La fin du pacte social occidental - mai 68 - août 2011

Crise mondiale - Le Cauchemar américain


LA GRANDE ÉPOQUE DE L’AMÉRIQUE
En 1968, ils étaient des centaines de milliers à lancer des pavés dans
presque toutes les cités d’Europe. En ces temps passés, le monde était
divisé en deux grands blocs opposés. D’un côté, le camp impérialiste
occidental sous la houlette de la super puissance américaine triomphante ;
de l’autre, le camp social-impérialiste sous la gouverne de l’Union
Soviétique post Khrouchtchévienne (1).
Quelques années auparavant, John F. Kennedy, le chef de file des faucons du
Pentagone, avait parrainé l’invasion ratée de la Baie des Cochons (Cuba),
puis imposé le blocus de l’île où se cachaient quelques ogives nucléaires
russes ; puis il avait ordonner l’invasion du Viet Nam et le massacre de
son peuple héroïque. Pour faire bonne mesure, ajoutons quelques coups
d’États fomentés par la CIA en Amérique Latine alors sous domination
exclusive des États-Unis, ainsi qu’en Afrique, continent fortement contesté
entre les puissances impérialistes anciennes (France, Royaume-Uni,
Allemagne, Italie, Belgique et Portugal) et les sociaux impérialistes
soviétiques alors en expansion.
Si l’on exclut Cuba, l’Amérique Latine n’était pas à proprement parler
l’objet d’un repartage des zones d’influences et d’exploitation entre ces
deux blocs. Les Kennedy – Johnson – et consorts s’étant assurés de ne pas
laisser les soviétiques mettre le pied plus loin que Cuba dans cette chasse
gardée hémisphérique. En 1973, le général Pinochet sera d’ailleurs chargé
de le rappeler aux soviétiques par le fer, le feu et le sang du peuple
chilien.
Par ailleurs, l’affrontement entre ces deux blocs entraînait un repartage
dynamique des sphères d’influence, des marchés et de zones de spoliation
des ressources naturelles en Afrique, au Moyen-Orient et dans une partie de
l’Asie. Quelques puissances impérialistes européennes (France, Royaume-Uni,
Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Israël) servaient de supplétifs aux
américains chaque fois que la Maison Blanche ne pouvait s’occuper elle-même
d’un problème régional. Les « libérations » nationales de l’Iran, de
l’Inde, du Pakistan, de l’Indonésie, de nombreux pays d’Afrique et du
Moyen-Orient témoignent de ce redéploiement du colonialisme classique en un
néo-colonialisme plus approprié aux rapports des forces en présence.
En 1968, le dollar US était en ascension vertigineuse et remplaçait l’or
peu à peu comme devise du commerce international et comme valeur refuge.
Les banques et les trusts financiers américains prenaient le contrôle des
bourses internationales. L’industrie américaine et ses filiales allemandes
et japonaises dominaient le monde hors de la zone soviétique.
Pendant ce temps, le social-impérialisme soviétique grappillait de ci de là
quelques zones d’influence en Afrique et en Asie pendant que ses satellites
Est européens offraient leurs maigres marchés, leurs ressources naturelles
faméliques et leurs ateliers industriels polluants à l’expansion soviétique
déjà en difficulté.
L’AFFRONTEMENT
C’est dans ce contexte expansionniste et de confrontation inter-blocs que
la petite-bourgeoise et la gente étudiante ouest-européenne s’avancèrent
pour réclamer un meilleur partage des richesses spoliées dans les pays du
tiers-monde et rapatriées en métropole. Le mouvement de Mai 68, comme il
est convenu d’appeler cette série de soulèvements des jeunes travailleurs
et des étudiants, frappa plusieurs pays d’Europe occidentale pour culminer
en France en mai 1968. Soulèvements de jeunes travailleurs et d’étudiants
car, à cette époque d’expansion impérialiste triomphante, les jeunes
travaillaient ou encore étudiaient. Le chômage endémique, le désespoir
urbain, la misère des banlieues, la paupérisation des masses laborieuses
n’étaient pas encore généralisés en Occident.
