En présentant à l'Assemblée nationale le projet de loi modifiant le mandat de la Caisse de dépôt, le 11 novembre 2004, le ministre des Finances de l'époque, Yves Séguin, avait expliqué sa nécessité par les «défaillances» observées dans sa gestion.
Un «rendement optimal» serait désormais le premier objectif, mais le projet de loi créait aussi un comité de vérification, qui allait mettre en place des mécanismes de contrôle interne «adéquats et efficaces» et «réviser tout placement susceptible de nuire à la bonne situation financière de la caisse».
Un mois plus tard, ce projet de loi avait été inclus dans un bâillon, avec quatre autres projets qui portaient sur des sujets aussi divers que l'Agence des partenariats public-privé, la Société de l'assurance automobile (SAAQ), la reconstitution des villes défusionnées et Services Québec.
En tout et partout, le débat sur la Caisse de dépôt avait duré à peine sept heures. Le leader parlementaire du gouvernement, Jacques Dupuis, qui accuse aujourd'hui le PQ de «mauvaise foi», avait justifié cette procédure expéditive par «l'urgence de la situation».
Manifestement, un peu plus d'attention n'aurait pas nui. Force est de constater que les «défaillances» dont parlait M. Séguin n'ont pas été corrigées. Les contrôles semblent tout sauf «adéquats et suffisants» et on peut certainement considérer le papier commercial adossé à des actifs (PCAA) comme un «placement susceptible de nuire à la bonne situation financière de la caisse».
Hier, M. Dupuis a donné une autre démonstration de son insupportable habitude de faire le «finfin», en plaidant que les chiffres rendus publics par la Caisse mercredi avaient été vérifiés par le vérificateur général, alors que ce dernier réclame depuis des années le pouvoir de vérifier aussi l'efficience de sa gestion.
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On peut très bien concevoir que le gouvernement Charest ne partage pas la philosophie interventionniste du PQ, même s'il convient de distinguer entre la malheureuse aventure de Montréal Mode, dont le PLQ avait fait ses choux gras en 2002, et les initiatives réellement structurantes pour l'économie québécoise qui ont été prises dans le passé.
Il vaut la peine de relire les pages que le collègue Pierre Duchesne a consacrées, dans sa biographie de Jacques Parizeau, aux tractations entre l'ancien ministre des Finances et le président de Power Corporation, Paul Desmarais, pour faire en sorte que la Caisse prenne le contrôle de Domtar en 1981.
M. Parizeau déplore aujourd'hui qu'on n'ait pas utilisé le poids de la Caisse pour empêcher la vente d'Alcan. Cela aurait cependant exigé plus qu'un meilleur cadre de communication entre la Caisse et le gouvernement. Entre voir grand et gérer une province à la petite semaine, il y a bien plus qu'un problème de communication.
Voir petit ne veut pas dire avoir les yeux fermés. Et quand Standard and Poor's souhaite éviter une politisation de la Caisse, cette agence de cotation ne suggère pas pour autant au gouvernement Charest d'abdiquer ses responsabilités.
Quand une commission parlementaire se réunit pour faire l'examen d'un projet de loi, le ministre qui est responsable du dossier se retrouve au centre du débat. En toute logique, la ministre des Finances devrait comparaître devant celle qui se penchera sur la gestion, mais aussi sur le mandat confié à la Caisse de dépôt.
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Ce serait faire injure à Mme Jérôme-Forget que de penser qu'elle ne se souciait pas de savoir ce qui se passait au sein d'une société d'État dont le rendement a une incidence certaine sur les finances publiques, comme la loi de la Caisse lui en donne la possibilité. Précisément à cause de la compétence qui lui est reconnue, personne ne croit qu'elle ignorait l'étendue du désastre.
Selon le sondage éclair effectué mercredi soir par Léger Marketing, 90 % des Québécois estiment que le gouvernement est, à des degrés divers, responsable des pertes enregistrées par la Caisse.
Peut-être le jugement serait-il moins sévère si la population n'avait pas la nette impression d'avoir été trompée. Si on leur avait posé la question, 100 % des personnes interrogées auraient probablement répondu que le gouvernement était au courant mais qu'il n'a rien dit pour ne pas compromettre ses chances d'être réélu.
Une commission parlementaire où témoigneraient Jean Charest et Monique Jérôme-Forget dégénérerait à coup sûr en procès pour mensonge dont l'issue ne fait aucun doute. Même les gestionnaires de la Caisse deviendraient de simples victimes d'une politique de rendement à tout prix imposée en 2004.
Dans ces conditions, la solution pour le gouvernement est de transformer le débat en petite chicane de politiciens, en attendant que l'opinion publique passe à autre chose. À entendre le premier ministre, ce n'est pas la Caisse mais le PQ que Standard and Poor's vient de placer sous surveillance.
Hier, j'ai même été surpris qu'il ne dépoussière pas le fameux «plan O» qu'avait imaginé Jacques Parizeau pour soutenir le cours des obligations du Québec au lendemain d'un OUI, en mettant la Caisse à contribution. Cela viendra sans doute plus tard.
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mdavid@ledevoir.com
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