La farce continue

Le Québec et la crise

Plusieurs parlementaires ont l'habitude de se transformer en snowbirds en janvier. En 1998, l'ancien député libéral de Hull, Robert Lesage, n'avait pas même jugé utile d'interrompre son séjour en Floride, alors que ses commettants étaient aux prises avec la terrible crise du verglas.
À ceux qui lui avaient reproché son absence, il avait répliqué avec une belle candeur: «Je ne vois pas ce que j'aurais pu faire si j'avais été là.» L'idée qu'à défaut de pouvoir corriger les excès de la météo ou de remettre les pylônes d'Hydro-Québec sur pied, un élu puisse toujours apporter son soutien moral ne semblait pas lui avoir effleuré l'esprit.
À l'instar de M. Lesage, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, et son collègue du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, Raymond Bachand, ont estimé que leur présence au Québec n'était pas utile pour préparer la minisession spéciale qui s'ouvre aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Le bureau du premier ministre Charest a manifestement fait la même évaluation.
Le pire est qu'ils avaient parfaitement raison. L'absence des deux principaux ministres économiques au moment où un Québécois sur deux s'inquiète des conséquences de la récession a pu en choquer certains, mais elle illustre très bien l'inanité d'un gouvernement provincial face à une crise d'une telle ampleur, de même que la futilité du prétexte invoqué par le premier ministre pour précipiter le déclenchement des élections en novembre dernier.
Bref, la farce continue. La reprise des travaux de l'Assemblée nationale pendant quelques heures apparaît simplement comme une figure imposée que M. Charest aurait préféré expédier à la veille de Noël, ce qui aurait au moins permis à ses ministres de prendre du soleil sans que personne s'en formalise.
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Hier, le premier ministre s'est lui-même chargé d'expliquer l'inutilité de l'exercice. Les mesures qui seront présentées mercredi dans le cadre de l'énoncé économique de Mme Jérôme-Forget ont déjà été annoncées durant la campagne électorale et, à l'exception d'un projet de loi sur le refinancement des régimes de retraite privés, qui aurait très bien pu attendre au printemps, elles ne nécessitent pas l'intervention de l'Assemblée nationale, a reconnu M. Charest.
Il n'a cependant pas précisé si la ministre des Finances actualiserait ses prévisions. À la veille du déclenchement des élections, elle assurait qu'en dépit du ralentissement de l'économie, le Québec réussirait à équilibrer son budget aussi bien en 2008-09 qu'en 2009-10. Depuis ce temps, à peu près tout le monde revoit ses calculs à la baisse. Serait-ce trop de demander où nous en sommes?
Déjà, Pauline Marois a entrepris de dénoncer l'insuffisance des initiatives gouvernementales et le peu de temps dont les parlementaires disposeront pour en débattre d'ici jeudi. À peine deux heures, selon le projet de motion qui a été soumis à l'opposition. Cela ne justifiait pas les 83 millions qu'a coûté l'élection du 8 décembre et la nomination de huit ministres supplémentaires, a renchéri le porte-parole de l'ADQ, Éric Caire.
Cela est plutôt de mauvais augure pour le nouveau climat de collaboration dans la stabilité que prétend souhaiter M. Charest. Demain et jeudi, la période de questions orales risque fort de se transformer en réquisitoire sur le manque de transparence dans la gestion de la Caisse de dépôt. Autrement dit, la partie va reprendre exactement là où on l'avait laissée à la fin de la campagne électorale.
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Il est vrai qu'il serait prématuré de se lancer dans les grandes manoeuvres avant le dépôt du budget fédéral, à la fin du mois. C'est seulement quand Mme Jérôme-Forget présentera son propre budget, en mars ou en avril, que le gouvernement Charest pourra réellement agir. Raison de plus pour épargner à une population déjà très sceptique le spectacle d'une session bidon.
Remarquez, elle ne semble pas attendre davantage du budget. Selon le sondage de Léger Marketing dont les résultats ont été publiés hier dans Le Journal de Montréal, plus de la moitié (53 %) des contribuables ne croient pas qu'il aidera à traverser la crise. C'est encore pire dans le cas du budget fédéral, dont seulement le tiers prévoit des effets positifs.
M. Charest pourra sans doute compter sur l'appui unanime de l'Assemblée nationale en prévision de la conférence des premiers ministres qui aura lieu vendredi à Ottawa. Si le budget Flaherty est le moindrement décevant, cela permettra au PQ de dire qu'encore une fois, le gouvernement fédéral se fiche de ce que les Québécois peuvent penser.
D'ailleurs, Mme Marois s'est bien assurée de placer la barre suffisamment haut en comparant les 217 millions que le ministre fédéral des Finances, James Flaherty, avait prévus pour aider le secteur manufacturier au Québec aux 2,7 milliards consentis à l'industrie automobile en Ontario.
Sans parler du projet d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne et du manque à gagner d'un milliard que les changements annoncés à la méthode de calcul de la péréquation feraient subir au Québec. La chef péquiste veut bien contribuer à combattre le scepticisme que les gouvernements inspirent à la population, mais cela exclut manifestement celui d'Ottawa.
mdavid@ledevoir.com


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