Hydro-Québec

La gestion calamiteuse de Thierry Vandal

Le loup est dans la bergerie

Chronique de Richard Le Hir

Dans le secteur privé, le droit des affaires astreint le premier dirigeant d'une entreprise (chief executive officer) à « une obligation fiduciaire » envers tous les actionnaires de l'entreprise. Cette obligation impose au dirigeant de se comporter en « bon père de famille » dans sa gestion de leurs intérêts, et donc d'y subordonner tous les autres.
On serait porté à croire que cette obligation n'en serait que d'autant plus forte dans une entreprise du secteur public dont le seul actionnaire est l'État, lui-même fiduciaire de l'intérêt collectif. Ce serait compter sans ce prisme déformant qu'est le gouvernement au pouvoir et qui, du fait de son mandat électoral, se croit être le patron ultime et absolu d'Hydro-Québec, et ce d'autant plus facilement qu'il en nomme tous les administrateurs (voir la liste en référence, et noter plus particulièrement la présence de Michel Plessis-Bélair, vice-président du conseil de Power Corporation du Canada, qui siège aux comités suivants : Comité exécutif, Comité des finances, Comité de gestion financière du régime de retraite, Comité de gouvernance et d'éthique (!!!) http://www.hydroquebec.com/publicat... ).
Le président d'Hydro-Québec se retrouve donc toujours au coeur d'une situation extrêmement difficile : il doit gérer l'entreprise au mieux des intérêts de celle-ci et de l'intérêt collectif en exécutant la politique de l'actionnaire, et il lui faut des compétences, une autorité personnelle et un doigté extraordinaires pour y parvenir sans sacrifier les uns ou les autres.
En examinant le bilan d'Hydro-Québec depuis que Thierry Vandal est à la direction, force est de constater non seulement qu'il n'est pas à la hauteur du défi dans la mesure où non seulement il n'a pas démontré « des compétences, une autorité personnelle et un doigté extraordinaires », mais que son incapacité à maintenir la distance nécessaire entre l'entreprise et le gouvernement au pouvoir l'a précipité dans des directions qui ne répondent ni aux intérêts de l'entreprise, ni à ceux de l'État, ni à ceux de la collectivité québécoise, alors qu'il est évident qu'elles servent des intérêts privés.
Aux cours des deniers mois, j'ai eu l'occasion de me pencher sur le cas d'Hydro-Québec dans trois dossiers en particulier http://www.vigile.net/Les-Grandes-m... , http://www.vigile.net/Gare-a-l-arna... , http://www.vigile.net/Les-deux-gros... : la décision d'Hydro-Québec d'acheter Énergie Nouveau-Brunswick, l'intérêt de Power Corp. pour les actifs d'Hydro-Québec dans un scénario éventuel de privatisation partielle ou totale, et la décision d'Hydro-Québec de reconstruire la centrale nucléaire de Gentilly. Dans ces trois dossiers, la preuve est accablante. Vigile a même reçu un message d'une personne proche de la haute direction de l'entreprise qui confirme, après y avoir travaillé pendant près de trente ans, que « la société d'état ne fut jamais au service de ses citoyens, comme le souhaitait René Lévesque » http://www.vigile.net/Le-chat-sort-... .
Fort heureusement, la très forte opposition de la population du Nouveau-Brunswick a empêché Hydro-Québec de conclure la transaction envisagée avec Énergie Nouveau-Brunswick, au grand dam des premiers ministres des deux provinces qui avaient mis tout leur prestige derrière cette opération, et sans doute aussi des intérêts plus ou moins occultes qui les manipulent.
Mais « la messe n'est pas dite » dans le cas d'une privatisation éventuelle d'Hydro-Québec, et la présence d'un très haut dirigeant de Power Corp. dans des fonctions très stratégiques au conseil d'administration de HQ, est pour le moins alarmante (le loup est carrément dans la bergerie et a accès à toutes les informations sur l'entreprise, même les plus stratégiques), quoique la responsabilité ne puisse en être imputée à Thierry Vandal.
Dans un tel cas, Thierry Vandal aurait eu à tout le moins l'obligation de s'assurer des intentions de Power Corp avant d'accepter qu'un représentant d'un niveau aussi supérieur siège au conseil, car il y a manifestement là conflit d'intérêt.
Dans le cas de la reconstruction de la centrale nucléaire de Gentilly, il n'existe aucune justification rationnelle à ce projet. La technologie Candu n'a pas su gagner l'adhésion du marché, l'Ontario n'en veut plus, et même le Nouveau-Brunswick a décidé de délaisser cette filière à sa centrale de Pointe-Lepreau et de faire plutôt affaires avec AREVA, une entreprise française qui exploite une toute autre technologie. La décision d'Hydro-Québec dans ce dossier-là sert donc carrément les intérêts de SNC-Lavalin qui a reconnu avoir des visées sur Énergie Atomique du Canada Ltée, une société de la Couronne dont le gouvernement fédéral cherche à se départir, et qui est propriétaire de la technologie Candu. Mais deux milliards pour faire plaisir à SNC-Lavalin, c'est quand même un peu fort de café ! Et l'on se dit que s'ils n'ont pas reculé devant deux milliards dans ce cas, combien y a-t-il d'autres dossiers où ils n'ont pas reculé devant.


