La dictature rêvée des patrons et des économistes

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L'État face au démantelement de ses compétences





« Un économiste, c’est quelqu’un qui vous expliquera demain pourquoi ce qu’il prédisait hier ne s’est pas réalisé aujourd’hui. »


Les dirigeants réunis dans le cadre du sommet du G20 achèvent leur rencontre sur fond de crise de la mondialisation. En marge du sommet, économistes et patrons ont appelé les États à « résister au nationalisme ». Leur déclaration était ponctuée des grands termes habituels issus du petit catéchisme mondialisard : la globalisation comme « bonne chose pour le monde », « prospérité au service de tous », « croissance plus inclusive », « opulence inédite », etc. Amen !  On reconnait certes du bout des lèvres qu’il y a des ratés, qu’il y a aussi des victimes, mais pas question de reculer ! Il faut plutôt congédier le droit légitime des nations à déterminer leurs priorités.


On parle ici d’« ordre international économique ouvert ». Cela signifie que les États doivent être mis en tutelle par des accords de plus en plus serrés, qui ne cherchent même plus à stimuler le commerce entre les pays mais à transformer tout en marchandise, allant des services publics à la culture en passant par l’environnement ou le travail. Ne nous y trompons pas : le nouveau « libre-échange », qui porte très mal son nom, vise à ce que l’ensemble des pays du monde aient des législations identiques pour que le capital, de plus en plus mobile, puisse circuler d’un territoire à l’autre en ayant droit au traitement princier.


Il serait faux de penser que la mondialisation néolibérale abolit pour autant les États. Les États conservent une fonction extrêmement importante -il n’y a qu’à lire les rapports des organismes mondiaux comme le FMI, l’OCDE, la Banque mondiale ou l’OMC- et c’est celle de construire un environnement optimal pour attirer et garder les investisseurs étrangers chez soi. L’État n’a plus qu’un but, celui d’envoyer le message à ces investisseurs étrangers que leur territoire est le plus à même de combler leurs besoins. Jouant à qui est le plus attirant et le plus généreux, les territoires se trouvent alors en concurrence, et il existe même plusieurs palmarès (le Forum économique mondial et l’International institute for management développement en produisent annuellement) les classant par ordre, du plus au moins soumis aux dogmes officiels. Pour attirer les investisseurs et s’assurer qu’ils ne se sauvent pas du jour au lendemain, voici la recette : pas de règlements ou de fardeau fiscal trop lourds, un code du travail pas trop contraignant, des infrastructures à la disposition du capital, et même un système d’éducation entièrement tourné vers la formation d’une main d’œuvre prête à être au service des entreprises. Il faut donc que les États ne soient plus des espaces de solidarité mais qu’ils soient des bars ouverts à la disposition du capital, tout en garantissent à ce dernier sa totale liberté d’agir.


Un exemple de chez nous l’expose à merveille, et c’est celui du Plan Nord. Pour attirer les compagnies étrangères, le gouvernement a fait miroiter -outre les richesses naturelles en elles-mêmes- le peu de redevances minières qui seraient exigées, le soutien d’Hydro-Québec et la présence d’infrastructures, de routes et de technologies. En 2015, le gouvernement a aussi aboli l’obligation, pour les minières, de divulguer un bon nombre de renseignements sur la valeur et la quantité de richesses naturelles extraites du sous-sol québécois. « Venez-vous en, on vous gâte et on n’exigera rien en retour ! »


La mondialisation néolibérale travestit donc la fonction de l’État. Le nationalisme conviendrait plutôt d’y revenir. Ce n’est qu’en rétablissant et en utilisant pleinement leur souveraineté nationale que les États pourront ravoir les leviers lui permettant d’agir. Le projet des patrons et des pseudos-économistes d’un « ordre international économique ouvert » est totalement antidémocratique. Si les actuels régimes parlementaires sont actuellement si inefficaces, c’est parce qu’on leur confisque leur capacité d’agir pour confier des parts importantes de leurs pouvoirs à des organismes mondiaux, à des commissions d’« experts », à des traités étouffants ou à des corporations transnationales. Aucune de ces instances n’est près de représenter les peuples comme un État-nation peut le faire.


Ce n’est aucunement rejeter le commerce ou la nécessaire collaboration entre les peuples que de défendre la souveraineté nationale. Les pays sont entièrement libres d'établir des compétences partagées, tant que le contrôle démocratique reste au rendez-vous. La première conception d’un système commercial mondial, après la Seconde Guerre mondiale, prévoyait d'ailleurs que les nations puissent défendre leurs intérêts, tout en développant un commerce qui ne soit pas un but en soi mais qui serve les objectifs de développement humain. Tel était aussi le message du président wallon Paul Magnette lorsqu’il est venu à Montréal en juin dernier.  


Une chose est certaine, aller encore plus loin dans la mauvaise direction n’aidera en rien. C’est ce que nous proposent pourtant ces soi-disant économistes et ces patrons. « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes »...



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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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