La dernière carte

Plan nord



Les semaines se suivent et se ressemblent pour le gouvernement Charest. Après le tripotage visant à masquer le fiasco monumental de l'informatisation des dossiers médicaux (DSQ), vertement dénoncé par le vérificateur général, ce sont maintenant les retombées du Plan Nord qui ont été gonflées de façon éhontée.
Entre les 120 millions de dollars de redevances qu'il générera au cours des cinq prochaines années et la somme de 1,4 milliard qu'a fait miroiter M. Charest lundi dernier, l'écart est trop important pour être attribuable à une simple méprise.
La confusion entre les mines déjà en exploitation depuis des années sur l'ensemble du territoire québécois et ce qui résultera du Plan Nord au cours des cinq prochaines années a été délibérément entretenue.
Quelqu'un au gouvernement a sans doute trouvé — avec raison d'ailleurs — qu'un aussi faible rendement sur un investissement public de 1,6 milliard pouvait difficilement justifier qu'on sorte les feux d'artifice et le champagne.
Il ne faut jamais perdre de vue que le Plan Nord est avant tout un instrument de marketing politique. Au départ, il s'agissait essentiellement d'un plan vert de développement énergétique dont Hydro-Québec devait être le maître d'oeuvre. On avait même forcé la société à réécrire son plan quinquennal pour se conformer aux désirs du gouvernement.
Avec l'explosion du prix des matières premières, il a paru plus avantageux de changer l'emballage du Plan Nord. Assez paradoxalement, il se veut toujours un modèle de développement durable, alors qu'il repose maintenant sur des projets aussi temporaires que les mines.
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Le plus étonnant dans cette histoire est le peu de cas qu'on a fait de la crédibilité du premier ministre. Même le ministre des Finances, Raymond Bachand, qui sait pourtant faire preuve d'une remarquable créativité comptable quand il s'agit d'embellir le portrait des finances publiques, n'a pas voulu s'associer à une aussi grossière tentative de désinformation.
Tous n'ont pas la même honnêteté intellectuelle. Encore hier, le ministre responsable des Affaires intergouvernementales, Pierre Moreau, plaidait avec sa mauvaise foi coutumière que tout avait été fait dans la plus grande transparence.
On aurait pu penser que le gouvernement saurait tirer des leçons de sa mésaventure avec le gaz de schiste. Au départ, une majorité de Québécois était favorable à son exploitation, mais la maladresse ou l'incompétence avec laquelle le dossier a été géré et la détestable impression que les droits d'exploration avaient été cédés pour une bouchée de pain ont rapidement suscité une méfiance, puis une hostilité qu'il sera maintenant très difficile de surmonter.
Il est tentant d'établir un parallèle avec le Plan Nord. S'il ne constitue pas un «bar ouvert» pour les compagnies minières, comme le soutient l'opposition, pourquoi a-t-on senti le besoin de tripoter les chiffres?
De prime abord, la perspective d'un vaste développement des ressources du Nord a pourtant de quoi séduire la population, et la distance permet de relativiser plus facilement les inconvénients pour l'environnement.
Il est si agréable de penser que les grands services publics pourraient être maintenus, peut-être même améliorés, sans qu'il soit nécessaire d'augmenter les taxes et les tarifs. Devant tant d'avantages, les objections des communautés autochtones qui refusent de collaborer ne pèsent malheureusement pas très lourd dans la balance.
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Le sondage de Léger Marketing dont Le Devoir publie aujourd'hui les résultats a été effectué entre le 9 et le 11 mai, avant que n'éclate la controverse sur les retombées du Plan Nord. La tendance des derniers mois a cependant de quoi encourager les libéraux. Après deux ans, un écart de seulement 4 points avec le PQ tient presque du prodige.
Certains ont vu une sorte de testament dans le Plan Nord, mais c'était peut-être simplement la dernière carte. Si M. Charest arrive à faire croire à l'existence d'un nouvel eldorado, on pourrait lui pardonner bien des choses. Surtout si la «gouvernance souverainiste» proposée par le PQ est perçue comme la garantie d'une reprise des chicanes entre Québec et Ottawa.
À 68 %, l'insatisfaction à l'endroit du gouvernement demeure très élevée, mais c'est quand même 11 points de moins qu'il y a deux mois. Pour la première fois depuis longtemps, Jean Charest et Pauline Marois arrivent à égalité quand on demande aux Québécois qui est le plus apte à occuper la fonction de premier ministre.
Dans une entrevue accordée au Devoir cette semaine, Gilles Duceppe mettait le PQ en garde contre la possibilité d'une vague Legault analogue à celle qui a emporté son parti le 2 mai. L'avance de 21 points de retard que le PQ détient toujours chez les francophones permettrait en principe à Mme Marois de former un gouvernement majoritaire, mais il y a un dangereux flottement dans l'électorat.


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