Il existe toute une série de cas, depuis les contrats de production accordés aux petites centrales en passant par la production d'énergie éolienne et jusqu'à la cession de la technologie du moteur roue, où des occasions ont été trouvées pour céder des avantages aux amis du régime dans une grande braderie d'une ampleur rarement égalée, et tout ça pour qu'une poignée de magouilleurs aillent faire les jars en France et ailleurs à nos frais. Vous avez des doutes ? Consultez-donc ce montage audio-visuel très instructif :
http://www.youtube.com/watch?v=mxvP... et donnez-vous la peine d'écouter jusqu'au bout. Vous serez estomaqué. Attention, si vous portez un dentier, il risque de tomber tout seul ! Vous verrez également comment un important actionnaire de Power Corp, Dassault, a pu mettre la main sur la technologie du moteur-roue pour en faire ses choux gras, les juteuses perspectives de marché en Chine grâce à CITIC, un énorme consortium du gouvernement chinois au conseil d'administration duquel siège d'ailleurs un des fils Desmarais, et vous comprendrez encore mieux le parallèle que j'établissais il y a quelques semaines entre les destins de Jean Charest et de Nicolas Sarkozy http://www.vigile.net/La-stupefiant.... Tout ce beau monde s'abreuve à la même auge : votre poche.
Le pire dans tout cela, c'est que Thierry Vandal n'est sans doute même pas conscient des responsabilités qu'il a à titre de premier dirigeant d'une grande société d'État. Il doit davantage son poste au fait d'avoir été « un proche du Parti libéral, ayant dirigé la commission politique du PLQ sous le leadership de Robert Bourassa » http://www.ledevoir.com/economie/78... , donc quelqu'un qui n'était guère susceptible de contester les instructions du gouvernement, qu'à ses qualités de gestionnaire. Et ça paraît !
Auteur : Richard Le Hir


