MOUVEMENT SOUVERAINISTE

La fin du partenariat

Il y aura 20 ans demain, Lucien Bouchard était sacré «négociateur» d’une éventuelle entente Québec-Canada

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L'indépendance libérée de son carcan fédéraliste






Il y a 20 ans, la campagne référendaire battait son plein. Lucien Bouchard devenait officiellement le négociateur en chef du partenariat Québec-Canada qui serait proposé au Canada au lendemain d’un Oui. C’était un 7 octobre 1995. Chef de l’opposition officielle à Ottawa, il quittait la Chambre des communes et venait diriger la campagne sur le terrain. Jacques Parizeau lui passait le flambeau lors d’un grand rassemblement à l’Université de Montréal.


 

Cette entrée en scène eut pour effet de placer le concept de partenariat au centre de la campagne et de donner un nouvel élan à ce que les ténors du Oui appelaient le camp du changement. Cette histoire est d’ailleurs très bien décrite dans l’ouvrage de Martine Tremblay qui vient de paraître et qui porte sur le Bloc (La rébellion tranquille, Québec/Amérique).


 

L’Entente du 12 juin, conclue entre le Parti québécois, l’Action démocratique du Québec et le Bloc québécois, faisait une large place au partenariat politique et économique avec le Canada. Ainsi, toute déclaration de souveraineté serait précédée d’une négociation de bonne foi, portant notamment sur l’établissement d’institutions politiques communes et d’une union économique. Tel était le mandat référendaire.


 

La campagne électorale que vivent les Québécois 20 ans plus tard au niveau fédéral est révélatrice. Elle nous permet de voir ce qu’est depuis devenu le mouvement souverainiste. Il y a bien sûr le Bloc québécois qui fête ses 25 ans. Celui-ci est né pour préparer la souveraineté à partir d’Ottawa. Comme à chaque élection, son avenir repose entre les mains des électeurs.


 

S’il est possible d’anticiper des changements au sein du système partisan, la nouveauté est ailleurs. Au-delà des résultats, qu’en est-il du projet lui-même ? Qu’en est-il des moyens retenus pour atteindre l’objectif ultime des souverainistes ? Les positions prises par Gilles Duceppe dans cette campagne confirment un virage majeur entrepris par l’ensemble du mouvement depuis plusieurs mois.


 

Il y a bien sûr le slogan : « Qui prend pays prend parti ». Cela témoigne d’une option indépendantiste décomplexée. Cela rappelle d’ailleurs les slogans d’avant même la naissance du Parti québécois. On note également les publicités radio qui insistent sur l’indépendance. De manière plus fondamentale, il y a les précisions apportées par Gilles Duceppe lors du premier débat des chefs à une question formulée par Yves Boisvert, du quotidien La Presse.


 

À la question posée : « Est-ce que vous acceptez le principe selon lequel le Québec devrait négocier une question référendaire avec le premier ministre du Canada ? » La réponse de Gilles Duceppe fut claire : « Moi, je vous dirai que cela prend une question qui sera acceptée, parce que ce sera plus facile… et la vraie question c’est : Voulez-vous que le Québec devienne un pays indépendant ? » Il a par la suite indiqué que le mouvement indépendantiste ne voulait plus du partenariat dans la question. Sur deux aspects, de telles précisions témoignent d’une rupture avec le projet porté par le Parti québécois depuis sa fondation.


 

Sur le fond de la question, en évacuant la notion de partenariat avec le Canada, le projet d’indépendance se rapproche maintenant davantage de celui que portait le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) de Pierre Bourgault. Ce choix est légitime, mais lourd de conséquences. À l’origine, rappelons que le Parti québécois est issu du Mouvement souveraineté-association de René Lévesque. Ce dernier tenait tant à l’association qu’il y rendait la souveraineté conditionnelle. De même, en 1980, il proposait d’abord un mandat de négocier, et ce, avant la tenue d’un deuxième référendum.


 

Sur les moyens, en se basant sur l’expérience écossaise, Gilles Duceppe voit d’un bon oeil le fait qu’Ottawa doive donner son accord quant à la formulation d’une éventuelle question référendaire. Il juge que cela faciliterait les choses. Ce faisant, il remet cependant en question la loi 99 adoptée par l’Assemblée nationale qui réaffirme son pouvoir exclusif en la matière. Cette loi fut d’ailleurs adoptée en réponse à la loi fédérale sur la clarté référendaire. Il s’agit cette fois d’un changement stratégique majeur. Même si l’Assemblée nationale conserve son mot à dire, cela vient modifier l’ensemble du débat préalable à la tenue d’un éventuel référendum et réduire l’autonomie des autorités québécoises.


 

Bientôt vingt ans se seront écoulés depuis les résultats du dernier référendum. Depuis quelques mois, le mouvement souverainiste a renoué avec l’indépendantisme. Il a décomplexé son option fondamentale. Il est normal que cela se traduise par des changements importants, tant sur le plan du discours que sur le plan stratégique. Dans cette campagne, Gilles Duceppe aura eu le mérite de préciser davantage les principaux éléments de ce nouveau cycle.







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