Il y a environ deux semaines, le député péquiste de la circonscription de Joliette y allait d'une déclaration surprenante, lors d'une rencontre avec des citoyens de son comté. Jonathan Valois a alors prédit que son parti subirait la défaite, lors de la prochaine élection générale.
Certes, monsieur Valois a immédiatement tenté de rattraper sa ténébreuse prophétie, alléguant que sa phrase fut isolée de son discours, lui conférant ainsi une importance démesurée. Il n'en demeure pas moins qu'il est difficile d'attribuer une autre signification à ses mots. Défaite électorale ne rime pas à grand-chose d'autres. On a beau retourner dans tous les sens le propos du Mousquetaire péquiste, aucun message positif ne peut en être extirpé!
Rapidement, certains journalistes ont accusé celui qui a appuyé Pauline Marois, lors de la course à la direction du PQ, de chercher noise au nouveau chef péquiste. Des rumeurs d'accrochages entre Jonathan Valois et André Boisclair ont même plané. Apparemment, rien de tout cela ne se serait passé. Les relations au contraire seraient excellentes entre les deux hommes. Cette affaire est depuis rapidement disparue du paysage politique. Les responsables du « damage control » au Parti québécois ont très bien manœuvré dans ce dossier!
Il n'en demeure pas moins que suite au changement de garde à la tête du Parti québécois, l'avance de dix points que détenait la formation souverainiste sur les libéraux a fondu comme neige au soleil. Pire : un sondage de la maison CROP publié dans le journal La Presse le 27 septembre dernier révèle que les deux rivaux politiques sont maintenant au coude à coude. Le PLQ et le PQ obtiendraient chacun 37% des intentions de vote. La sombre projection électorale de monsieur Valois serait-elle en voie de s'accomplir?
Des événements récents qui ont amené le premier ministre du Québec à réagir promptement ont assurément contribué à améliorer le score des libéraux, dans la dernière enquête de CROP. La tragédie du Collège Dawson et les élucubrations de journalistes anglophones ont procuré des occasions inespérées au premier ministre d'afficher une attitude nationaliste et de s'attirer la sympathie des Québécois. Certains péquistes osent croire que cet appui au PLQ est donc conjoncturel. Avec un taux d'insatisfaction envers le gouvernement Charest qui oscille à 56% et un désir de le remplacer qui rallie 59% de la population, force est d'admettre qu'ils n'ont peut être pas tort. Déclencher un scrutin automnal serait en conséquence une décision très hasardeuse de la part des libéraux.
Avouons tout de même qu'une certaine tendance favorisant la bande à Jean Charest est perceptible depuis quelques mois. Remarquez que les libéraux ne peuvent que remonter dans les sondages, eux qui fracassent des records d'impopularité depuis avril 2003 et qui les maintiennent encore, dans une moindre mesure. On ne peut éternellement séjourner dans les abysses politiques! Néanmoins, entendre la ministre de la Culture Line Beauchamp conclure « que le Québec va mieux » parce que son gouvernement patauge moins dans la lie traduit admirablement l'état lamentable dans lequel il se trouve encore. N'importe quoi pour espérer influencer les Québécois qui n'ont rien oublié de l'incompétence historique de cette équipe libérale!
C'est précisément là où le bât blesse. Si le Parti québécois laisse en bout de ligne filer une avance de dix points et ne forme pas le prochain gouvernement, l'humiliation sera à son comble pour le nouveau chef et son « équipe de rêve. » Faut-il répéter, ad nauseam, que la stratégie référendaire qui rebute tant les Québécois explique l'affaiblissement des appuis au PQ? Les gens n'ont tout simplement pas envi d'affronter, dans une consultation populaire décisive, un adversaire déterminé à reproduire ses gestes de 1995. Le Parti québécois ne montre donc pas une image de renouveau : il n'attire pas la population, malgré la pitoyable déroute du gouvernement Charest. Plutôt gênant.
