La crise de la famille

Chronique de Sylvain Deschênes



Nous avons eu droit la semaine dernière à un grand spécial « Famille » à Radio-Canada. La chose se déclinait à la radio et à la télévision d’État et probablement en différentes saveurs. Je dis « probablement » parce que les échantillons qu’on m’a fait entendre me stimulaient à peu près autant que la lecture d’un quelconque bulletin corporatif.

Le matin, par exemple, à la place de matante Charette à la radio, on avait droit à une heure de plates anecdotes sur les aléas de la vie de famille racontées par des parvenus tellement fiers de leur réussite que le proverbe chinois nous revenait immédiatement en tête : plus haut monte le singe et plus il montre son cul!

Animée par un journaliste et sa femme comédienne, on y invitait d’autres veudettes de la Maison à nous parler d’eux-mêmes dans le contexte absolument passionnant de leur vie de couple et de parents comme si ça nous intéressait. Le syndrome monarchique est tellement répandu dans cette institution que ses artisans n’ont souvent aucune gêne à parler de leurs collègues comme s’il s’agissait d’un aréopage d’élus pour lesquels nous ne saurions qu’éprouver un très grand respect pour le rang qu’ils tiennent dans notre société.

Qui n’a pas observé comment se déploie l’arrivée de personnages politiques importants dans des assemblées publiques peut facilement l’imaginer. En tête du groupe, les journalistes de Radio-Canada, de la télé et de la radio, de la section anglaise et de la section française, foncent fièrement vers la tribune, comme si l’essentiel de l’événement tournait autour de leurs personnes et de ce qu’elles allaient en dire.

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Apparemment, le journaliste Bernard Drainville n’a jamais pratiqué le métier de « rapporteur » de politique provinciale. Son parcours nous parle d’études à l’université Ottawa (l’université canadienne comme en dit dans la pub, c’est-à-dire une façade bilingue et une réalité anglaise) puis à la London School of Economics, de reportages sur les affaires municipales et les affaires internationales, puis d’une émission d’entrevues intitulée « La part des choses ». Rassurée par sa formation à Ottawa et à Londres, la direction de la Maison lui avait confié récemment le poste de « chef de bureau » à Québec, lui permettant de gérer le discours sur les affaires provinciales.

Et voilà que l’enfant prodigue lâche sa famille pour se retrouver chez les séparatistes!

Shocking!

La belle-famille de La Presse n’a pas mis de temps à se joindre au concert des vierges offensées, relayant cette curieuse accusation : les partis auraient confié leurs secrets à ce journaliste de Radio-Canada sans vouloir que le PQ en sache quelque chose! Il faut donc comprendre que les libéraux et les adéquistes considèrent un journaliste de Radio-Canada comme une sorte de confesseur tenu au secret! Faudrait peut-être revoir la politique d’information de la Maison pour qu’elle reflète cette étrange réalité. Il semble que lorsque les partis disent quelque chose à ses journalistes, l’information doit rester secrète pour les indépendantistes.

D’où, probablement, ces bulletins d’information tellement codés pour les fédéralistes à Radio-Canada qu’on n’y comprend plus rien et que nous reste que l’attitude hautaine du lecteur ou de la lectrice de nouvelles, tout imbu de l’importance de sa fonction d’annoncer la volonté impériale.

Drainville a donc comparu hier devant le patriarche de la Maison, l’annonceur émérite métamorphosé avec le temps en icône du fédéralisme décrépitant et dont les écouteurs à tue-tête nous informent des directives de la régie. Le père Derome ne confesse pas comme les journalistes de terrain. À son rang, on fait comparaître!

Avec Pierre Laporte ou René Lévesque embarquant dans « l’équipe du tonnerre » des libéraux de Jean Lesage, on n’avait pas autant réagi. La chose n’avait rien de répréhensible. Il n’y avait pas de problème non plus quand d’autres journalistes faisaient le saut en politique, tant qu’ils le faisaient dans le respect de la Famille.

Pour d’autres exemples du copinage bien assumé à Radio-Canada, Claude Jasmin, jadis décorateur de la Maison, peut d’ailleurs nous en conter des pas mal.


En attendant, juste pour voir la famille fédéraliste enragée par la défection d’un de ses membres, l’annonce de la candidature de Bernard Drainville aura valu le coup.

Sylvain Deschênes

deschenes.sylvain@videotron.ca



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