La déconstruction tranquille

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Rome ne s’est pas faite en un jour





La voix de Jacques Parizeau porte. Réfléchis et pesés, ses mots ont le rare don d’être lourds de sens. À la fois complexe et limpide, sa pensée est habitée d’un sens de l’État et de l’intérêt public qui ne court plus nos coulisses du pouvoir.


Dans une entrevue enregistrée en février et diffusée hier à la radio de Radio-Canada, l’ancien premier ministre en avait long à dire. Au moment où le gouvernement Couillard fête son premier anniversaire et où le Parti québécois s’apprête à choisir son prochain chef, ses mots tombent à point nommé.


On le sent inquiet. Un thème dominant traverse d’ailleurs toute l’entrevue: la déconstruction tranquille. Celle des services publics, du projet d’indépendance, du PQ et, peu à peu, de la nation elle-même.


Quand il rappelle que «la politique», la vraie, «c’est la construction de l’avenir», on mesure d’autant l’ampleur de la déconstruction à laquelle on assiste depuis des années.


Critique du «dogme» du déficit zéro depuis son apparition sous Lucien Bouchard, il dénonce le «psychodrame» sur les finances publiques et les «paniques artificielles» que nos gouvernements rejouent depuis.


Or, s’il est vrai que ce psychodrame est fabriqué, c’est qu’il vise avant tout à habituer les Québécois à une réduction continue du rôle de l’État et à la progression du privé qui en résulte.


L’austérité triomphante


Sans prononcer le mot «néolibéralisme», M. Parizeau en décrit néanmoins l’effet brutal: «On laisse les gens tout seuls. Il y a tellement de gens dans notre société qui ont l’impression que l’État n’est pas de leur côté.» L’art de résumer la raison première des manifs contre l’austérité.


Voyant un Québec «nostalgique» devenu incapable de se rêver un avenir, le temps, lance-t-il, est venu de passer le témoin aux 30-40 ans. Ce qui, on ne s’en sort pas, interpelle aussi un PQ auquel les jeunes ont tourné le dos...


Sur ce parti qu’il avait lui-même reconstruit après le référendum de 1980 et le naufrage du «beau risque», M. Parizeau dit les choses crûment. Surtout, il pose la question qui tue: «Est-ce que le Parti québécois est encore le bon véhicule» pour l’indépendance?


La même erreur


Son constat: «On a démoli graduellement ce parti-là. Surtout, on lui a fait perdre son âme. [...] Ça ne veut pas dire que ce n’est pas récupérable, mais ça veut dire que la preuve est à faire.» Bref, il réitère son diagnostic de l’an dernier: les souverainistes sont face à un «champ de ruines».


Mais qui est ce «on» si ce n’est l’establishment même du PQ depuis 1996? Jusqu’à la défaite cinglante du 7avril 2014, ses dirigeants n’auront guère hésité à cacher son option tout en délaissant la social-démocratie qui distinguait pourtant ce parti.


«Dans l’état actuel des choses, conclut-il, tout est à reconstruire.» Encore ce thème de la déconstruction...


Au moment où le PQ semble tenté de refaire la même erreur – soit d’espérer séduire la base caquiste conservatrice au lieu de reconstruire la sienne –, les mots de Jacques Parizeau y seront-ils entendus?




Partagez-vous l’inquiétude de monsieur Parizeau ?




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