Réaliser la souveraineté par voie élective à la majorité absolue des suffrages exprimés baisserait la pression qui pèse sur les souverainistes mous. Ceux-ci seraient soulagés de ne plus se voir imposer un troisième référendum sans lendemain. Ils pourraient, grâce à ce mécanisme d'une grande souplesse, trancher à l'élection de leur choix. Opter pour ce mode d'accession à l'indépendance mettrait aussi un terme à un sur-place intenable qui épuise dangereusement les forces souverainistes. Cette lassitude s'avère le péril le plus grave car il provoque de nombreux abandons vers d'autres formations politiques
Choisir de ne pas réaliser l'indépendance par le biais d'une consultation populaire n'a rien d'odieux. C'est ce que voulaient faire les membres du Parti québécois avant le congrès national de 1973. Aucune voix ne s'est alors élevée pour dire que ces gens violaient la démocratie. Loin de moi l'idée de vouloir retourner en arrière avec ce rappel. Je ne fais que souligner, par cette anecdote, qu'il est sain de modifier une stratégie lorsqu'il le faut. Les péquistes de l'époque ont réformé leur démarche souverainiste parce qu'ils cherchaient une façon d'accéder au pouvoir pour démontrer qu'ils étaient aptes à diriger un État. Aujourd'hui, faire l'indépendance sans recueillir d'abord l'appui de 50% + 1 des votes rendrait impossible l'obtention d'une reconnaissance internationale. Les choses ont changé. Cela ne veut pas dire qu'elles ne peuvent plus évoluer!
Rien n'empêche à des partis politiques ligués d'obtenir une majorité absolue des voix suite à une élection décisionnelle. Rien, sauf la frilosité des leaders souverainistes de tirer les leçons de 1995 et de riposter. Il serait malheureux d'attendre une seconde défaite électorale et beaucoup de mécontentement chez les péquistes, avant d'y recourir. André Boisclair pourrait même écoper pour son manque d'audace, s'il devait échapper une victoire qui semblait être une formalité, il n'y a pas si longtemps. Le nouveau chef a raté une occasion en or de renouveler le PQ avec son arrivée en délaissant le boulet référendaire. Il est trop tard maintenant pour le faire. Le scandale des commandites et l'histoire d'Option Canada sont derrière lui. Quel gâchis!
Le dirigeant péquiste peut par contre épater en capitalisant sur la probable élection fédérale qui se tiendra au printemps 2007, après que les bloquistes aient voté contre l'adoption du budget conservateur qui n'aura pas réglé le déséquilibre fiscal. Probable qu'à ce moment, les provinces se soient en plus entredéchirées comme à l'époque des plus belles chicanes constitutionnelles!
Au lieu de s'opposer béatement aux chiffres d'Ottawa, Gilles Duceppe doit solliciter le mandat de préparer la souveraineté. Le chef du Bloc québécois sait qu'il aurait dû le réclamer, lors du scrutin de janvier dernier. Son parti ne peut une seconde fois demeurer immobile. Avec l'appui d'André Boisclair et des Québécois, le Bloc concoctera les dossiers renfermant les actifs et le passif qui incombent au Québec dans la fédération canadienne. Si la formation souverainiste devait recevoir le soutien de 50% + 1 de l'électorat québécois, son mandat deviendrait exécutoire : advenant l'élection du Parti québécois à Québec, les députés de l'Assemblée nationale entérineront alors, à la demande du peuple, le travail accompli par leurs compatriotes aux Communes. Voilà un volet transparent et démocratique qui peut s'ajouter à la voie élective que le PQ doit préconiser. Ce sera aux fédéralistes de porter le fardeau de la preuve et de convaincre les Québécois, à l'aide d'ententes concrètes et avantageuses, qu'il faut plutôt soutenir leur option.
Chose certaine, si rien ne change, « l'équipe de rêve » risque de se faire réveiller amèrement par les prochains sondages. Perdre aux mains de la bande à Jean Charest, pourtant d'une faiblesse inouïe qui désole les Québécois, est un danger que tout stratège aguerri repère et évite. Une rentrée parlementaire est un bon moment pour rendre publiques de nouvelles stratégies.
Espérons que le député de Joliette y trouvera son compte, afin que « ce qu'il a dit qu'il n'a pas voulu dire » ne se réalise pas...
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