La gouvernance de la Caisse en eaux troubles

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Il est temps de reprendre le contrôle de la Caisse : on ne pourra pas compter sur Sabia


La gouvernance au sein de la Caisse de dépôt et placement du Québec file un mauvais coton.


À la suite des récentes révélations de notre Bureau d’enquête, la Caisse a suspendu jusqu’à maintenant trois dirigeants de sa filiale Otéra Capital, lesquels font l’objet d’une enquête interne sur des questions d’éthique et d’apparence de conflits d’intérêts.


Est-ce la pointe de l’iceberg ? Pour en avoir le cœur net, il faudrait idéalement élargir le mandat des enquêteurs de sorte qu’ils puissent passer au peigne fin pas seulement la direction d’Otéra, mais également les directions des divers secteurs (marchés boursiers, placements privés, revenu fixe, investissements au Québec, infrastructures) et les directions des filiales de l’organisation.


On s’entend qu’une telle enquête devrait relever non pas du grand patron Michael Sabia, mais plutôt du conseil d’administration (CA) de la Caisse.


LE PROBLÈME DES FILIALES


Si j’étais à la place du CA de la Caisse, je me poserais de sérieuses questions sur le modèle de gouvernance mis en place au sein des trois grosses filiales de la Caisse : Ivanhoé Cambridge (leader mondial de l’immobilier), Otéra Capital (géant canadien du financement immobilier commercial) et CDPQ Infra (maître d’œuvre de projets d’infrastructures, dont le REM).


Pourquoi ? Parce que la formation des conseils d’administration de ces trois filiales de la Caisse ne respecte aucunement l’un des grands principes de bonne gouvernance que la Caisse recommande aux entreprises dans lesquelles elle investit, soit d’avoir à la tête du conseil d’administration un président indépendant de la direction de l’entreprise.


Imaginez-vous que la présidence de chaque filiale de la Caisse est confiée à des dirigeants de la Caisse. C’est ainsi qu’on retrouve à la tête de « CDPQ Infra » nul autre que Michael Sabia, et à la tête d’Ivanhoé Cambridge son chef de la direction, Daniel Fournier.


Avant d’être suspendu dans le cadre de l’enquête sur les apparences de conflits d’intérêts, on retrouvait à la tête d’Otéra Capital le chef de la direction, Alphonso Graceffa.


Autre grand principe de bonne gouvernance que la Caisse veut faire respecter chez les entreprises : le conseil d’administration de chaque entreprise devrait être constitué d’une majorité d’administrateurs indépendants.


Qu’en est-il de ce principe chez Otéra Capital ? Sur les 12 postes du CA, les administrateurs indépendants en occupent six, et les dirigeants de divers secteurs à la Caisse en occupent six. Donc, pas de majorité d’indépendants.


CDPQ INFRA


Chez la filiale CDPQ Infra, que M. Sabia préside lui-même, non seulement les administrateurs indépendants sont en minorité, mais en plus ils n’ont même pas encore été nommés, et ce après trois ans et demi d’existence.


Ce CA devait être constitué de cinq membres, dont deux administrateurs indépendants et trois hauts dirigeants de la Caisse.


Et pourquoi la Caisse n’a pas encore nommé les administrateurs indépendants chez la filiale CDPQ Infra ? On m’a répondu qu’il n’y avait pas urgence étant donné que la filiale ne mène actuellement qu’un seul projet, celui du REM.


Un conseil. La Caisse devrait nommer au plus sacrant les deux administrateurs indépendants de CDPQ Infra. Quand on accorde des contrats de 6,3 milliards, on ne niaise pas avec la gouvernance.