Le soulèvement des jeunes, que la « gauche » officielle, européenne et
française, ne soutient qu’à la toute fin pour mieux le dévoyer et
l’étouffer, visait la répartition de la richesse, c’est-à-dire le repartage
social de l’usufruit de l’exploitation des néo-colonies d’Afrique, du
Moyen-Orient et d’Asie. C’est la raison pour laquelle ces soulèvements ne
frappèrent sérieusement que les pays riches d’Europe occidentale.
Après des mois d’échauffourées larvées, en tournante dans les différentes
capitales d’Europe, le mouvement souleva Paris. La grande bourgeoisie
capitaliste choisit alors de tout miser sur la bataille de France et d’y
casser définitivement le mouvement. Justement, le Président français
Charles de Gaulle était une pointure politique à la hauteur de cette
mission réactionnaire.
Effectivement, le mouvement des casseurs revendicateurs fut brisé en France
où, après sa fuite à la base militaire de Baden-Baden (Allemagne), de
Gaulle revint appuyer les accords de Grenelle qui assurèrent le rehaussement
du SMIC et un enrichissement relatif de l’aristocratie ouvrière française.
La bureaucratie syndicale, la gauche caviar et le grand capital venaient de
signer une trêve sociale – de non révolution – qui devait durer quelques
dizaines d’années.
Aussitôt, les autres capitales de l’Ouest emboîtèrent le pas et accordèrent
des conditions similaires à leurs étudiants, à leurs aristocraties
ouvrières et à leurs bobos nationaux. Les États-Unis refusèrent ce pacte et
la bataille se poursuivit là-bas jusqu'à aujourd’hui.
Les accords de Grenelle marquèrent la fin du mouvement des étudiants
récalcitrants de Mai-68. La grande bourgeoisie d’affaire occidentale venait
d’acheter la paix sociale sur le dos des peuples néo-coloniaux qu’il
fallait maintenant assujettir encore plus fermement. L’ère des agressions
régionales contre les pays du tiers-monde pour les mettre au pas allait
s’intensifier.
ÉTÉ 2011 – RIEN NE VA PLUS
Après une succession interrompue de crash économique, financier, monétaire,
boursier, en 2008 la plus importante de toutes les crises ébranla les
fondements de la mainmise américaine sur l’économie mondiale. La crise se
préparait depuis longtemps pourtant. La balance commerciale et la balance
des paiements américains donnaient des présages annonciateurs de la
débâcle à venir.
Déjà en 2001, la puissance américaine battait de l’aile. Frappés de toute
part par un nouveau joueur très puissant, les USA ne parvenaient plus à
maintenir leur hégémonie sur l’empire récalcitrant. Même son hégémonie
militaire, pourtant très chèrement acquise (50 % des dépenses militaires
parasitaires mondiales), était battue en brèche par les peuples du tiers
mondes insoumis.
Ce n’est pas l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center à
New-York qui marque le tournant historique de cette époque. Pas du tout,
c’est là une vision étriquée, unilatérale et subjective originant du cœur
de la bête. C’est la résistance héroïque du peuple irakien à l’agression
impérialiste américaine qui constitue l’événement historique charnière.
Après la victoire du Viet Nam contre les sbires de l’Oncle Sam, victoire
que l’on avait cru atypique – un accident de l’histoire – « Une fois n’est
pas coutume » – voilà qu’un petit peuple de 31 millions d’habitants,
presque sans armes (kalachnikovs et explosifs), tenait tête et mettait en
échec la plus formidable armée de tous les temps. Par la suite, ce fut la
résistance libanaise aux hordes sionistes (2006), la résistance afghane
(2010), la résistance Nord pakistanaise, somalienne et libyenne (2011)…
Qui
a peur du gros méchant loup américain ? Terminé l’époque « glorieuse » ou
les puissances impérialistes occidentales se partageaient sans vergogne les
dépouilles du continent noir, du Moyen-Orient pétrolier, de l’Asie et de
l’Amérique Latine tout en refilant quelques miettes à leur petite
bourgeoisie reconnaissante.
