La neutralité bienveillante

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Affirmer nos principes sans renier nos racines

Le jugement de la Cour d'appel opposant Ville de Saguenay au Mouvement laïque québécois est particulièrement intéressant pour des raisons sur lesquelles les médias n'ont pas assez insisté. C'est un arrêt constructif, non seulement pour résoudre le problème de la prière dans les assemblées de organismes publics, mais en vue de l'élaboration d'une Charte de la laïcité.
La Cour rappelle que nous vivons dans un régime constitutionnel de séparation des églises et de l'État, ce qui oblige l'État à une certaine neutralité, mais il ne peut s'agir d'une «neutralité absolue» face au phénomène religieux. Devant tenir compte de la réalité patrimoniale, «la neutralité absolue de l'État ne [me] semble pas envisageable d'un point de vue constitutionnel».
La Cour énonce même l'idée de «neutralité bienveillante» en prenant appui sur la jurisprudence de la Cour suprême. Elle conclut que «la laïcité intégrale ne fait pas partie des protections fondamentales énumérées à la Charte et cette idée n'est pas davantage sous-jacente dans la forme négative de la liberté de religion».
Cette neutralité bienveillante permet les prières multiconfessionnelles ou non sectaires au début des assemblées des organismes publics, à deux conditions bien énoncées tant par la jurisprudence canadienne qu'américaine: il ne doit pas y avoir de contrainte ou coercition d'exercées, et cette prière ou les exercices s'y rapportant ne doivent pas consacrer l'officialisation d'un appui à une confession particulière. Coïncidence, la Cour d'appel américaine rendait le 17 mai un arrêt sur la prière au conseil de la ville de Greece, dans l'État de New York; la Cour a validé la prière, mais à certaines conditions que ne remplissait pas la Ville.
Il y a trois aspects complémentaires dans le jugement québécois. La Cour d'appel souligne trois erreurs manifestes commises par le Tribunal des droits de la personne: 1) la prière en cause à Saguenay a pour effet «d'imposer des valeurs, des croyances, des pratiques religieuses»; 2) la preuve d'expert retenue par le Tribunal est sans valeur par ce que le témoin Baril n'a pas l'impartialité requise d'un véritable expert; 3) le Tribunal a excédé sa juridiction en traitant des signes religieux dans l'espace public (crucifix, statue). Néanmoins, deux des juges d'appel se sont prononcés sur cette question d'une façon qui me semble pondérée et intelligente.
Finalement, un aspect accessoire du jugement concerne la remontrance au maire Jean Tremblay et l'avis que la Cour donne aux détenteurs de charges électives, soit l'obligation de pratiquer une certaine réserve, notamment en se gardant de faire du prosélytisme religieux dans l'exercice de leurs fonctions officielles.


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