COURSE AU PQ

La loyauté anticipée de Bernard Drainville

83cc113fa8c4408fa8ca355b0d7a8cbe

Drainville a pris une décision politique intelligente

Bernard Drainville a créé la surprise en abandonnant la course à la chefferie du Parti québécois à trois semaines du vote. Surprise double puisque, en jetant l’éponge, il s’est rallié à celui qu’il avait qualifié de « mirage », Pierre Karl Péladeau. Il s’est rallié pour l’avenir du parti et aussi, plus égoïstement, pour son avenir en politique. Au sein du Parti québécois.
Lors du débat tenu à Québec jeudi, Bernard Drainville est résolument passé à l’offensive avec quelques flèches assassines qui visaient le meneur, Pierre Karl Péladeau, mais aussi Alexandre Cloutier, qui semblait en voie de le distancer.

Avec une vigueur qui fut accueillie par des huées, Bernard Drainville, à plusieurs reprises, a pressé Pierre Karl Péladeau de préciser sa démarche pour l’accession à la souveraineté, l’accusant d’exiger des militants un « chèque en blanc ». En vain. Le favori s’est bien gardé d’entrer dans le jeu.

Bernard Drainville a exhorté les militants à ne pas céder à la tentation de s’accrocher à « un homme providentiel », à « un sauveur », qui pourrait n’être, en définitive, qu’un « mirage ». Les salves étaient ciselées, les mots, choisis.

Ces attaques sont revenues comme un boomerang. Certes, Bernard Drainville a reçu les félicitations de ceux qui pensent justement que Pierre Karl Péladeau constitue un danger pour le PQ s’il est élu chef. Mais encore plus nombreux étaient les militants qui pensaient que le candidat qui se battait pour la deuxième place était allé trop loin et qu’il nuisait au parti. « On a testé les limites », souligne-t-on dans son entourage.

On lui a répété : « Bernard, ne va pas là. Ce qu’on souhaite, c’est l’unité », a relaté le candidat en annonçant son désistement, mercredi.

Il savait!

Avant même le dernier débat, Bernard Drainville savait que les carottes étaient cuites. Le pointage effectué par son équipe montrait que le nombre d’indécis parmi les membres avait chuté, renforçant l’avance du meneur et éloignant la possibilité d’un second tour. Le pointage suggérait même que l’homme politique aux accents populistes avait glissé au troisième rang, derrière le jeunot Alexandre Cloutier. Le débat de jeudi n’avait pas amélioré la situation, au contraire. C’était non seulement la défaite mais l’humiliation.

Dans les jours qui ont suivi, Bernard Drainville s’est réuni avec ses proches collaborateurs. Ils lui ont présenté les quatre possibilités : il reste dans la course en se débattant comme un diable dans l’eau bénite, il y reste en évitant les attaques pour devenir l’ombre de lui-même, il baisse pavillon sans accorder son appui à Pierre Karl Péladeau ou encore il se désiste en se rangeant derrière le favori.

Continuer la course en faisant de la figuration était exclu ; ce n’est pas dans son tempérament. Persévérer en décochant des coups alors que la cause était perdue non seulement était futile à ses yeux, mais nuirait au PQ ainsi qu’à lui-même au sein du parti, ce qui n’est pas négligeable. En fait, Bernard Drainville penchait déjà pour l’abandon, quitte à passer pour un lâcheur. La vraie décision, c’était de savoir s’il se ralliait à Pierre Karl Péladeau ou non. Une décision difficile.

Consultations

Lundi, Bernard Drainville a longuement consulté les sept députés qui l’appuyaient : Sylvain Gaudreault, Guy Leclair, Carole Poirier, qu’il a jointe au Gabon où elle était en mission parlementaire, Sylvain Roy, Alain Therrien, Mathieu Traversy et André Villeneuve. Cinq députés se sont joints au camp Péladeau. Carole Poirier, qui a le coeur à gauche, est toujours en réflexion, tandis qu’André Villeneuve a déclaré, dans une lettre au Devoir, qu’il ne prendra pas de décision avant le jour du scrutin, une position des plus originales qui peut se résumer ainsi : indécis jusqu’à la fin.

Avant que Bernard Drainville ne consulte les députés de son camp, son entourage avait entrepris des pourparlers avec le clan Péladeau. Il fallait montrer qu’en se ralliant Bernard Drainville avait gagné quelque chose sur le plan des idées, évitant qu’il apparaisse tel un chien battu, la queue entre les jambes. On proposa que Pierre Karl Péladeau fasse sien le « Plan vert Québec » piloté par Sylvain Gaudreault et qu’il s’engage à défendre une clause d’appauvrissement zéro pour les employés de l’État. Surtout, on souhaitait que le futur chef invite les membres du PQ à se prononcer sur l’opportunité de tenir ou non un référendum dans un premier mandat, et ce, au moins six mois avant les élections de 2018. L’entourage de Pierre Karl Péladeau a accepté ces demandes sans tergiverser, souligne-t-on.

Pour Bernard Drainville, ce dernier engagement est le plus important : il signifie que le chef s’engage à respecter la volonté des militants et la démocratie du parti, bref, qu’il n’exercera pas un leadership autocratique. « Pierre Karl a montré de l’ouverture et de la magnanimité », signale-t-on.

Cloutier ravi

Trop heureux d’être content, Alexandre Cloutier frétillait de contentement mercredi, une réaction qui peut apparaître étonnante, compte tenu du fait que la possibilité d’un deuxième tour s’est pour ainsi dire évanouie et que la victoire du favori semble inéluctable. Faut croire que son objectif premier était de river le clou à Bernard Drainville.

« Pierre Karl, c’est le chef », a anticipé Bernard Drainville en conférence de presse. Et, à un chef, on doit loyauté.

Ce ralliement permet à Pierre Karl Péladeau de remédier à une anomalie : bien qu’il dominât la course, il ne jouissait toujours pas de l’appui d’une majorité de députés péquistes. Maintenant font partie de son camp 15 des 25 élus péquistes qui n’occupent pas une fonction les empêchant d’afficher leurs couleurs. En outre, l’unification des deux camps est en quelque sorte naturelle : le deuxième choix de la grande majorité des partisans de Drainville, c’était PKP, tandis que le deuxième choix de la plupart des militants qui appuient PKP, c’était Drainville.

En accédant aux demandes de Bernard Drainville, Pierre Karl Péladeau montre qu’il pense déjà à faire l’unité du parti après sa victoire. Il semble avoir réalisé qu’il ne peut mener la barque seul. Il semble surtout avoir compris qu’il avait des choses à apprendre en politique.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->