La «pressée»

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Les analyses fédéraleuses de Michel David





L’ancienne directrice de campagne de Jean-François Lisée, Geneviève Marsan, dit retrouver ses positions dans le discours de Martine Ouellet, au point d’être devenue sa directrice des communications.


 

Il est vrai que la députée de Vachon et son collègue de Rosemont se réclament tous les deux de la social-démocratie, mais on voit mal comment concilier leurs positions sur l’échéancier référendaire. Dans le débat entre les pragmatiques et les « pressés » qui divise le PQ depuis sa fondation, ils se situent aux antipodes.


 

Certes, la pensée de M. Lisée sur cette question a fluctué de façon remarquable selon les circonstances, mais ses plus récentes réflexions traduisaient clairement la crainte qu’une trop grande précipitation à tenir un référendum ne soit le plus sûr moyen d’assurer la réélection des libéraux.


 

Mme Ouellet admet volontiers faire partie des « pressés ». Des cinq candidats à la succession de Pauline Marois qui sont toujours en lice, elle est la seule dont la position exclut catégoriquement le report du référendum au-delà d’un premier mandat.


 

Sur papier, sa démarche paraît très claire. Après une période de préparation, durant laquelle une constitution de transition serait élaborée, un gouvernement dirigé par Mme Ouellet tenterait de négocier les modalités du référendum avec Ottawa, sur le modèle de l’entente intervenue l’an dernier entre Londres et Édimbourg. Une victoire du oui serait suivie d’une période de négociations de 12 mois afin de fixer les termes de la sécession, après quoi le Québec déclarerait son indépendance.


 

 


Bien entendu, tout ne serait pas nécessairement si simple. Rien n’assure que le gouvernement canadien ferait preuve de la même ouverture d’esprit que celui de la Grande-Bretagne. D’ailleurs, les provinces voudront aussi être consultées. Une entente sur les frontières du nouvel État ou sur le partage de la dette ne serait pas garantie. Il serait présomptueux de miser sur la bonne volonté du Canada.


 

Là n’est cependant pas le principal problème. La plus grande difficulté pour le PQ serait plutôt de faire élire un gouvernement majoritaire sur la base d’une plate-forme prévoyant la tenue d’un référendum dans un premier mandat. Mme Ouellet fait partie de ceux qui croient sincèrement que ses chances de victoire seraient meilleures, mais ses rivaux qui refusent d’en prendre l’engagement ne sont manifestement pas convaincus. Pierre Karl Péladeau a beau répéter sur toutes les tribunes qu’il s’est lancé en politique dans le seul but de faire du Québec un pays, il demeure le plus nébuleux sur ses intentions.


 

Non seulement la perspective d’un référendum provoquerait une ruée des électeurs fédéralistes vers les urnes pour empêcher la tenue d’un troisième référendum, mais les souverainistes qui craignent de le perdre pourraient aussi choisir de bouder le PQ.


 

Durant la course au leadership de 2005, Louis Bernard avait plaidé le fait que faire porter l’élection sur la tenue du référendum était précisément le meilleur moyen de ne pas le perdre. Si le PQ l’emportait de façon convaincante, cela pourrait signifier que les Québécois sont prêts à voter oui. S’il était battu, cela démontrerait qu’ils souhaitent demeurer au sein du Canada, et des souverainistes ne devraient pas être désireux de gouverner une province.


 

Comme M. Bernard, Mme Ouellet propose que le PQ cesse de jouer sur les deux tableaux et assume pleinement son option. Le passé n’a-t-il pas démontré qu’un « bon gouvernement » péquiste ne suffit pas à produire les « conditions gagnantes » ? Au contraire, d’une élection à l’autre, le PQ recueille de moins en moins de voix et la souveraineté ne cesse de baisser dans les sondages.


 

 


La députée de Vachon n’aime pas qu’on la présente comme la candidate de la gauche, mais les chefs syndicaux ou les militants de Québec solidaire qui l’entouraient lors du lancement officiel de sa campagne dimanche ne s’y sont pas trompés. Sa plate-forme est indéniablement généreuse, mais il est difficile de l’imaginer au centre d’une coalition arc-en-ciel.


 

Elle se défend bien de sacrifier le pays réel au rêve de l’indépendance, mais sa position n’en pose pas moins un sérieux dilemme aux souverainistes progressistes, qui se désolent des politiques d’austérité du gouvernement Couillard, dans lesquelles ils voient ce que Mme Ouellet elle-même qualifie d’« opération de démantèlement de l’État québécois, de nos services publics et de notre filet social ».


 

Certes, la solution idéale serait un Québec souverain qui défendrait les valeurs de justice sociale et de solidarité en Amérique du Nord, mais si cela n’est pas possible à brève échéance, ne vaudrait-il pas mieux parer au plus pressé et sauver ce qui peut l’être du modèle québécois, quitte à remettre la quête du pays à plus tard ?







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