Ces guerres en série plombèrent lourdement le budget américain. Ces
défaites militaires couplées aux crises économiques répétitives
(financières, boursières et monétaires), alliée à la désindustrialisation
occidentale, associée à la tertiarisation parasitaire de l’économie
capitaliste et à la concurrence féroce d’une nouvelle superpuissance
industrielle – la Chine impérialiste – ont entraîné l’économie impérialiste
occidentale au fond de l’abîme – le déclin de l’empire américain avait
sonné.

Voilà le contexte planétaire qui marque l’époque contemporaine. Les
capitalistes monopolistes occidentaux ont donc répudié l’accord de Grenelle
et son pacte social ainsi que la trêve signée en 1968. Ils n’ont plus
d’argent à offrir pour acheter la paix sociale. Tout juste leur reste-t-il
quelques deniers pour payer les forces répressives – polices, services
secrets, réservistes et armées – afin d’imposer un nouveau pacte social à
la strate des bobos (petite bourgeoisie), aux jeunes désoeuvrés et aux
étudiants qui étudient pour devenir chômeurs ainsi qu’au peuple travailleur
tout entier.
Ce nouveau pacte social est très simple à comprendre, de moins en moins de
services sociaux et d’aide aux déshérités et aux retraités, de plus en plus
de réduction drastique du coût de reproduction de la force de travail de
façon à tenter de reconquérir le terrain perdu face à l’impérialisme
montant de l’Alliance de Shanghai dirigée par la Chine. Délocalisation
industrielle vers les pays à faible salaire et à plus value abondante et
résistance à la baisse tendancielle des taux de profits. Chômage, guerre de
rapine, spoliation, exploitation et paupérisation des masses travailleuses,
voilà le nouveau programme que tous les Obama, Cameron, Sarkozy et Harper
de ce monde proposent à leur population. Pour y parvenir, ils comptent sur
l’engagement militant et résolu de la petite bourgeoisie paupérisée,
accrochée à l’illusion qu’elle peut sauver ce système moribond si elle fait
accepter tous ces sacrifices aux pauvres d’Occident et par ceux des pays
néo-coloniaux.
Mais voilà, les jeunes des révoltes anarchiques et spontanés de l’été 2011
n’ont rien à voir avec les étudiants universitaires de Mai-68. Ils ne se
battent pas pour obtenir leur part de la plus value spoliée dans les pays
du tiers-monde ou dans les usines capitalistes. Ceux-là se battent et
résistent simplement pour survivre ; pour trouver à manger, s’habiller, se
loger ; pour crier leur frustration devant le chômage endémique ; pour
brûler les HLM miséreux et insalubres où ils sont parqués. Ils se battent
pour dérober quelques colifichets inaccessibles qu’on leur a tant vantés ;
pour éventrer les magasins de produits de luxe destinés aux bobos et à
l’aristocratie ouvrière qui de toute manière est de moins en moins en
affaire pour se les procurer. Les « bobos » pleurent la destruction de ces
biens mais de toute façon ces marchandises leur sont livrées à crédit en
attendant que l’économie s’effondre et qu’on leur reprenne maison et
cotillon en même temps que le peu qu’on leur avait laissé contempler.
Les capitalistes occidentaux n’ont que peine, sueur, sang et pauvreté à
offrir à leurs laquais petits-bourgeois, bureaucratie syndicale, gauche
caviar et bobos de toute engeance pour les services de trahison rendus afin
de préserver ce système moribond.
Tous ces gens n’ont aucune influence sur les jeunes en révolte qui pourtant
auraient bien besoin d’un leader, d’une orientation politique dans leur
activité subversive et de résistance contre l’appareil répressif de l’État
(des milliers de policiers partout au Royaume-Uni – demain l’armée) et
pour diriger leur révolte vers la conquête du pouvoir d’État, le
renversement de la dictature bourgeoise et l’établissement de la dictature
du prolétariat.
Quelle force véritablement de gauche saura assumer cette responsabilité
historique en ces temps magnifiques où les damnés de la terre se sont levés
pour transformer l’humanité ?
__________________
(1) Le camp socialiste était disparu entre 1953, année de la mort de
Staline et 1956, année du rapport « secret » de Khrouchtchev au XXe
congrès du PCUS.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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