La liberté de religion comme prétexte

Val-Morin : les malcommodes...



Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. Quand on veut noyer un règlement municipal, on l’accuse de violer la liberté de religion.

C’est ce que tentera de faire, devant la Cour suprême, l’avocat Julius Grey, procureur de la communauté hassidique qui vient de perdre sa cause en Cour d’appel contre la municipalité de Val-Morin.
Cette histoire comporte mille péripéties, mais au fond elle se réduit à cette question: les municipalités ont-elles le droit de faire des règlements de zonage pour déterminer où seront établis les lieux de culte?
En 1982 et 1986, la communauté a acheté deux chalets. Elle en a transformé un en synagogue et l’autre en école. Or, dans cette zone, seul l’usage résidentiel est permis.
La municipalité a donc à plusieurs reprises avisé la communauté qu’elle était en infraction du règlement municipal.
La communauté a-t-elle réclamé la liberté de pratiquer le culte à cet endroit? Nullement. A-t-elle demandé un changement de zonage, une dérogation, quelque accommodement?
Absolument pas. Pendant près de 20 ans, elle a simplement nié qu’il y ait là une synagogue ou une école.
L’avocat de la communauté écrivait noir sur blanc en 2001 que «le bâtiment n’était jamais utilisé pour fin d’une synagogue ou une école».
Devant tant de mauvaise foi, la municipalité a fini par demander l’intervention de la Cour supérieure. Et voilà que devant le juge, avec cet humour involontaire propre aux plaideurs, le même avocat tente d’invoquer une sorte de droit acquis ou de tolérance municipale: il plaide que depuis toujours, les immeubles ont été utilisés comme lieu de culte et comme école!
J’avoue que j’ai du mal à vous suivre, cette fois, mon cher Julius…
Ça me rappelle l’histoire d’un de mes collègues qui avait reçu une facture d’un hôtel où il n’avait pas séjourné, et qui avait enguirlandé la réceptionniste: «Non seulement je n’ai jamais mis les pieds à votre hôtel, mais en passant, la nourriture était infecte!»
La communauté, par la bouche de son avocat, a menti à la Ville de Val-Morin. Et quand ça n’a plus fonctionné, l’avocat a trouvé l’excuse toute fabriquée: la liberté de religion!
Or, rien ne brime la liberté de ce règlement municipal, et la Cour supérieure a rejeté l’argument, jugement que vient de confirmer la Cour d’appel.
Qu’y a-t-il de déraisonnable à délimiter les zones d’une municipalité selon les types d’activité? Cela s’appelle le zonage, qui est une manière d’organiser avec un peu de cohérence l’espace urbain.
On ne parle pas ici d’une municipalité qui modifie le zonage pour interdire de pratiquer une religion. On parle au contraire d’une petite municipalité qui demande, année après année, mesdames et messieurs, pourriez-vous s’il vous plaît respecter le règlement municipal?
Et les personnes visées de répondre: quoi? Mais il n’y a pas de synagogue ici, voyons!
Très bien, me direz-vous, mais s’il n’y a plus d’espace dans la zone réservée aux lieux de culte, n’y a-t-il pas lieu d’être accommodant pour cette communauté? Excellente question, je vous félicite pour votre sens du compromis.
Mais il se trouve que la communauté possède un magnifique terrain de quatre acres dans la zone réservée aux lieux de culte, terrain qui se trouve à sept minutes de marche des chalets.
Quel est donc le problème?
Le problème, c’est que la communauté n’a pas tenté de trouver une solution raisonnable à ce faux problème. Elle n’en a fait qu’à sa tête, et tant pis pour les règlements municipaux.
Mais comme l’écrit le juge Jacques Dufresne pour la Cour d’appel, «la liberté de religion n’emporte pas le droit de célébrer le culte ou d’établir une école d’enseignement religieux à l’endroit de son choix. La limite imposée à la Congrégation quant aux usages qu’elle peut faire de ses chalets n’est aucunement discriminatoire. Celle-ci s’inscrit plutôt dans le cadre d’un contrôle normal des usages par un règlement de zonage visant l’intérêt collectif.»
On voit mal comment la Cour suprême pourrait casser cette décision, à moins de récrire le droit municipal.
Conclure autrement, surtout dans un cas où la solution est tellement simple, serait un encouragement à la délinquance sous prétexte de liberté de religion. Mauvaise idée, mauvaise cause.


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