Depuis la dernière sortie de l'ex-ministre péquiste Jacques Brassard critiquant le Bloc québécois, le débat sur la pertinence du parti souverainiste à Ottawa ne cesse de handicaper la campagne de Gilles Duceppe. Ce dernier en avait pourtant déjà plein les bras à freiner le retour du Parti conservateur dans la Belle Province, voilà qu'il doit répéter pourquoi lui et ses troupes sont là, et encore là, 18 ans après la fondation du parti par Lucien Bouchard.
Ce débat fait particulièrement plaisir aux adversaires du Bloc, et aux fédéralistes en général, qui n'ont jamais compris la raison de la présence d'un parti sécessionniste dans la capitale d'un pays dont ils ne veulent que la destruction. Mais il faut aller au-delà de cette rhétorique simpliste.
Le BQ a pris naissance en 1990 pendant une époque de profonde tourmente nationale, au lendemain de la défaite du référendum sur l'accord du lac Meech.
Depuis son élection en 1984, le premier ministre d'alors, Brian Mulroney, s'était positionné comme l'antithèse de Pierre Elliott Trudeau. À celui qui voulait remettre le Québec à sa place, le progressiste-conservateur voulait redonner au Québec sa place au sein de la fédération canadienne.
Cette mission, qui devait se faire "dans l'honneur et l'enthousiasme", avait même con-vaincu René Lévesque, prêt à consentir au Canada un dernier "beau risque". Pendant six années, l'état des relations Québec-Canada trônait au coeur des discussions. La déception a été d'autant plus profonde lorsque l'entente fut rejetée par l'objection du député autochtone Elijah Harper, puis de Terre-Neuve et Labrador.
De 1990 jusqu'au référendum de 1995, la présence du Bloc à Ottawa était facile à comprendre. La frange nationaliste du Québec représentait à peu près la moitié de la population. Ce n'est aujourd'hui plus que le tiers.
Si 1995 a marqué la deuxième étape de la déception des nationalistes du Québec, cela a de facto forcé le Bloc à se redéfinir. Il l'a fait en martelant l'argument de "la défense des intérêts du Québec à Ottawa". Ce message était d'autant plus facile à vendre au Québec que le Parti progressiste-conservateur s'était évaporé, et que les libéraux de la ligne dure menaient le pays, encouragés par le premier ministre Jean Chrétien et incarnés par Stéphane Dion et sa Loi sur la clarté.
Lentement, l'usure du pouvoir fait aujourd'hui sentir ses effets parmi les troupes bloquistes. Jadis unis derrière le fleurdelisé, des souverainistes de droite ont tranquillement quitté le bateau. D'autres se sont simplement fatigués, ou ont plié derrière les inévitables querelles intestines qui minent les organisations.
Tous ont beau jeu aujourd'hui d'accuser le Bloc d'une variété de maux - d'être sous le joug d'un Gilles Duceppe friand de pouvoir, d'être devenu un parti de gauche, ou simplement d'avoir fait son temps. Enfin, le Bloc n'a parfois juste pas été le défenseur des intérêts des Québécois qu'il prétendait être.
La main tendue
Mais dire que le Bloc québécois n'a plus sa place au Québec équivaut à nier la pertinence du vote de 30 à 45 % de Québécois au fil des ans. Il serait insultant de prétendre qu'ils ont tous été bernés pendant toutes ces années. Le chant des sirènes ne dure qu'un moment. Si le Bloc est toujours là, 18 années après sa fondation, c'est qu'il y a encore des centaines de milliers de Québécois qui estiment que leur voix sera mieux entendue à Ottawa par cette formation que par des députés d'autres allégeances. Il faut les comprendre, pas les dénigrer.
Le Bloc a carburé à l'incapacité des autres partis à tendre la main aux Québécois. Cela dure depuis 18 ans. Dans la présente élection, la ligne dure de M. Dion incite bien des Québécois à regarder ailleurs qu'au Parti libéral. Ils se laissent même tenter par les Néo-démocrates qui n'avaient jamais fait élire un député avant Thomas Mulcair, il y a un an aujourd'hui. Les conservateurs font des efforts face au Québec et cela plaît, comme le confirment les sondages. Bref, les adversaires du Bloc s'ajustent. Cela affaiblit ce dernier et sa pertinence est remise en cause.
Les Québécois auront le dernier mot sur l'avenir du Bloc, et il semble bien que son trépas n'arrivera pas en 2008.
pjury@ledroit.com
La mort du Bloc ?
Mais dire que le Bloc québécois n’a plus sa place au Québec équivaut à nier la pertinence du vote de 30 à 45 % de Québécois au fil des ans
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé