La défense basée sur le motif de la preuve indirecte

L'affaire des CPE

O.J. Simpson fut accusé de meurtre après qu’on ait retrouvé une fausse barbe, des gants entachés de sang dans sa Bronco noire, véhicule observé aux abords de la scène du crime. Le prélèvement des traces permit d’isoler de l’ADN d’O.J. Simpson dans les pièces où le meurtre s’était déroulé. De plus, O.J. Simpson avait pris carrément la fuite au volant de sa fameuse Bronco quand la police était venue l’appréhender.
Pourtant O.J. Simpson fut disculpé. Richissime, O.J. Simpson embaucha un avocat qui voua toute son équipe à élaborer un plan de défense qui devait reposer sur un argument: toutes les preuves recueillies par le procureur sont des preuves indirectes. Il y avait certes beaucoup de faits mais aucun qui ne présentait un rapport de causalité démontrable avec le meurtre commis.
Une fausse barbe? En quoi porter une fausse barbe entraîne-t-il au meurtre? Des gants souillés de sang? S’ajustent-ils bien à ma main? Et les autres objets incriminant retrouvés dans le véhicule, qui les a mis là? Et pour ce qui était de la fiole censée contenir de l’ADN de Simpson, avait-on tout fait pour qu’elle ne soit pas remplacé en cours de route.
Il y avait bien des caméras dans les centres de prélèvements de la preuve mais forcément beaucoup d’angles morts qui échappent à l’objectif. Les procureurs firent valoir que si on retenait ce plan de défense, toute le processus qui vise à accumuler la preuve devrait être observable d’un bout à l’autre jour et nuit.
Le procès O.J. Simpson ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. On voyait que presque toutes les preuves pouvaient être qualifiées de “preuves indirectes”. Il y avait de quoi en tirer une leçon. Un bon plan de défense doit nier l’évidence sous prétexte que l’essentiel de l’accusation repose sur des circonstances qui ne sont pas en soi une preuve directe.
Un homme dont le véhicule fut aperçu dans les quartiers avoisinants cinq scènes de crime répondra que ce n’est pas un crime que de garer sa voiture. Une célébrité prise avec deux messages de proxénètes sur son cellulaire et des notes de restaurant avec plusieurs mineures s’adonnant à la prostitution répondra que les fréquentations ne sont pas un crime. Aujourd’hui, tous ceux qui voit la preuve s’accumuler contre eux déclarent que ce ne sont que d’infâmes allégations s’appuyant sur un échafaudage de preuves indirectes.
L’ennui, c’est qu’avant il fallait attendre les nouvelles judiciaires pour assister à cette riposte d’un voyou. Aujourd’hui, c’est nul autre que le premier ministre qui a les réflexes aussi prompts et aussi étudiés qu’un délinquant à contrôler. Son ministre Tomassi a certes vu les membres de son exécutif de comté obtenir des permis de garderie. Et alors? En quoi l’appartenance au parti Libéral et l’effort pour le financer ont-ils été un facteur décisif et facilitateur? Avec cette question, Jean Charest a décidé de disqualifier les accusations qui s’accumulent comme autant de mirages reposant sur trop de preuves indirectes, des allégations, se plaît-il à répéter.
Les avocats ont le droit de défendre leurs clients en soulevant comme prétexte l’insuffisance de preuves et l’absence d’un lien causal observable. À la fin de tous ces procès, on s’échange un sourire fin car personne n’est dupe. Comme "tout le monde est égal devant la loi", selon la formule consacrée, il faut bien croire qu’un premier ministre a le droit d’user du même plan de défense qu’un chef de gang de rue.
La différence réside dans le fait qu’on peut toujours espérer que le chef de gang de rue se retrouvera un jour nez à nez avec une enquêteur pourvu des pleins pouvoirs de nommer des investigateurs. C’est moins probable quand l’accusé a le droit de nommer ou pas des enquêteurs et de décider de leur objet d’enquête.
Il est de coutume pour un avocat de répondre pour son client que les accusations sont en fait des allégations, et même du salissage puisque l’accusateur a fabriqué un chaînon de circonstances. Des circonstances, des preuves indirectes, des liens arbitraires entre des facteurs indépendants, tout cela est un nuage. Plus il y a des accusations, plus le premier ministre les traitera comme des allégations.
Le premier ministre comme bien d’autres citoyens ordinaires a le droit de vous prendre pour un imbécile. La chance, pour lui, c'est qu'il contrôle les ficelles beaucoup plus facilement qu'un simple voyou.
André Savard


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 mai 2010

    Ça fait des lunes que le PLQ couche avec la mafia. Un comptable de beaver asphalte était haut placé dans le parti Liberal dans un comté de Montréal sous Bourassa.Tout le monde sait que cette cie n'était pas ''clean''. Mais pour la masse qui prend ses infos à la télé/journal... ni vu ni connu.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mai 2010

    Monsieur Savard,
    Et vous aurez raison car nous ne sommes plus (l'avons-nous déjà été?) dans un état de droit. Le voyou (le politicien moderne) s'en tire toujours en comptant sur le discrédit du témoin. Un psychopathe niera toujours sa maladie. Les psychiatres rêveraient probablement d'étudier le cas Charest!
    Accusez-le de meurtre? Il vous accusera à son tour. Jacques Derrida disait du témoin qu'il est celui sur lequel repose toute la « vérité ». La croyance, le crédit accordé au témoignage.
    En ce qui me concerne, je ne laisserais pas mes chats seuls trente secondes avec Tomassi ou Charest. George Bernard Shaw disait : « Accouplez un chat à un être humain et la race féline s'en trouvera diminuée ». Il devait pressentir ce qui arrive pour écrire ça...
    André Meloche
    P.S. Abigail Williams était également passée maître dans l'art de convaincre de sorcellerie. Magride également avec son célèbre Ceci n'est pas une pipe. Le monde pullule d'hommes de bonne foi. Mais Dieu est mort, disait Nietzsche.