Old Harry

La pétrolière minimise toujours les risques

Corridor Resources maintient son modèle contesté de déversement

Beaucoup de « bluff » dans les annonces de Corridor


22 octobre 2012
Non seulement la société d’exploration néo-écossaise Corridor Resources ne prévoit aucunement revoir son modèle de déversement pétrolier dans le golfe du Saint-Laurent, mais elle compte sur la récente réforme de la Loi canadienne sur les évaluations environnementales pour forcer l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (C-NLOPB) à boucler le dossier Old Harry d’ici juillet 2013.
Une nouvelle qui ne cadre absolument pas dans le scénario prévu par la Coalition Saint-Laurent, qui s’attendait plutôt à ce que la société revoie de fond en comble son modèle.
« Nous prévoyons terminer notre évaluation au début 2013, a déclaré en entrevue Paul Durling, géophysicien en chef à Corridor Resources. Mais dans tous les cas, Old Harry a été défini comme projet désigné par la Loi sur les évaluations environnementales de juillet 2012. Un projet désigné se voit attribuer un échéancier dans lequel le gouvernement doit finir la révision d’une évaluation environnementale et, dans le cas d’Old Harry, cette révision doit être terminée en juillet 2013. Cette limite est imposée par la nouvelle loi. »
La réforme de la Loi canadienne sur les évaluations environnementales a été intégrée au projet de loi budgétaire C-38 et est entrée en vigueur le 6 juillet dernier. Elle impose un délai de 365 jours au gouvernement pour effectuer l’évaluation environnementale des projets « désignés », c’est-à-dire pouvant avoir un impact environnemental dans les domaines de compétence fédérale. Une telle limite de temps n’existait pas auparavant. À l’heure actuelle, on compte 16 projets désignés au Canada, y compris celui d’Old Harry.
En février 2011, Corridor Resources avait soumis au C-NLOPB une première description de son programme de forage à Old Harry. Son scénario de déversement de pétrole avait alors été vertement critiqué par Environnement Canada ainsi que par plusieurs organismes de la Coalition Saint-Laurent. Le C-NLOPB avait d’ailleurs soumis une liste de près de 120 pages de commentaires à Corridor, lui enjoignant de retourner à la table à dessin.
Or, Corridor persiste et signe : dans le cas d’un déversement, le pétrole que contiendrait Old Harry serait si léger que la nappe ne dépasserait pas les 20 km de rayon et s’évaporerait d’elle-même en quelques jours, voire quelques heures. Selon M. Durling, si Old Harry devait contenir du pétrole, il s’agirait à coup sûr d’un pétrole « ultraléger », « comparable au diesel ou à la gazoline ».
« Nous avons soumis de nouveaux documents à l’Office qui, à notre avis, confirment que la position de Corridor est correcte et que notre évaluation tiendra », a annoncé M. Durling.

Une mauvaise interprétation de la Loi ?
Quand il a entendu la nouvelle, le responsable du dossier à la Coalition Saint-Laurent, Sylvain Archambault, avoue « être tombé de sa chaise ». « Corridor est dans les patates », lance-t-il, surpris de la lecture que la société semble faire de la nouvelle loi. Bien au fait du délai de 365 jours que la réforme de juillet impose désormais à l’évaluation des projets désignés, il rappelle que celui-ci ne tient pas compte du temps que prend le promoteur lui-même pour recueillir les renseignements nécessaires à l’évaluation.
« Quand la loi est entrée en vigueur, le 6 juillet 2012, le compteur du projet Old Harry partait à zéro, consent-il. Mais à ce moment-là, la balle était dans le camp de Corridor, parce qu’elle avait à répondre aux recommandations d’Environnement Canada. Donc, le compteur n’est même pas parti encore. Corridor n’a même pas répondu à la première série de commentaires ! Le compteur, il va partir le jour où Corridor va déposer sa réponse. »
M. Archambault est d’autant plus surpris que le C-NLOPB a spécifiquement averti Corridor, dans une lettre datée du 12 juillet dernier et dont Le Devoir a obtenu copie, que « la période que prend le promoteur pour répondre à une exigence de l’autorité responsable en recueillant des renseignements et en complétant une étude n’est pas prise en compte dans le calcul de cette limite de temps ».
En outre, il est impossible, selon M. Archambault, que Corridor puisse déposer son étude d’impact finale au début 2013, comme l’affirme M. Durling. « Ils ont 120 pages de questions auxquels ils doivent répondre, constate-t-il. Mais ensuite, ça retourne aux ministères fédéraux, et là, c’est certain qu’il va y avoir une deuxième série de commentaires. Moi, je ne prévois pas de dépôt final avant l’été 2013. »
M. Archambault voit beaucoup de « bluff » dans les annonces de Corridor. Il en veut pour preuve les apparentes contradictions qui entourent son fameux modèle de déversement, que Corridor n’a d’ailleurs pas l’intention de revoir. D’un côté, ce modèle est exclusivement construit sur l’hypothèse d’un pétrole « ultraléger » qui se tiendrait à la surface des eaux, mais, de l’autre, le président de Corridor, Philip Knoll, admettait au printemps dernier au magazine Québec Science qu’on ne pouvait être certain de la nature du pétrole que contiendrait Old Harry : léger, lourd ou sulfureux.
Une incertitude que partage M. Durling lui-même. « Old Harry pourrait potentiellement contenir un milliard de barils de pétrole ou plusieurs billions de pieds cubes de gaz naturel, disait-il en entrevue. Mais on ne sait pas vraiment ce qui se trouve là, et on ne le saura pas avant d’avoir foré un puits. »
Il n’est d’ailleurs pas certain que Corridor aille de l’avant s’il s’agit de gaz naturel et non de pétrole. Dans les 50 dernières années, une dizaine de puits ont été forés dans le golfe. Aucun n’a permis de localiser des réservoirs de pétrole.
Corridor a acquis son permis d’exploration sur Old Harry en 2008. Elle a jusqu’en janvier 2015 pour forer, à défaut de quoi elle pourrait le perdre. Par ailleurs, l’étude environnementale stratégique que mène, depuis 2005, le C-NLOPB dans la portion du golfe où se trouve Old Harry ne remet pas en cause ce permis. Elle pourrait, par contre, resserrer les exigences environnementales d’un éventuel projet de forage. On en attend les conclusions au printemps 2013.


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