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2 commentaires

  • François A. Lachapelle Répondre

    24 juillet 2010

    Bonjour Richard Le Hir,
    J'ai suivi votre conseil et je viens de visionner sur YOUTUBE le vidéo de 9:51 min intitulé QU'EST-IL ARRIVÉ AU MOTEUR-ROUE d'HYDRO-QUÉBEC?
    Effectivement que la main gantée noire des Desmarais se promène partout pour arnaquer le bien public produit par le génie et les dollars des québécois.
    Parlant des Desmarais, je ne peux m'empêcher de rappeler la récupération de Henri-Paul ROUSSEAU par POWER avec un salaire annuel de plus du million $.
    Revenons à la gestion de Thierry VANDAL à la tête d'Hydro-Québec depuis 2001. À titre de retraité d'Hydro-Québec, je sais comment cette entreprise est formidable et généreuse envers ses employés. En vérité, on parle ici de la générosité de tout le peuple du Québec. Elle est encore plus généreuse envers ses dirigeants. Certains observateurs diront qu'Hydro-Québec fait de l'argent comme de l'eau. René Lévesque a-t-il prévu toute la richesse future de cette société d'État qui agit en situation de monopole? Il a sûrement vu grand pour vendre le projet de la 2e nationalisation à son patron Jean Lesage.
    Aujourd'hui, en contre-partie du monopole puissant qu'est Hydro-Québec, je nomme deux grands parapluies qui sont percés.
    Le 1er, celui de la haute direction manipulée par le PM actuel du Québec: il y a des manques sérieux à l'éthique par du gaspillage jamais sanctionné comme le 2 milliards $ voté en 2008 pour la réfection de la centrale nucléaire de Gentilly-2. Et tous les beaux dossiers du moteur-roue et de la pile AVESTOR, des produits du génie québécois vendus à vil prix, à des amis.
    En 2009, la rémunération et avantages totaux de Thierry Vandal atteignent 570 096$. Pourtant, vient le 2e parapluie percé.
    Le 2e parapluie percé a trait au travail de motivation du personnel pour qu'il donne son 110%. Ce travail n'est pas fait dans l'entreprise par les gestionnaires proches du terrain. En vérifiant auprès d'amis chez Bell Canada, on fait le même constat. Un vent d'individualisme souffle chez les employés. Que fait Thierry Vandal pour contrecarrer cet individualisme contre productif?
    Définitivement, la haute direction d'Hydro-Québec manque à ses responsabilités de fiduciaires et de rendre-compte au peuple du Québec qui comprend la grande majorité de sa clientèle.
    Trop d'erreurs graves subsistent, persistent comme:
    1. la réfection de Gentilly-2: 2 milliards $ avec un multiple de X2 et X3 à la fin des travaux. L'ancien ministre libéral Pierre FORTIER le reconnaît.
    Voici la liste des compagnies pirvées bénéficiaires de contrats: SNC-Lavalin, Énergie Atomique du Canada (société d'état à vendre) AREVA Canada et Westinghouse. cf p.18 Rapport d'activité 2009 Dir. Production nucléaire.
    2. le mauvais contrat signé pour 20 ans avec Trans-Canada Energy: payer des milliards $ au privé pour ne pas produire. Un vol en habit-cravate!
    3. la présence au sein du CA d'Hydro-Québec d'un haut dirigeant de POWER,
    Michel Plessis-Bélair; un vol de secrets d'entreprise en habit-cravate.
    4. la braderie de brevets d'Hydro-Québec relatifs au moteur-roue de l'ingénieur Couture. La recherche et développement estimé à 350$ millions payés par les québécois.
    5. les petits cadeaux au privé avec les mini-centrales (50 MW et moins) et les réseaux d'énergie éolienne; toujours de beaux cadeaux aux amis avec des contrats fermes d'achat par Hydro-Québec.
    Malgré cette réalité, le ministre Bachand annonce des déficits budgétaires du Québec importants parce que notre économie est anémique.
    Mais le réseau privé de vempires des titzamis n'est pas anémique et ils en redemandent. Qu'est-ce que le peuple du Québec doit faire pour arrêter ces erreurs des hauts dirigeants grassement payés ? Actuellement, nous ne pouvons que dénoncer. Il ne nous reste qu'à marchander notre vote auprès des candidats et des partis. Qu'en pensez-vous?
    En tout respect pour ce peuple du Québec exploité par les siens.
    François A. Lachapelle

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juillet 2010

    N'y a-t-il pas déjà eu un haut dirigeant d'Hydro qui a été membre de l'OTS?
    Je me souviens bien avoir entendu cela à une époque pas si lointaine.
    Une chose est certaine, il y a anguille sous roche...
    J'espère qu'Hydro ne deviendra pas une autre CDPQ.