à 5pc des électeurs flamands demandent la scission immédiate de la Belgique.
Et dans les autres partis?
Je ne vois pas davantage de nouvelle radicalisation. Je ne pense pas qu'il soit possible de trouver aujourd'hui une majorité séparatiste, que ce soit au niveau de la population, ou de la classe politique. Du côté francophone, on porte parfois trop d'attention à un groupe de personnes au final très limité.
Les francophones n'ont donc rien à craindre d'un éventuel raidissement des demandes flamandes?
En terme de séparatisme, je ne pense pas. Par contre, les questions concernant l'organisation politique du pays resteront évidemment: que faut-il laisser au fédéral? aux Régions? Mais ce sont des discussions normales dans tout Etat fédéral. Après tout, aux Etats-Unis aussi, on peut avoir de tels débats. C'est tout à fait naturel.


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